Fyctia
Chapitre 2. 1
— Elena, réveille-toi !
Je me réveille en sursaut et regarde autour de moi, je suis toujours sur mon canapé, assise en tailleur face à la télé éteinte. Quel soulagement, je suis toujours chez moi, j'ai dû m'assoupir un moment. Il faut dire qu'il commence à se faire tard et que ma semaine n'a pas été de tout repos. En effet je fais des études de droit et pour gagner un minimum ma vie je suis serveuse dans un petit restaurant du coin. Je tourne la tête vers la porte d'entrée et constate qu'elle est toujours barricadée, de plus l'immeuble est très silencieux. Je jette un coup d’œil vers mon copain assit sur le plan de travail et m’apprête à lui demander pourquoi m'avoir réveillée, mais avant même que je ne prononce un mot il pose son indexe sur sa bouche, me faisant signe de me taire. Je le regarde quelques secondes avec incompréhension mais ne cherche pas à parler. Il pose ensuite son indexe sur son oreille, je tends l'oreille pour essayer d'entendre quelque chose, mais rien. J'essaie même de retenir ma respiration mais la seule chose que j'entends c'est mon cœur qui tambourine dans ma poitrine. Il est tout juste 21 heures, ça ne fait qu’une heure que le signal a retentit dans tout le pays mais nous voilà déjà totalement parano. Il faut dire que ce n'est pas facile de rester lucide quand votre propre vie est en jeu. Nous y sommes préparés depuis un moment mais qui dit que nos précautions suffiront à nous garder en vie le temps d'une nuit. Un bruit sourd se fait entendre dans tout l'immeuble et me sort de mes pensées. On dirait que ça vient de deux étages au-dessus du nôtre, comme si un meuble venait de tomber au sol ou qu'une porte avait violemment été enfoncée. Je fixe mon copain, qui me fixait également, aucun de nous n'ose parler. Je prends la batte de baseball que nous avions posé à côté du canapé un peu plus tôt, au cas où nous avions besoin de nous défendre. Il n'y a plus aucun bruit, tout est redevenu totalement silencieux, comme si nous avions imaginé ce vacarme. Mais non, ça ne venait pas de notre imagination. Le bruit venait de reprendre. On aurait dit que quelqu'un était en train de déménager. C'était de gros coups donnés contre le mur, ça pendant une vingtaine de secondes et puis encore le silence.
— Va te cacher dans la chambre !
Je ne prête pas attention à ce que Joshua me dit, il essaye toujours de me protéger même lorsque je peux me débrouiller seule, il est très protecteur, trop. Je sais qu'il fait ça pour mon bien mais je ne veux pas qu'il prenne de risque inutile et qu'il lui arrive quelque chose par ma faute.
— Eh tu m’écoutes ?
Agacé que je ne réponde pas, il vient s’assoir à côté de moi, prend mes épaules et me tourne vers lui. Nous sommes ensemble depuis quelques années déjà mais nous avons récemment emménagés ensemble. C'est notre deuxième purge ensemble, la première s'était bien passée pour nous, mais il y a malheureusement perdu ses parents. Je suppose que s'il est aussi protecteur avec moi c'est qu'il ne veut pas non plus me perdre.
— Viens avec moi alors.
— Et qui vérifiera que quelqu'un n'essaie pas d'ouvrir la porte ? Me dit-il avec ce même regard que lorsqu'il sait qu'il a raison.
— Laisse-moi rester avec toi.
Je lui fais une moue qu'il connaît si bien que ça le fait juste sourire. J'ai bien compris que les négociations étaient impossibles à ce moment. Je n'insiste pas plus et me lève lacement du canapé pour emprunter le petit couloir juste à la gauche du sofa qui mène directement à notre chambre, la batte toujours à la main. C'est avec le même état d'esprit que j'entre dans la chambre et me jette sur le lit, poussant le soupir le plus long que je n'ai jamais fait. C'est injuste, c'est toujours lui qui prend les plus gros risques.
Ce n'est pas avec surprise que le raffut refait surface. En revanche, ce qui est inquiétant c'est que le bruit semble s'être rapproché et que cette fois ci nous pouvons également entendre des cris. Ce sont des cris plutôt aigus, je dirais ceux d'une femme ou d'un enfant. Je n'ose même pas imaginer ce qu'il peut bien se passer, je préfère mettre mes mains sur mes oreilles et penser à autre chose. Sont-ils à mon étage ou au supérieur ? Sont-ils plusieurs ? J'ai dit de penser à autre chose ! Je me demande si Josh' n'a pas trop peur. Je prends mon téléphone qui se trouvait toujours dans ma poche arrière droite et essaye de faire passer le temps sur les réseaux sociaux. Certains profitent de la purge pour se réunir entre amis et passer du “bon temps” si on peut dire ça comme ça, d’autres saccagent la ville, mais le pire ce sont ceux qui montrent leurs “exploits” en story. On peut rapidement se perdre et tomber sur d’horribles choses. Le temps ne passe pas du tout, ça fait à peine 10 minutes que je suis dans la chambre, j’ai l’impression d’être un enfant qui aurait été puni. 20 minutes, une demi-heure, le bruit ne s’arrête pas et devient toujours plus fort, encore des cris, des coups ou du verre qui éclate. Josh’ entre en trombe dans la chambre ce qui fit claquer la porte contre le mur, il ne m’adresse même pas un regard et va directement à la fenêtre qu’il ouvre précipitamment.
— Viens vite ! Faut partir, ils sont dans le couloir, me dit-il en se retournant vers moi.
Je le regarde un moment avec hésitation avant de me lever et m’approcher de la fenêtre pour constater à quelle hauteur nous sommes, mais tout ce que je peux voire c’est une mort assurée.
— On va longer le mur jusqu'aux escaliers de sécurité, je passe devant.
Bien sûr Elena, on ne va quand même pas sauter du septième étage. Je passe avec une certaine difficulté par-dessus la fenêtre et prends le temps de voir où nous pouvons nous agripper, mais il faut dire que les prises sont minimes. Nous devons nous cramponner aux rebords des fenêtres, les pieds quasiment dans le vide. Il n’y a pas un seul balcon auquel nous pouvons nous arrêter pour un instant. Je ne referais pas ça tous les jours, non pas que j'ai le vertige, mais dans ce genre de situation on préfère avoir la vie de son côté. Ne pas regarder sous ses pieds est la meilleure chose à faire, ce que je ne peux bien évidemment pas m’empêcher de faire. Je dirais que nous sommes à environ vingt mètres du sol, au moins, assez pour nous tuer si l’un de nous deux venait à tomber. Cette éventualité n’est pas peu probable, nous n’avons pas vraiment de prises et dans la précipitation tout peut arriver. L’escalier est encore à quatre fenêtres, nous avons fait la moitié du chemin.
— J’ai une crampe au bras !
Mon copain se met à grimacer et il lâche la fenêtre de son bras gauche. Il est suspendu au-dessus du vide, seul son bras droit et le bout de ses pieds le retiennent de la chute. Je le fixe sans rien dire, mes yeux parlent à ma place. Tout tient à un fil, j’ai l’impression qu'une simple parole ou un mouvement suffirait pour le faire tomber.
— Ça va aller, on est plus très loin, me dit-il avec ce petit sourire que j’aime tant chez lui, agitant son bras comme pour faire passer la crampe.
2 commentaires
La plume des rêves
-
Il y a 3 ans