Fyctia
Samain 1
— Rholala, et si on se fait choper, qu'est-ce qu'on dira ?
— Qu'on fait du jeu de rôles grandeur nature et que c'est une petite murder-party pour Halloween.
— Ah oui, je n'y avais pas pensé.
— De toute façon, les grilles du parc ne sont jamais fermées. Et puis, on se rassemble au pied du grand arbre, on ne fait rien de dangereux. Je crois que les agents de quartier sont plus attentifs aux gens qui font de l'urbex dans le fort, va !
— Ouais, mais bon, y'a les bougies, quand même...
— T'inquiète, Lola, je suis certaine qu'Arthur a prévu des coupelles et du sable. Il a une longue expérience de tout ça. Mais j'y pense, on devrait prévoir une expédition à Glastonbury pour Ostara*, c'est-y pas une bonne idée ?
— Tu lâcherais la chambre d'hôtes aux vacances de Pâques ?
— C'est pas pour une fois... Tu sais, je réalise à quel point la vie peut être courte...
Une vague de tristesse m'envahit, alors que nous marchons vers l'entrée du bois de la Chartreuse, du côté de l'avenue de Péville. Il y trône un arbre magnifique, immense, majestueux, dont les racines sont apparentes de ce côté du terrain. Si l'on monte le talus et contourne l'arbre, alors le terrain, la vue plongent vers la ville, vers la rive droite de la Meuse... Mais nous resterons prudemment du côté des racines apparentes, là où la lumière des bougies n'alertera personne.
François a voulu nous accompagner et assister, ainsi qu'Olivier et Sofiane. Ella a été laissée à la bonne garde de son papy, d'oncle Roger, de Tatie Mu et de ses grands frères. Les filles de Roger, qui vivent l'une à Paris, les autres à Bruxelles ne nous rejoindront que demain pour les funérailles chrétiennes.
Arrivés sur place, nous constatons qu'il n'y a personne dans cette partie du parc. Les allées sont vides. Nous avançons à la lueur blafarde de l'éclairage public. À quelques mètres de l'arbre, nous demandons aux non-officiants d'attendre quelques minutes, le temps de saluer l'arbre et de préparer l'autel.
Romaine, Arthur, Lola, Sam et moi disposons les bougies (dans des lanternes effectivement prévues à cet effet), le chaudron, les pommes, les navets et les potirons, les symboles des quatre éléments – encens, eau, sel, une autre bougie – en prenant soin d'associer chacun au bon point cardinal. La boussole aussi peut-être un objet magique.
Un peu à l'écart, nous préparons également une boite bien fermée, contenant des gâteaux et du cidre, pour le moment de partage.
Enfin tout est prêt et François, Olivier et Sofiane peuvent nous rejoindre.
Privilège de l'âge, ce sont Arthur et Romaine qui seront les principaux officiants. Sam trace le cercle sacré avec l'épée et nous y invitons les assistants. Tour à tour, nous invoquons les gardiens des éléments et des points cardinaux. Lola, placée à l'équinoxe de printemps sur la roue du temps, la place de la Jeune Fille, invoque les Seigneurs de la tour de l'Est, gardiens de l'air... Je suis émue de la voir participer pour la première fois avec nous – elle m'a dit l'avoir déjà fait dans des cercles en Angleterre. Lorsque nous sommes entre nous, c'est la place que je tiens habituellement. Ce soir, je suis à l'équinoxe d'automne.
Arthur demande alors à François de prendre sa place au solstice d'hiver, la porte du Nord, afin de rejoindre Romaine au centre du cercle sacré. Ils vont commencer les incantations à la Grande Déesse et à son époux, le Grand Cornu, Caernunos. À chaque fois, ils m'impressionnent de leur majesté, de leur gravité, tellement en décalage avec leur image quotidienne, arty, excentrique, mondaine.
« Sombre déesse de l’hiver, sage, sorcière,**
Ce soir, nous nous tenons au seuil de la Nouvelle Année celtique,
L’instant où le temps n’existe plus
Et la Porte entre les mondes s’ouvre en grand.
Viens ! Viens ! Ô Seigneur de Vie et de Mort,
Garde la porte à travers laquelle passent nos chers disparus.
Ceux qui sont morts et ceux qui ne sont pas encore nés,
Ils sont un et semblables.
Bienvenue, bienvenue, bienvenue,
À ceux qui sont venus partager cet instant avec nous.
Il n’y a pas de mort, seulement un changement ! »
Pour symboliser le changement, le cycle des morts et des renaissances, Romaine prend une des pommes sur l'autel. Elle creuse un trou dans la terre, y dépose la pomme, la recouvre. Car ce n'est qu'en mourant que le fruit peut donner naissance à un nouvel arbre. Ainsi, pour nous, les esprits retournent vers l'Un, le Tout, l'Univers, afin de de choisir une nouvelle incarnation, une nouvelle leçon à apprendre, jusqu'à ce que tout soit appris...
Mais comme le temps n'existe pas, ou plutôt tous les temps coexistent, ceux qui nous ont quittés peuvent aussi venir nous rendre visite au soir de Samain. Leur mémoire, leur souvenir. Alors nous prononçons les mots qui les invitent à nous rejoindre dans le cercle.
« Êtres aimés qui avez franchi l’espace entre les mondes pour être avec nous ce soir,
Nous vous accueillons avec amour et joie. »
Nous faisons passer à chacun une bougie blanche, symbole du disparu qu'il souhaite évoquer. Quel qu'il soit. Un moment spécial est prévu pour honorer maman. Le rite qu'on appelle le Passage du Pont.
« Cornu, Seigneur du Monde-d’en-Bas,
Ami, guide et consolateur,
Puisse cette fête être consacrée en ton nom
Et en celui de la Dame.
Laisse nos chers disparus demeurer pendant un moment parmi nous.
Et manger et boire avec nous
Avant qu’ils ne retournent en ton royaume de repos et de paix. »
*Ostara est une fête païenne célébrée au moment de l'équinoxe de printemps (c’est-à-dire aux alentours du 21 mars) par les membres de la Wicca mais aussi plus généralement du paganisme, et c'est le second sabbat mineur de la Roue de l'Année. Elle symbolise le renouveau de la vie et de la terre, après un hiver froid et dur, et le retour de la Déesse sous son visage de jeune fille et d'amante. Son équivalent anglo-saxon est Eostre. Elle trouve son origine dans la nuit des temps et tant son nom que sa symbolique ou son mythe peuvent directement remonter à la déesse mésopotamienne Ishtar, Astarte au Proche-Orient, Hator chez les égyptiens, elle engendre Vénus chez les romains (Vénus Erycine), ou encore Tanit à Carthage. (Source : Wikipédia)
**Source :
Elen Hawke, The Sacred Round : A Witche's Guide to Magical Practice.
5 commentaires
Lyaminh
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Il y a 5 ans
VirginieG
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Il y a 5 ans
Marie-Eve Tries
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Il y a 5 ans
VirginieG
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Il y a 5 ans