Fyctia

Candice se réveilla à 9h. Elle s’étira comme un chat avant de bondir hors du lit, débordante d’énergie. Une nouvelle journée commençait et, avec elle, une nouvelle aventure. Elle se précipita sur la fenêtre qu’elle ouvrit en grand. Le soleil venait de se lever et faisait scintiller la neige encore fraîche sur les toits des maisons et les trottoirs pas encore déneigés. Candice profita du paysage et de l’air frais sur son visage qui la réveilla totalement. Elle fila, ensuite, dans la cuisine se préparer un copieux petit déjeuner à base de pancakes maison et de thé. Elle fit réchauffer les petites galettes qu’elle nappa de beurre de pomme et de sirop d’érable. Elle porta la fourchette à sa bouche. Le sucre, liquide, inonda son palais qui perçut ensuite l’onctuosité de la pomme et le moelleux de la pâte tout juste chaude. Un pur délice. Elle but une gorgée de thé, amer, exhausteur de goût tant le contraste des saveurs était parfait. Avec appétit, elle prit une deuxième bouchée puis une troisième jusqu’à finir son assiette. Le mug chaud encore entre ses deux mains, elle se demanda si son voisin avait trouvé les petits sablés. Elle ne l’avait croisé, qu’une seule fois, un an plus tôt, lors de son emménagement mais il lui avait fait une forte impression. C’était un 25 décembre, personne n’avait été disponible pour l’aider, à part lui. Il s’était trouvé, là, au bon moment. Galant, il avait porté ses cartons les plus lourds mais, depuis, ils ne s’étaient pas reparlé. Plusieurs fois, elle avait toqué à sa porte pour lui proposer de partager un dîner mais il n’avait jamais daigné ouvrir. Elle se mordilla la lèvre du bas, tout en matérialisant son image dans son esprit. Il devait avoir la trentaine, ses cheveux étaient bruns, courts, ses yeux gris, sa barbe mal rasée, mais elle trouvait ça plutôt sexy. Candice repensa également à ses larges mains, musclées, viriles. C’était vraiment dommage qu’elle ne l’ait pas recroisé. Peut-être avait-il déménagé ? Non, c’était toujours le même nom sur la porte. Candice imagina, alors, mille et une raisons pour expliquer la discrétion du jeune homme, des plus glamours aux plus inquiétantes. Peut-être était-ce un agent secret ? Un psychopathe ? Elle se demanda, brusquement, comment il allait interpréter le dépôt de cette assiette sur son palier. Cette fois, elle se mordilla la lèvre d’anxiété. Et s’il le prenait mal ? Encore en pyjama, elle se dirigea jusqu’à la porte et regarda par l’œil de bœuf. L’allée était sombre, elle n’y voyait pas grand-chose alors, doucement, elle sortit sur le palier et constata que son assiette n’était plus là. Il l’avait donc trouvée ? À moins que quelqu’un d’autre ne l’ait prise à sa place ? Personne ne montait jamais au troisième. Candice était perplexe. Elle eut envie de frapper à la porte de son mystérieux voisin mais que lui dirait-elle ? Non, ce n’était pas une bonne idée. Il n’y avait pas grand-chose à faire. Déçue, elle se glissa de nouveau dans son lit et prit un bon roman pour se changer les idées. Candice travaillait dans un bistro qui fermait les deux dernières semaines de l’année. Le patron partait à la Réunion, retrouver sa famille, pour les fêtes. Elle avait donc le droit à ses premières vraies vacances et elle les savourait.

En milieu d’après-midi, alors qu’elle en était aux trois quarts de l’ouvrage, la jeune femme décida de sortir. Elle voulait trouver un petit sapin pour décorer son studio. Elle passerait sans doute les fêtes, seule, à moins qu’elle se décidât à accepter l’invitation de son amie mais ça la gênait. Clara lui avait proposé de venir dans sa famille mais Candice avait peur de se sentir de trop. Elle avait l’habitude d’être seule, elle prévoyait tout de même de rendre le moment festif grâce à une jolie décoration. La jeune femme enfila un jean et un pull avec un énorme bonhomme de neige en relief. Non, ce n’était pas de mauvais goût, elle adorait tous ces objets festifs et elle assumait. Son bonnet à pompon sur la tête, elle quitta le studio. Sur le paillasson voisin, son assiette n’était pas réapparue. Candice ne se laissa pas démoraliser pour autant. Quatre à quatre, elle descendit les marches et sortit de l’allée. L’air s’était réchauffé et la neige avait commencé à fondre par endroit. Elle remonta la rue, enjouée par les vitrines décorées des nombreuses boutiques du quartier. Automates, paquets cadeaux, petits villages, tout y était. Elle s’arrêta quelques minutes devant un immense sapin aux boules rouges et dorées rutilantes. Secrètement, Candice rêvait d’un vrai Noël, un Noël comme elle n’en avait jamais eu. Chaque année, elle s’appliquait à réunir tous les éléments nécessaires, comme elle le faisait pour ses recettes, mais il manquait toujours un petit quelque chose. L’ingrédient mystère. Un jour, elle le découvrirait. Peut-être cette année ? Elle n’avait jamais cessé d’y croire et c’est sans doute, là, que résidait toute sa force. La place et son marché de sapins apparurent bientôt au bout de la rue. Il était toujours amusant de découvrir une véritable forêt en centre-ville. Candice se glissa sous la grande banderole qui annonçait les prix et arpenta les allées. Plusieurs variétés se côtoyaient comme l’indiquaient les petits piquets plantés çà et là. Il y avait des Nordmanns, des Épicéas communs, des Épicéas bleus… La jeune femme fut fascinée par le plus grand, haut de 2m30, qu’elle trouvait majestueux mais elle n’avait ni les moyens financiers ni les moyens techniques de le ramener chez elle. Non, elle se contenterait de ce petit épicéa aux épines particulièrement parfumées. Elle fit signe au vendeur dont le bonnet à grelot s’agitât frénétiquement à l’idée de faire une nouvelle vente. Candice paya et l’homme lui remit le petit arbre qu’elle emmena avec délicatesse. Sur le chemin du retour, elle constata que le soleil commençait à faiblir. C’était l’hiver, pas de doute, la nuit tombait plus tôt.

De longues minutes plus tard, elle regagna enfin l’allée. Le petit arbre commençait à peser dans ses bras. Elle gravit les marches avec plus de difficultés qu’elle ne les avait descendues et parvint enfin sur le palier. Son cœur fit un bond dans sa poitrine. Là, sur le paillasson du voisin, son assiette et son torchon étaient réapparu. Elle posa le sapin devant sa porte, hésitante. Elle sortit ses clefs, déverrouilla la serrure et installa Norbert sur la table du salon - elle l’avait baptisé pendant le trajet. Puis, excitée, elle alla chercher son bien. Quand elle souleva le torchon pour s’assurer que les sablés avaient été mangés, ses yeux s’illuminèrent. Les biscuits avaient laissé place à une rosace finement ciselée. Cette petite pièce de bois était sublime. Enjouée, elle l’accrocha à Norbert. Son mystérieux voisin avait apprécié ses gâteaux, c’était une manière de la remercier, elle en était certaine. Un sourire illumina son visage. Candice avait enfin trouvé un moyen de communiquer avec lui et elle ne comptait pas s’arrêter là.