VirginieG La Source et La Flamme Funérailles 2

Funérailles 2

Je file tout droit vers Yolande et la serre dans mes bras. Je sens un sanglot monter... Sam m'a suivie, il serre chaleureusement la main de Pascal.


— Merci d'être venus. Le chemin a dû être long. Et puis, voilà le village privé de pain.

— C'est tout naturel, vieux ! On a confié Cyrcé à Xavier Hardy et on a pris la route. Yolande n'aimait pas abandonner Elisabeth dans de telles circonstances. Et ce que la patronne veut !


Je pleure dans les bras de mon amie. Je sens que les gens me regardent. Bordel, mais c'est normal, non ? Nor-mal ! C'est quoi leur problème ? Que je n'aie pas pleuré jusqu'ici ? Mais qu'est-ce qu'ils en savent ?


— Tu vas niquer ton mascara, Bab's. Fais pas ta tronche de Marilyn Manson... Ou alors dis-moi que c'est stratégique pour faire fuir les cons. Oh, mais je sens un petit crapaud qui tire sur ma jupe, là, non ?


Ella cherche en effet à attirer l'attention de sa marraine. Elles sont tellement proches, se voyant tous les jours, qu'il lui manquait ce repère dans ce va-et-vient incessant d'inconnus venus se pencher devant une « boîte à Mamy » où, dit-elle, Mamy n'est pas, vu qu'elle est partie avec la Princesse pour devenir le bébé de Lola. Petits secrets qu'elle murmure à mon oreille, à celle de Romaine. Avec Yolande, elle est juste une petite fille comme les autres, gâtée par une marraine dont les enfants sont partis étudier loin du village.


Les employés de pompes funèbres invitent la famille à rejoindre le salon pour la levée du corps, pour un dernier recueillement intime. Lorsque Aurélien, sa fiancée Julie et Vivien m'emboîtent le pas, je fais un signe de tête à Sofiane. Je ne les ai pas conçus toute seule, ces beaux gars-là, et puis Maman aimait beaucoup son beau-fils. Alors pourquoi l'exclure de ce cercle familial dont il a fait partie pendant plus de 20 ans ? Ce serait ridicule. D'autant plus ridicule que nous avons prévu de chanter ensemble à la messe... Et je sais déjà que ça va jaser.


Alors notre merveilleuse famille atypique entoure son patriarche. Pauvre patriarche qui a perdu son tendre rocher, son flambeau, celle qui structurait toute sa vie. Qui va devoir apprendre à vivre seul, à se débrouiller seul. C'est pour ça que nous restons quelques jours de plus, pour organiser tout ça. Bien entendu Roger et Olivier seront une présence constante, François n'est qu'à une demi-heure de route... Mais quelle aventure de vivre par soi-même lorsqu'on a toujours été entouré des soins d'une femme, sa mère puis son épouse, parfois sa fille. Je me souviens que lorsque maman était en voyage avec ses élèves, c'est moi qui endossais le rôle de la fée du logis, à mon grand déplaisir. À l'époque, François aussi semblait trouver ça naturel. Mais c'était avant de rencontrer Murielle qui ne l'entendait pas de cette oreille et était très à cheval sur le partage des tâches.


Enfin...


Les porteurs glissent la boîte à Mamy dans le grand corbillard déjà chargé de fleurs. En fait, il y a tellement de fleurs que certaines gerbes sont déjà parties au crématorium. Le temps que l'immense Mercedes fasse le tour, nous rejoignons à pieds l'église de Belleflamme. Dans la cour de l'école, c'est la récréation, les enfants se massent à la grille. Déjà le prêtre nous attend.

