Fyctia

Le souffle coupé, Scarlett se sent obligée de détourner le regard. La voix de Maxence est tendre, et vraie. Il est sincère, elle le ressent jusqu'au plus profond de son être.

- Toute cette histoire est...

- Totalement dingue? Je confirme.

Max parait plus détendu. Scarlett n'ose même pas imaginer le poids qui devait se trouver sur ses épaules pendant tout ce temps: ces longues semaines où il a cru perdre la tête sans rien dire à personne pour ensuite se retrouver avec un si lourd secret à garder pour lui. Tout ça pour la préserver, elle. Scarlett ne sait pas si elle doit se sentir coupable, gênée ou heureuse et soulagée que son frère ait voulu la ménager.

- Et maintenant?, demande-t-elle après quelques instants passés dans un silence qui n'avait finalement rien de désagréable. Qu'est-ce qu'on fait? Tu es sûr qu'on ne peut pas prévenir papa? Au moins pour qu'il ne se fasse pas trop de soucis?

Maxence pousse un soupir. Cette fois-ci, c'est lui qui semble avoir une soudaine fascination pour le sol. Scarlett sait bien que ça n'engage rien de bon.

- Papa...Papa n'est pas comme nous. Il ne faisait pas partie de notre vie d'avant. Nous devons mener notre propre chemin et moins il en saura, mieux ce sera pour lui.

- Oui, mais-

Maxence la coupe net rien qu'avec un regard. Il relève la tête, les sourcils froncés et la mine basse.

- Je sais que je n'ai jamais été particulièrement proche de lui. Mais quoi qu'il arrive, il est mon père aussi et je sais ce que tu ressens. Sauf qu'il ne comprendrait pas, Scar'. Il est beaucoup trop terre à terre et nous devons rester en retrait le temps que les choses se tassent. Une fois que nous aurons réglé nos affaires avec les Chasseurs, on avisera. Pour l'instant, on fait profil bas, d'accord?

Finalement il fait quelques pas et chancèle légèrement. Instinctivement Scarlett se précipite vers lui, bras en avant pour le rattraper. Mais il tient debout et lui lance un sourire tout en secouant la tête, refusant gentiment son aide. Elle n'avait pas remarqué ça avant, mais il a effectivement pris des coups, la veille. Elle n'a pensé qu'au coup de couteau, qu'à sa blessure à l'épaule mais il lui vient maintenant à l'esprit que son frère doit en avoir bien plus. Moins graves certes, mais tout de même présentes.

- D'accord. On devrait sans doute rester ici quelques temps. Au moins pour que tu te remettes: parce que je ne sais pas si tu as remarqué, mais t'as une tête à faire peur.

Maxence éclate de rire.

- J'imagine que je ne dois pas être très beau à regarder, c'est vrai. Mais nous n'avons pas le temps. Il faut absolument bouger, et retrouver les autres.

- Les autres?, s'étonne Scarlett qui se penche pour prendre son sac, ainsi que celui que son frère lui a confié chez lui quelques heures plus tôt.

- Oui. Je te l'ai dit, une Prêtresse m'as contacté. Je l'ai appelée cette nuit après avoir quitté la ville.

Maxence s'occupe de réunir ses propres affaires, ses mâchoires se crispant quand il se baisse et se relève.

- Mais je croyais que tu ne devais pas reprendre contact avec elle avant que mes souvenirs reviennent.

- C'était le plan: mais maintenant que les Chasseurs sont après nous, c'est autre chose. Une Prêtresse seule peut survivre. Surtout toi. Mais quand elle se retrouve menacée et en sous nombre, elle n'a aucune chance sans son Coven.

- Sans son quoi?!

Maxence lève les yeux au ciel tout en attrapant ses clefs de voiture, posées sur la table basse près de la télévision.

- Son Coven. Son cercle, si tu préfères. Son groupe. Dans le vôtre, vous étiez six. Bien que votre communauté ait été plus grande, tu faisais partie d'un Cercle de six Prêtresses.

- Et tu dis que nous devons les retrouver? Mais où?

Le regard de Max se fait grave alors qu'il se tourne à nouveau vers Scarlett.

- Là où tout a commencé. A Salem.

- Salem?, répète Scarlett. Mais c'est à plusieurs heures de route!

- Je sais, mais nous n'avons pas vraiment le choix, n'est-ce pas?

- Max, tu as vu l'état dans lequel tu es? Tu ne vas pas pouvoir conduire pendant tout ce temps: écoutes, on a échappé à ces Chasseurs, n'est-ce pas?

Il la dévisage, intrigué. Il cherche a savoir où elle veut en venir.

- Puisqu'on les a semé, on est sans doute tranquilles pendant un petit moment. Donc, on peut se reposer encore un peu. Tu l'as dit, j'ai besoin de reprendre des forces et toi, tu n'est clairement pas en état d'aller où que ce soit!

Maxence semble réfléchir pendant de longues secondes, son regard perçant toujours rivé dans celui de sa petite soeur. Il pèse le pour et le contre, avant de lâcher un soupir et Scarlett retient un sourire: elle a gagné, elle le sait. Alors il repose ses affaires et hoche la tête.

- D'accord, on reste encore quelques heures. Je vais dormir un peu. Mais on repart avant le début de l'après midi, d'accord?

- Promis, lui assure-t-elle. J'ai besoin d'une bonne douche. Repose toi, d'accord.

Elle le prend prudemment dans ses bras avant de se diriger vers la petite salle de bain adjacente à la chambre. Et sans que Maxence ne le voit, elle prend discrètement son sac à main, qu'elle emporte avec elle.

Une fois à l'intérieur, Scarlett ferme la porte à clefs et enclenche l'eau, qui se met à couler bruyamment dans la cabine de douche. Alors certaine que son frère ne pourra pas l'entendre ou soupçonner quoi que ce soit, elle ouvre son sac et en sort son téléphone. En le déverrouillant, elle n'est pas si surprise de voir des dizaines et des dizaines d'appels, ainsi que des messages. De son père essentiellement, mais également de sa mère: ça par contre, ça l'étonne assez. L'envie d'appeler son père est presque insoutenable, mais Scarlett sait que Maxence risque de l'entendre. Et qu'il lui a formellement interdit de rentrer en contact avec lui. Alors elle se contente de lui envoyer rapidement un message, inventant le plus éhonté des mensonges.

• Salut papa. Désolée de ne pas avoir pu te contacter avant! Max m'as fait une surprise et devine quoi: il m'emmène faire le tour de l'Europe! C'est pour cela que nous n'avons pas pu répondre à tes messages et appels. Nous étions dans l'avion. Mais nous allons tous les deux bien, c'est promis et tu pourras tuer Max de tes mains quand nous reviendrons d'ici quelques semaines! Je t'aime, et je te contacte dès que je peux, promis.

C'est bancal et elle espère sincèrement qu'il va y croire: mais au moins, il pourra arrêter de s'inquiéter. Peut-être. Elle ferme ensuite fort les yeux en serrant son téléphone dans sa main avant de le remettre dans son sac après l'avoir éteint. Son père lui manque déjà et elle déteste lui mentir. Elle déteste le fait de possiblement le mettre en danger et elle exècre la seule possibilité de ne jamais le revoir.

Elle retire ensuite le t-shirt que Maxence a sûrement passé lui même sur elle quand elle était évanouie, pour qu'elle soit plus confortable. L'idée qu'il l'ai vue en sous vêtement la gêne un peu, mais elle sait bien que des deux, c'est sans doute lui qui être le plus mal à l'aise...