Fyctia
Chapitre 3.1 - Matcha
Est-ce qu’il existe un livre du genre « Faire bonne impression pour les nuls » ? Parce que je pense qu'Ethan en aurait largement eu besoin le week-end dernier, entre sa remarque sur le matcha (un sacrilège si vous voulez mon avis) et le fait qu’il ait ruiné ma tenue... J’avais dit à Plume que je la protégerais, au final c’est peut-être moi qu’il aurait fallu protéger de cet homme. Enfin, mes vêtements plutôt.
Ce qui m’a fait partir au quart de tour, c’est que le haut que je portais est un peu particulier. Il a été fait à partir d’une vieille tenue en broderie qui appartenait à mon arrière grand-mère et qu’elle-même tenait de sa mère. Avec le temps, le tissu était devenu bien trop abîmé. Lorsque ma mère a voulu le jeter, j’ai préféré l’apporter à une couturière qui est parvenue à sauver suffisamment de tissus pour me confectionner un crop top. J’étais tellement ravie de pouvoir porter un héritage ! Je n’osais donc pas le mettre souvent pour le préserver. Peut-être que cette fois aussi j’aurai dû m’abstenir…
Bref, pour l’heure, un autre problème qui n’a rien à voir occupe toutes mes pensées.
– Tu vas fonctionner oui ?! je râle sur mon four, espérant qu’il daigne s’allumer et que je puisse enfourner mes génoises.
Je le débranche puis le rebranche (plusieurs fois) en proie à la panique, mais rien n’y fait. Je cours vérifier les fusibles, priant intérieurement les étoiles que le problème vienne de là, sans succès. Ce fichu four continue de jouer les rebelles et refuse de s’allumer ! Dépitée, je me prends la tête dans les mains, sentant mon rythme cardiaque accélérer et l’angoisse pointer le bout de son nez.
Pourquoi ?
Pourquoi aujourd’hui ??
C’est le pire moment qu'il pouvait choisir pour rendre l’âme. Simon est parti en direction de l’aéroport il y a un peu plus d’une heure donc il ne peut pas venir jeter un coup d'œil et comme on est dimanche, impossible de joindre un réparateur. Oh joie !
Vous vous demandez sûrement pourquoi je travaille un dimanche alors que notre café n’est ouvert que du mardi au samedi ? Et bien, dans l'objectif de mettre de côté de quoi m’acheter un nouveau four (percevez l’ironie), j’ai accepté de réaliser un gâteau de mariage. L’heureux couple vient déguster les échantillons cet après-midi, autant dire que je suis dans le caca et pas qu’un peu…
Les mains tremblantes, j’attrape mon téléphone et envoie un message sur ma conversation de groupe avec les filles :
J’ai fait la connaissance de Plume et d’Azalée il y a environ sept ans. Elles s’étaient données rendez-vous dans le bar où je travaillais pendant mes études et Plume, qui était arrivée en avance, s’est fait accoster par un mec. La pauvre n’en menait pas large et me semblait même effrayée ! Je me suis empressée de faire déguerpir le mec et lui ai tenu compagnie jusqu’à l’arrivée d’Azalée. À partir de ce jour, elles ont pris l’habitude de s’installer au bar lorsque j’étais de service et c’est comme ça que notre amitié s’est construite petit à petit.
C’est d’ailleurs Azalée qui a commencé à me surnommer Matcha, du fait de mon appétence pour cette saveur et aussi pour compléter leur duo de prénoms assortis à leurs métiers. Je dois dire que j’ai tout de suite adoré, d’autant plus que j’étais touchée par le fait d’hériter d’un surnom. Ayant toujours été indépendante et avec la fâcheuse habitude de ne pas réussir à entretenir de longues relations d’amitié (je blâme mon caractère parfois impulsif et ma difficulté à faire des concessions…) c’était tout nouveau pour moi. J’aimais tellement ce surnom que, tout naturellement, j’ai pris l’habitude de me présenter en tant que Matcha.
Les yeux fixés sur mon téléphone, je vois trois petits points apparaître, signe qu'Azalée est en train de me répondre, puis plus rien. Je repose le téléphone sur mon plan de travail, en proie au découragement. Qu’est-ce que je vais faire sérieusement ? Sans four me permettant de cuire mes génoises, je suis totalement bloquée… J’envisage sérieusement de prendre mes ingrédients et de continuer de pâtisser chez moi, quand une vibration m’indiquant un nouveau message résonne. Je me jette sur mon téléphone et le déverrouille :
Je ne suis pas franchement ravie à l’idée de le revoir (oui, je pense encore au coup de la Sangria…). En revanche, s’il peut me sauver de cette situation alors il est plus que le bienvenu ! Je suis même prête à lui pardonner son écart de conduite, c’est dire si je suis désespérée !
En attendant son arrivée, il est hors de question que je prenne davantage de retard. J’ai trois mini layer cakes à réaliser : le premier au chocolat noir, chocolat au lait et pralinoise, le second aux fruits rouges, vanille et spéculoos et le dernier à l’abricot, verveine et amande. Après m’être frotté le visage avec vigueur pour me ressaisir, je me lave les mains et réalise la ganache montée au chocolat en un tour de main. J’attrape ensuite mon cageot d’abricot que je vide dans l’évier et j’ai à peine fini de tout nettoyer lorsque j’entends qu’on frappe à la double porte donnant sur la rue arrière.
Je m’empresse d’aller ouvrir à Ethan qui attend, sa malette d’outils à la main, vêtu d’un t-shirt noir et d’un de ces pantalons de travail gris avec plusieurs poches. Malgré les péripéties durant notre précédente rencontre, je n’avais pas manqué d’observer qu’il était plutôt bien bâti entre son dos large et ses bras musclés. Avec ses cheveux châtains coupés courts sur les côtés et légèrement plus long sur le dessus, sa barbe de trois jours et ses yeux noisette, il pourrait tout à fait être mon genre… si j’avais l’envie ou du temps à consacrer au sexe opposé. Mais le boulot avant tout !
– Hey, me salue-t-il rapidement.
– Salut, merci d’avoir fait aussi vite !
Je m’écarte et lui fait signe d’entrer. Avec son air légèrement renfrogné, j’ai l’impression qu’il n'est pas spécialement ravi de se trouver ici. Pour ma part, j’ai conscience que je suis un peu (beaucoup) sous tension. Il faut dire que s’il y a bien deux choses que je déteste, c’est de ne pas tenir mes engagements ou quand une chose ne se passe pas comme je l’ai prévu. Autant dire que là, je suis à deux doigts d’exploser. Et si je ne fais pas attention, c’est Ethan qui risque d’en faire les frais malgré lui…
Je me mords la lèvre, partagée entre nervosité et appréhension pendant qu’il débute son diagnostic. J’ai trop peur qu’il me prononce le décès dudit four, aussi je suis attentive au moindre de ses gestes à lui, plutôt qu’à ce que je fais moi. Si bien qu’à un moment, alors que je découpe mes fruits, mon couteau dérape.
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valerie jubet
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Il y a 2 mois
Juliette Delh
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Il y a 2 mois
Cara Loventi
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Juliette Delh
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oooDaphneooo
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Juliette Delh
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JustineSt
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Juliette Delh
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TammyCN
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Il y a 3 mois
Juliette Delh
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Il y a 2 mois