VirginieG La Source et La Flamme Les cendres et les cris.

Les cendres et les cris.

Les images au loin, une foule grouillante. Des bâtiments, des maisons à colombages, bois et pisé, hautes et étroites. La foule se presse vers une place. Un homme, parmi la foule. Bousculé par la masse houleuse.

Sur la place des cris.

La haine, la haine que je sens, venant de lui, venant de tous ou presque. Ceux qui n'ont pas de haine ont peur. La haine et la peur qui m'envahissent.


Respirer, profondément, lentement, Rhiannon est avec moi, je la sens qui me protège.


Les images se brouillent. Des images se forment. Une cellule, des posters de femmes nues, lacérés. Toutes ces femmes rousses. Lacérées.


Les images se brouillent. Des images se forment. Une femme à terre, le dos en sang, zébré de coups de fouets. Des rires. Des rires d'hommes. Affreux. Elle se traîne sur le sol, elle tente... Elle tente de leur échapper. Un pied se pose sur son crâne. Un coup sec et puissant de talon. Craquement des os. Elle gît, là, dans son sang. Ils rient de plus belle. Une phrase fuse : « Putain du diable, tu l'auras bien cherché. Foutez-moi ça aux cochons ».


Les images se brouillent. Des images se forment. Une chambre capitonnée. Un hurlement. Un homme qui se cogne contre les murs. Il crie, il hurle, il écume. Je sens sa rage, je sens sa rage.


Rhiannon est auprès de moi, elle me protège. Son bouclier bat contre ma poitrine. Rhiannon est avec moi.


J'entends ses cris, à l'homme, plus distinctement.

— Elles existent, je vous dis qu'elles existent, partout, elles sont là qui nous menacent, elles veulent tout, elles veulent nous couper les couilles. Putains du diable ! Putains du diable !


Respirer lentement, profondément. Je ne risque rien, je ne risque rien.


Les images se brouillent. Des images se forment.

De nouveau la place, dans la ville aux maisons hautes et étroites. La foule comme une houle et l'homme au milieu. Ils se pressent, tous, vers un même point, je sens la haine des uns, la peur des autres, comme un étau, une chape de plomb sur la ville.


Une odeur.

Le feu. Le feu et la chair qui brûle. Là, sur la place, un bûcher. Sur le bûcher, une femme. Ce qui a dû être une femme. Le corps déformé, les chairs calcinées. Et la foule qui crie, la foule qui applaudit, et l'homme au milieu qui regarde, fasciné. Dans ses yeux, une lueur. Une joie, malsaine. Sur son visage, un sourire grimaçant.


Rhiannon est avec moi, je ne crains rien. Je ne crains rien.


La lueur dans ses yeux se fait de plus en plus présente. Sous son bliaud, je vois le mouvement saccadé de sa main. La tension monte sur son visage, la lueur se fait de plus en plus visible dans ses yeux, une joie, mauvaise. Non, une forme de plaisir, celui de voir la souffrance, la souffrance de cette femme, de ce qui a été une femme. J'ai envie de hurler, il ne me voit pas, il n'est qu'un souvenir, alors je hurle, emportée par la rage. Et je vois ses traits se détendre. C'est fait. Il a pris son plaisir dans la contemplation de la souffrance.


Le vent emporte les cendres qui tombent comme des flocons de neige sur la foule houleuse qui se presse et crie sa haine, sur ceux qui se terrent et qui ont peur. Ceux qui, je le sens, la suivaient, elle, ce qui fut une femme, pour un dernier adieu. Ceux qui sont perdus. Ceux que lui, l'homme qui aime voir la souffrance, pourchasse. Celles qu'il pourchasse, les hommes ne comptent pas.

Respirer lentement, profondément. Lentement, profondément. Lentement, profondément. Je sens les larmes couler sur mes joues, je sens que je tremble.


— Lizzie, reviens. Reviens, je t'en prie. Mon amour, tu te fais du mal, reviens. Ici et maintenant.


Je suis le flambeau de Rhiannon, qui me guide, qui me ramène vers la voix de Sam, vers ses bras, vers ce cocon d'infinie douceur. Mais mon ventre se tord, mes tripes se révoltent. Je me lève d'un bond, je sors en courant. Et je vomis, je vomis, jusqu'à me sentir vide, vidée de toute cette haine, de toute cette peur, de toute cette souffrance.