On se regarde, ne sachant trop comment constituer ce qui est malgré tout un cortège... Finalement, François et moi entourons papa, puis les autres suivent comme ils veulent. Il n'y a que quelques pas vers l'autel, l'église contemporaine (de loin, on dirait un hall omnisports) étant toute en largeur. François, Murielle et Lola s'installent à la droite du père – haha! – Sam et moi à sa gauche. Ella, sans rien demander à personne, va s'asseoir sur les genoux de son papy. La façon dont elle veille sur lui, alors que dans le fond elle le connaît si peu, est tellement émouvante. Mon petit éclat de soleil...


Heureusement, l'office ne devrait pas durer longtemps. Vu le nombre de membres de la famille ayant quitté le giron de l'Eglise, pas de messe mais une bénédiction. Une absoute*, diraient les vieux. Quelques passages des évangiles – la parabole du grain de blé – et de Saint Augustin – « Ne pleure pas si tu m'aimes ».


À la demande de papa, c'est Arthur qui va lire un poème de Victor Hugo, « Demain, dès l'aube ». Il aurait voulu le faire lui-même mais ne s'en trouve pas la force. Et son cher beau-frère lit si bien la poésie. « Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends ». Un sanglot me prend, je respire. Calme et droite, Lizzie. Calme et droite...


Vient le temps où la longue file s'avance de ceux qui viennent lui rendre hommage, saluer le cercueil, s'incliner, parfois faire un signe de croix avec l'eau bénite. Sam me glisse à l'oreille « écarte-toi, tu vas prendre feu ». Je souris et pose mon front sur son épaule pour cacher mon rire naissant.


— Avant de laisser partir notre sœur Geneviève, sa fille Elisabeth souhaite interpréter une de ses chansons préférées. Elle sera accompagnée à la guitare par son mari et son fils, Vivien.


Je soupire... Je ne vais pas faire un esclandre, corriger le prêtre en public, mais quand il voit que ce n'est pas l'homme à mes côtés qui se lève pour aller avec moi vers le micro, sa tête déconfite parle pour lui... Bon, bon, bon.


Je m'approche du micro, toussote.


— Les proches auront corrigé mon statut marital. Bien... Maman, tu aimais profondément Cat Stevens et tu m'as contaminée. Aujourd'hui, c'est une « Sad Lisa » qui va t'adresser ces quelques notes. Où que tu sois, par-delà le temps et l'espace.


Un signe de tête à Sofiane et Vivien...




My Lady d'Arbanville, why do you sleep so still?

I'll wake you tomorrow

and you will be my fill, yes, you will be my fill.


My Lady d'Arbanville why does it grieve me so?

But your heart seems so silent.

Why do you breathe so low, why do you breathe so low,


My Lady d'Arbanville why do you sleep so still?

I'll wake you tomorrow

and you will be my fill, yes, you will be my fill.


My Lady d'Arbanville, you look so cold tonight.

Your lips feel like winter,

your skin has turned to white, your skin has turned to white.


My Lady d'Arbanville, why do you sleep so still?

I'll wake you tomorrow

and you will be my fill, yes, you will be my fill.


My Lady d'Arbanville why does it grieve me so?

But your heart seems so silent.

Why do you breathe so low, why do you breathe so low,


I loved you my lady, though in your grave you lie,

I'll always be with you

This rose will never die, this rose will never die.


I loved you my lady, though in your grave you lie,

I'll always be with you

This rose will never die, this rose will never die.


* Par glissement de sens, l'absoute étant en fait la dernière prière des défunts dite avant que le cercueil ne quitte l'église (Source : Larousse)

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6 commentaires

Véronique Rivat

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Il y a 5 ans

Un petit coup de pouce mais il en manque encore désolée 😊

Véronique Rivat

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Il y a 5 ans

Merde j'ai déjà liké 🥵

Véronique Rivat

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Il y a 5 ans

C'est re-moi ! Je reviendrai te lire 😉

Lyara Black

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Il y a 5 ans

Tadaaaaaaaaaam :D J'aime débloquer les chapitres en fait xD

VirginieG

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Il y a 5 ans

Fais-toi plaiz :D
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