Fyctia

Candice se réveilla à 12h. Le soleil filtrait par les persiennes et lui réchauffait le bout du nez. Emmitouflée dans une couette doublée d’une couverture, elle se blottit davantage. Sa nuit avait été courte. Transportée par la jolie rosace, elle avait voulu remercier son beau voisin et entretenir le lien qui était en train de se créer. Elle s'était, alors, dit qu'il fallait qu'elle trouve quelque chose de spécial...

Sa mémoire était remplie de recettes en tout genre, mais rien d'assez exceptionnel pour l'occasion. Non, là, il lui fallait avoir recours au grimoire : un énorme livre de cuisine qu'elle avait déniché dans une brocante et qui recelait de mets extraordinaires. Avec attention, elle avait ouvert l’épais ouvrage. La couverture parcheminée avait alors dévoilé des feuilles jaunies et dégagé cette agréable odeur de papier qu’elle aimait tant. La jeune femme avait parcouru les longues pages d’abord du doigt, puis du regard. Son attention avait, parfois, été captée par l’image d’un mets savoureux. Il y avait des fondants au cœur coulant, des choux débordants de crème. Elle avait demandé à Norbert ce qu'il en pensait, mais il était resté de glace. Une vraie tête de bûche ! Candice avait soupiré, plusieurs fois. Pour elle, il ne s'agissait pas d'un simple gâteau, il fallait faire passer un message. L'image fugace de la papillote avait bien sûr traversé son esprit. Elle avait pensé à confectionner des chocolats, mais c'était trop banal. Soudain, au détour d'une page, l'entremets chocolaté était apparu. Il semblait onctueux, moelleux, une pure douceur. En un mot, c'était parfait, elle n'aurait qu'à lui donner une forme rectangulaire !

Candice avait alors pâtissé toute la nuit. Elle ne s'était pas contentée de respecter la recette. Elle avait, comme toujours, ajouté une pointe d'elle-même, un soupçon d'amour. C'était ça qui rendait ses plats si uniques. Vers 2h du matin, elle avait enfin validé la génoise, à 2h30, la crème et, à 3h, le gâteau dans son intégralité. L'idée de la papillote ne l'avait pas quittée. La jeune femme avait cherché ses plus jolis papiers cadeaux pour l'emballer et puis la question cruciale s'était alors posée. Que dire à son charmant voisin ? Elle n'ignorait pas l'origine de cette confiserie ce qui la fit rougir. Munie d'un feutre, elle avait écrit de nombreux messages. La fatigue avait commencé à peser sur son esprit la faisant douter plusieurs fois. C'était bien simple, Candice s’était sentie ballottée sur une mer tumultueuse entre audace et pudeur. Au bout d'une heure, elle avait finit par inscrire deux phrases sur le papier brillant :

Je te remercie pour cette merveilleuse rosace.

Accepterais-tu que nous nous rencontrions pour faire connaissance ?

Ses joues étaient devenues rouges, devant tant de témérité, mais son cerveau fatigué lui avait murmuré que c'était très bien. Alors, avant qu'elle ne se dégonflât comme un soufflé, elle avait déposé, à 4h du matin, le gâteau sur le paillasson de son voisin. Elle avait eu, ensuite, des difficultés à trouver le sommeil et, à présent, elle avait du mal à quitter les bras de Morphée.

Un voile de fatigue pesait sur ses yeux brumeux. L'image de la papillote était lointaine dans son esprit encore habité par des rêves étranges mais ne le sont-ils pas toujours ? Dans ses songes, son voisin, un sourire radieux aux lèvres, sonnait à sa porte. Une boîte de chocolats à la main, il l’invitait à un dîner romantique. Un dîner… Candice se rappela brutalement le message qu’elle avait écrit. D’un bond, elle s’assit dans son lit. Elle avait osé lui demander de faire connaissance ! Ses joues s’empourprèrent, la nuit l’avait rendue bien audacieuse. Elle regretta immédiatement puis le doute s’insinua en elle : se pourrait-il qu’il lui ait déjà répondu ? Parcourue de palpitations, elle sortit du lit avec rapidité. Le froid n’avait plus de prise sur elle. Excitée, elle se dirigea jusqu’à sa porte d’entrée. En pyjamas et chaussettes, elle ouvrit la porte et regarda sur le palier. Son cœur eut un raté. Oui, il y avait bien quelque chose. Elle attrapa le petit coffret de bois et se réfugia dans sa demeure. Appuyée contre la porte d’entrée, elle admira le magnifique flocon gravé sur le couvercle. Était-ce enfin le signe qu’elle avait su briser la glace entre eux ? Que pouvait-il y avoir à l’intérieur ? Elle attendait une réponse de sa part. Sans doute allait-elle y découvrir un mot ? Candice, pleine d’espoir, ouvrit la boîte. Il y avait bien quelque chose d’inscrit, une gravure. Ses yeux, encore humides de la nuit, se plissèrent pour bien lire : « La gastronomie est l'art d'utiliser la nourriture pour créer du bonheur. » Théodore Zeldin. Une citation ? La guirlande de Noël qu’elle avait enroulée, la veille, autour de Norbert clignota comme pour se moquer. Candice se laissa tomber sur le canapé. Elle relut, perplexe. Cette boîte devenait l’origine de tous ses maux : était-ce une manière de la remercier ou l’invitait-il à dîner ? Il allait falloir qu’elle trouve le moyen de s’en assurer, sans se ridiculiser. Une mission qui risquait de l’occuper pour le reste de sa journée…