Fyctia
Chapitre 2
Béryl avait le cœur qui battait la chamade. Il sentait que quelque chose avait changé en lui. Chacun de ses souvenirs était clair comme de l’eau de roche. Il se rappelait tout. Des bons souvenirs comme des mauvais… Et malheureusement pour lui, il y avait bien plus de mauvais que de bons.
J’aurais bien voulu oublier pour toujours que mes parents m’ont abandonné, se dit-il en secouant la tête.
— Pourquoi as-tu fait ça ?! répéta Hadden, son frère adoptif.
— Pour acheter notre liberté et partir de cet endroit maudit ! rugit-il.
Mais qu’est-ce qu’il ne comprend pas ? J’ai pris ce risque pour nous !
— Mais le Parchemin du Souvenir, Béryl ! Ils vont venir te chercher !
— Pas si on part avant ! rétorqua-t-il.
Le silence s’installa. Hadden avait les yeux écarquillés. Il baissa le regard. Béryl plissa les yeux. L’angoisse lui donna la chair de poule. Un froid s’infiltra en lui, jusqu’au plus profond de ses os. Il ne veut pas venir avec moi, comprit-il. Il ne veut pas partir d’ici !
— Je ne veux pas partir, annonça Hadden.
Béryl resta bouche bée. Il était terrifié et en colère. Il se tourna vers Barnulf, leur père adoptif. C’était un homme gigantesque, à la musculature prononcée. Roux, les cheveux longs et la barbe hirsute, le flanc droit de son crâne était barré par une grande cicatrice, identique à celle de son menton, lui coupant la barbe en deux. Il était impassible et regardait dans le vide.
Soudain, la taverne parue plus sombre à Béryl. Elle lui sembla extrêmement grande et il se sentait minuscule. Il déglutit, et eut l’impression d’avaler un rocher.
J’aurais pu payer ma liberté et partir depuis deux ans… Mais j’ai appris les bases de la magie à la place, pour voler le Parchemin du Souvenir et pouvoir le libérer lui aussi ! Et… Il ne veut pas partir ?
Désemparé, il sentit le sol se dérober sous ses pieds alors que celui qu’il considérait comme son frère ne le regardait même pas dans les yeux. Il se sentit défaillir lorsque la porte de la taverne s’ouvrit brusquement.
Béryl crut que son cœur allait s'arrêter. Six soldats ainsi que la Princesse d'Émeraude, Éméra, déboulèrent en trombe dans la taverne. Menaçants, les soldats pointèrent leurs hallebardes vers lui et Hadden. Mais il n'eut pas la force de bouger. Il était paralysé par la terreur. Il n'entendait rien. Il remarqua à peine la princesse laisser courir son regard vert émeraude sur lui.
Soudain, le bruit des pièces d’or se cognant dans une bourse le tira de sa stupeur.
— Ça ira, dit Barnulf. Béryl, tu peux partir, ta liberté appartient maintenant à la Princesse Éméra.
Son père adoptif ne soutenait même pas son regard, trop occupé à compter les pièces dans la bourse. La colère envahit soudainement le corps de Béryl. Si je n’avais pas ces hallebardes sous la gorge… Tu serais mort ! rugit-il intérieurement en regardant son père adoptif. Il tourna les talons et se dirigea vers la sortie. Mais les soldats lui barraient la route.
— Qu’est-ce qu’on attend pour partir de cet endroit maudit ?
— On s’en va, répondit la Princesse après l’avoir jaugé.
Encadré par les gardes, il sortit sans un regard pour Hadden, pour qui il aurait pu donner sa vie. Dehors, la rue était déserte et la Princesse marchait quelques mètres devant lui. Il se concentra, inspira , expira, et utilisa le tour de magie qu’il avait appris en premier. C’était normalement un tour de pickpocket, mais il l’utilisa pour toucher le bras de la Princesse. Elle se tourna vers lui, surprise.
— Merci, lui dit-il chaleureusement.
Elle fronça les sourcils, encore plus surprise. Puis elle reprit la marche, sans répondre.
Même si je suis prisonnier… Je ne suis plus sous l’emprise de ce vieux démon. C’est comme si… Je me sens libre pour la première fois de ma vie ! se réjouissait Béryl, savourant la sensation de plaisir qui gonflait son cœur.
Béryl entendit un cliquetis. Il se releva, et se prépara à recevoir son repas. Il avait vite déchanté lorsque la Princesse avait ordonné aux gardes de l’envoyer aux cachots. Toutes ses sensations de liberté s’étaient évanouies aussitôt, il avait bien tenté de se défendre… uniquement pour se faire assommer violemment par un des gardes.
Depuis ces événements, trois jours étaient passés.
Peut-être qu’ils vont me garder enfermé ici pour toujours ! s’inquiéta-t-il.
Sa cellule était circulaire, avec une fenêtre minuscule à une hauteur inatteignable, et une porte métallique pourvue d’une petite ouverture pour y faire passer son repas. Le verrou de la porte en acier qui le retenait céda, et sa geôle s’ouvrit. Un garde équipé d’une armure l’attendait.
— Suis-moi, ordonna-t-il.
Béryl hésita un instant. Je tente de m’échapper ? J’ai pu leur voler l’objet le plus précieux du Royaume après tout…
— Ne fais pas de bêtises, cette fois, des magiciens m’accompagnent. Et ils sont plus doués que toi, le prévint le garde en voyant son hésitation.
Béryl hocha la tête puis suivit le soldat sans faire d’histoire.
La salle du trône s’ouvrit devant Béryl. Une salle magnifique, décorée par d’immenses tableaux abstraits représentant des chevaliers défendant le Royaume d’Émeraude contre des hordes de morts-vivants et autres créatures. Des piliers longeaient le long tapis rouge menant devant les trônes en or massif. La Princesse, vêtue de son armure, était assise sur le plus grand, et le Chancelier qui portait une toge violette se tenait à côté d’elle.
— Bien, il est là, soupira la Princesse. Valdis, explique-lui la situation.
Le Chancelier s’avança d’un pas. Il était chauve et avait des yeux étranges : ses iris étaient orange vif.
— Tu es ici, car tu as assimilé la Magie du Souvenir. Un artefact très précieux, qui confère une des trois magies primordiales…
— Je sais, le coupa Béryl. C’est pour ça que je l’ai volé.
— Audacieux… sourit le Chancelier.
— Ou bien simplement stupide, le contra la Princesse. Tu es condamné à mort… Mais puisque le Royaume d’Émeraude n’a plus d’Extracteur, tu vas vivre un peu plus longtemps : tu m’accompagneras jusqu’au Royaume de Rubis, afin d’y extraire la Magie du Souvenir de ton corps et l’offrir au Roi de Rubis, pour apaiser les tensions entre nos deux Royaumes.
— Il y a des tensions ? demanda Béryl.
La mine de la Princesse se durcit.
— Tu as compris ? demanda-t-elle en ignorant sa question.
— J’ai compris, répondit-il après avoir ravalé une réponse cinglante.
— Accompagnez-le dans sa cellule, jusqu’au jour du départ, ordonna la Princesse au garde et aux magiciens qui avaient escorté Béryl.
Béryl ne fit pas de grabuge. Il se contenta de suivre les ordres. Je suis un condamné à mort. Je ne suis en vie que parce que j’ai assimilé la Magie du Souvenir… Et qu’ils en ont besoin. Mais quand on sera au Royaume de Rubis… Il porta une main à son cou. Je pourrai dire au revoir à ma tête.
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