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Chapitre 4 : Sieur Papillot*
Nicolas se réveilla à 5h, comme la veille. Ce matin, il était parcouru d'une énergie nouvelle, il espérait croiser de nouveau le renard et, cette fois, il aurait son appareil photo avec lui. Le contraste des couleurs, le fauve sur le blanc, était saisissant et il aurait aimé figer cette image. Il s'habilla et sortit rapidement si bien qu'il manquât d'écraser ce qu'il y avait sur son paillasson : un paquet en forme de papillote. Étonné, le jeune homme regarda autour de lui mais il n'y avait personne. Il prit le présent et le déposa chez lui, perplexe. Il l'ouvrirait plus tard car, pour l'instant, il avait rendez-vous avec la nature.
La neige n'était pas retombée, dans la nuit, mais le froid avait dû parcourir la campagne environnante car les flaques s'étaient transformées en petites étendues de glace. Synonymes de dangereuses patinoires pour certains, Nicolas les faisait simplement craqueler sous ses gros souliers. Il marchait d'un bon pas, son souffle formait de petit nuages de vapeur dans l'air frais, soudain il ralentit. C'était dans cette zone que le canidé s'était trouvé la dernière fois ! Nicolas se transforma en pisteur. Il avança sans faire de bruit mais il n'y avait rien. Bien sûr, il était déçu mais c'était le jeu et tout l'intérêt aussi de ces traques sauvages : l'incertitude, le doute, l’espoir. C'est ce qui rendait ces rencontres avec la faune si exceptionnelles et formidables. Il poursuivit sa route sur quelques mètres puis dû faire demi-tour quand sa montre connectée le lui suggéra. Sur le trajet du retour, il vit toutefois un chevreuil en train de paître dans un champ. Discret, il parvint à s’approcher et à prendre un cliché du cervidé. Cette nouvelle photo rejoindrait bientôt celles déjà exposées dans sa galerie d’art personnelle.
De retour chez lui, il se dirigea mécaniquement dans son atelier avant de se rappeler qu'un cadeau l'attendait. La veille, il avait voulu remercier la personne mystère qui avait déposé les sablés. Il avait alors sculpté une petite rosace à l'image des biscuits dans l'assiette. Il ne s'attendait pas à recevoir un présent, en retour. Mal à l'aise, il regarda le paquet au papier bigarré et brillant. Que pouvait-il y avoir dedans ? Il n’avait qu’une seule façon de le découvrir : l'ouvrir. Nicolas dénoua les fils argentés qui tenaient fermées les extrémités. Le paquet avait été fait avec soin. Il déplia ensuite le papier sur toute la longueur ce qui dévoila un pavé marron. Le jeune homme, perplexe, le toucha du bout du doigt. Son empreinte digitale se dessina dans ce qui s’avéra être du chocolat. Il s'agissait donc d'une pâtisserie. Ayant gardé un bon souvenir des sablés, le jeune homme ouvrit le tiroir le plus près et sortit un grand couteau. Avec précision il coupa une tranche. Il s’agissait belle et bien d’un gâteau aux multiples couches de génoise brune et de crème ambrée. Le jeune homme se servit une part qu’il porta à sa bouche prudemment. Dès qu’il mordit dedans, un mélange de saveurs cacaotées et caramélisées explosa sur son palais. La texture était légère, aérienne, presque trop tant ça lui donnait l'impression de n'avoir rien mangé. Il prit alors une seconde tranche puis une troisième et se surprit à être si gourmand. Qui que fusse cette personne mystère, une chose était sûre, il s’agissait d’une cuisinière hors pair ! Soudainement inspiré, il emmena la douceur dans son atelier.
Le soleil n’était pas encore levé et la lumière tamisée de sa lampe conférait une atmosphère particulière au lieu. Sur le côté gauche, le jeune homme avait installé son établit jonché d’une caisse à outils et de nombreux copeaux de bois. Dans l’angle, derrière lui, les divers objets qu’il avait sculptés attendaient de trouver leurs propriétaires. Le long du mur, de nombreuses branches et planches de bois amoncelées dessinaient, avec leurs ombres, des formes tortueuses. On se serait presque cru en forêt mais Nicolas ne prêtait plus attention au décor. Armé de son compas, il dessina des mesures sur quelques planches qu’il assembla rapidement. Il soupesa son travail, changea de matériaux, pris du contreplaqué, plus léger et recommença. Son œuvre prenait forme alors il s’autorisa à manger une nouvelle part du gâteau. Il alterna, ainsi, coups de fourchette et coups de marteau, si bien, qu’en milieu de matinée, il avait dégusté la pâtisserie en entier et confectionné un nouvel objet. La petite boîte à confiseries ne pesait pas plus lourd qu’une plume, dans sa main. Il avait pris soin de la faire à l’effigie du gâteau : aérienne. Sur le dessus, en son centre, un magnifique flocon était gravé et à l’intérieur, une citation de Théodore Zeldin : "La gastronomie est l'art d'utiliser la nourriture pour créer du bonheur."
Satisfait, il déposa son œuvre dans un angle de son bureau. Du travail l’attendait et il devait remettre en ordre son plan de travail. Mécaniquement, il roula en boule le papier du gâteau qu’il jeta avec quelques chutes de bois. Le jeune artisan consulta sa boîte mail et sa liste de commandes puis se remit à la tâche. Pendant ce temps, dans la poubelle, le paquet froissé se déplia légèrement dévoilant les premières lettres d’un message écrit à la main mais Nicolas ne le vit pas.
*La légende veut que Sieur Papillot, confiseur Lyonnais dans les années 1790, ait surpris son commis en train de voler des chocolats. Le jeune homme les enroulait de mots d’amour pour tenter de charmer l’élue de son cœur. Sieur Papillot, après avoir congédié l’apprenti, reprit l’idée mais remplaça les mots doux par des citations. C'est ainsi que sont apparues les papillotes, petites confiseries de Noël, que nous connaissons et que nous aimons tant !
7 commentaires
Anevy
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Mary Cerize
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Célia Blomgren
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Lexa Reverse
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laura_ave03
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May Darmochod
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Il y a 3 ans