Fyctia
Les torchons.
À cette heure, le village ne vit plus que par les lumières derrière les fenêtres et les ombres des habitants qui s’affairent chez eux avant un dîner qui mijote dans la chaleur d’un âtre de cheminée, dont les fumées odorantes s’échappent du conduit sur le haut des toits.
Pierre se détourne de ses pensées et replonge le seau dans le puit, le pose plein à côté, regarde le creux dans la roche et en retire la pile de vieux journaux. Il en prend un et le froisse le déposant dans le trou qui les préservait, mêlant les brindilles avec habileté. Il ouvre le sac à dos et il en sort un torchon, dans lequel il avait emporté ce qui était l’empreinte de son passé, des siens. Il en extrait du premier morceau de tissu proprement plié un faitout, celui que sa femme chérissait tant, que de mères en filles elles se transmettaient. Il le remplit d’eau, se saisit d’un vieux briquet vintage Dupont dans sa poche de pantalon, il appartenait à son père, il l’ouvre, une lueur or et bleue s’échappe et enflamme les papiers et les brindilles mêlés.
Le feu prend, il l’attise et ajoute les morceaux de bois. Quand la braise est faite, il pose le faitout plein d’eau. Il voit derrière les fenêtres des rideaux se soulever sous la curiosité maligne des habitants, il continue…
Il regarde dans son sac en sort le second torchon, d’où il retire une spatule en bois bien incurvée avec laquelle son enfant prenait la farine dans les grands sacs de jute quand il aidait sa maman, dans ces moments de partages, de ce quotidien qu’il se rappelle, ému. L’eau commence à frémir, il se penche dessus et fait mine de sentir une odeur particulière, provoquant un ravissement dans l’expression de son visage qu’il affiche en se tournant vers chaque maison d’un sourire béat.
Puis, il plonge la grande louche dans le liquide et prend dans son sac les cailloux au si joliment colorés qui en s’immergeant dans le fond de l’eau font d’étranges reflets. Les vertes comme un gros chou, les rose thé comme un morceau de lard bien luisant et les grises comme des oignons découpés en de gros morceaux odorants et piquants les yeux ; d’ailleurs les yeux de Pierre ont des larmes qui emplissent ses iris.
Il touille avec délicatesse ce mélange et ses pupilles brillent d’un éclat, inconnu depuis si longtemps. Il irradie sur cette place où le soleil continue sa chute et assombrit délicatement le bourg. Il entend derrière lui des pas, mais il ne bouge pas, une tape sur l’épaule le fait se retourner et plonger son regard dans celui d’un enfant accompagné de son père.
— Hep m’sieur, qu’est-ce que vous faites ? Mon papa m’accompagne, il se disait qu’un Monsieur sans rien, ne pouvait rien faire cuire !
— Mais si mon petit, je suis en train de me faire une bonne soupe. Hummmm…tu ne sens pas ces bonnes odeurs ?
Le petit s’approche, mais reste distant pendant que Pierre continue de tourner et de sentir la fumée, rajoutant parfois un peu d’eau en se délectant des vapeurs. L’enfant regarde son père et lui tire sur la main comme pour lui demander ce qu’il en est. Pendant cet échange d’autres habitants se sont réunis autour de cet homme qui semble si heureux de son met.
Le père du petit garçon intrigué, ne peut se retenir, il s’avance un peu plus.
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Carmin
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Birdie
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