Lorsque je rentre, je vois Samuel s'affairer devant la cuisinière.


— Je prépare un thé et des biscottes. Monte te rafraîchir, je t'amène tout ça au lit.


Je me jette littéralement sous la douche, m'y brosse aussi les dents. Je voudrais m'arracher la peau au gant de crin, évacuer avec l'eau, avec le savon ces cendres, cette haine, cette peur. Je me sens sale. Sale de ces souvenirs qui ne sont pas les miens.


J'entends Sam entrer dans la chambre, mais je prends encore un peu de temps.


Enfin je le rejoins, m'assieds sur le lit. Je tremble comme une feuille. Un tremblement qui vient de l'intérieur. Jamais je ne m'étais sentie comme ça. Sam me tend une tasse de thé, j'arrive à peine à la saisir, elle tressaute entre mes doigts mais doucement la chaleur m'apaise.


— Veux-tu m'en parler ? De ce que tu as vu ? Tu semblais tétanisée et tu as hurlé tellement fort que j'ai cru que ça allait réveiller Ella et François.

— François, aucun risque, il porte des boules Quies pour dormir. Mais oui, Ella aurait pu... Je ne m'attendais pas du tout à ce que j'ai vu et, pour tout te dire, je suis bien contente de ne rien sentir quand je touche les documents.

— À ce point ?


Sam s'appuie sur les oreillers et me fait signe de venir contre lui. Je dépose ma tasse sur le plateau que je range sur ma table de nuit.


— À ce point, oui... Sam, c'est un taré, celui à qui appartiennent... À qui appartenaient ces documents. Vraiment, un tueur sadique. Et il n'était pas seul. Enfin, je crois. Un tueur de femmes qui aimait voir leur souffrance. Pire, je crois qu'il se sentait investi d'une mission.

— Un inquisiteur ?

— Non, pas un inquisiteur. L'Inquisition enquêtait, d'où son nom, à charge et à décharge, elle jugeait puis livrait les « coupables » au bras séculiers. Un prêtre ne tue pas. Non, ce n'est pas ça. Plutôt un tueur qui justifie ses pulsions. Et qui trouve le moyen d'embarquer d'autres dans son délire. Quelqu'un de profondément malfaisant.

— D'accord... Ce ne serait pas plus malin de faire directement un don aux archives municipales, du coup ?

— Professeur Wilson ! Non, non, non, je veux savoir, je veux comprendre. Les documents seront bien plus sûrs qu'un autre rituel, en tout cas pour moi. Et puis...

— Et puis ?

— Je crois qu'il est revenu.

— C'est la roue du karma, Amour, le cycle.

- Non, Sam... Il a pris possession de quelqu'un.

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9 commentaires

Phaenna SH.

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Il y a 5 ans

Olalal la vision qu'elle a eu était terrifiante :) Très bon chapitre

Coeurs d'encre

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Il y a 5 ans

Oh my God! Je viens d'avoir un frisson en terminant ce chapitre...

Alec Krynn

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Il y a 5 ans

Avec cette fin de chapitre ils me font penser aux Warren 😋 Un chapitre vraiment intéressant en tout cas ! Il ne profiterai pas un peu beaucoup de la chasse aux sorcières pour réaliser ses fantasmes ce sadique ?

Sand Canavaggia

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Il y a 5 ans

Beaucoup d'éléments, ces meurtres, ces femmes, cet homme qui hurle, etc..et puis le il est revenu, il a pris possession de quelqu'un cela est inquiétant crée le frisson de la suite et elle semble assez choquée...et je dois avouer je comprends...je continue ma lecture, toujours mon envie d'en savoir plus...

Capuline

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Il y a 5 ans

Fiou quelle tensions ! vraiment cool comme chapitre :o

Camille Jobert

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Il y a 5 ans

Un tueur fou qui posséde quelqu'un pour terminer ce qu'il a commencé (?) Ca fait froid dans le dos 😱

Marie-Eve Tries

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Il y a 5 ans

Waouw!

Hermann Colette

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Il y a 5 ans

Vite, vite, la suite !!!

VirginieG

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Il y a 5 ans

Je suis dessus ;)
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