Fyctia

Nerveuse, Ava s’attend au pire, mais elle remarque que le démon ressent lui-aussi la vague d’énergie puisqu’il sursaute. La peur sur son visage est même évidente lorsqu’il reprend la parole.

— Je me nomme Boranok !

Satisfaite, Sarah applique une pression rassurante sur la main de sa compagne avant de poursuivre.

— Voilà qui est judicieux de votre part, répond calmement l’adolescente. Vous n’êtes pas sans savoir que nous avons maintenant la possibilité de vous lier à jamais à ce monde si vous trahissez notre confiance. Pardonnez-moi d’avoir dû en arriver là, mais je ne souhaite pas voir mon amie affligée de peur et il est hors de question que je lui impose de faire un choix qui n’est pas le sien. Maintenant, Ava, tu acceptes de faire confiance à Boranok ?

Complètement estomaquée par l’audace de sa compagne, Ava l’observe avec admiration. Avec cette information sur le démon, il est vrai qu’elles ont un avantage sur lui. Rassurée, elle s’avance donc à la suite de son amie et prend place dans le véhicule. Toujours inquiète, elle décide toutefois de faire preuve de bonne volonté.

— Je vous promets de ne pas révéler votre nom à qui que ce soit, Boranok. Je suis désolée pour mes craintes à votre égard, mais cette confiance envers les vôtres est toute nouvelle pour moi. Puis-je simplement vous appeler Karl ?

— Bien sûr, madame. Je ne vous cacherai pas que tout ceci est très étrange pour moi aussi. La demande de mon maître m’a grandement surpris. Je ne savais pas à quoi m’attendre en arrivant ici. Désolé de vous avoir fait peur.

— Je suppose que nous nous habitueront à la situation chacun à notre rythme, complète Ava avec un soupir de soulagement. Puisque vous êtes notre chauffeur, pourriez-vous nous conduire à cette adresse.

Pianotant un bref instant sur son téléphone, Ava montre à Karl l’adresse d’un café situé à une certaine distance de leur établissement. Avec le temps gagné par le voyagement en limousine elle espère ainsi avoir le temps de discuter avec Sarah.

Cette dernière, ravie de ne pas avoir dû recourir à la magie, reprend enfin son souffle après un trop long moment à retenir sa respiration dans l’énervement. Sur un ton grave, elle passe les minutes qui suivent à relater les événements de la veille dans le détail, sans conserver la moindre information pour elle.

Du moins c’est le cas jusqu’à ce qu’elle parle du baiser déposé sur la joue de Justin. Certes, elle craint la réaction d’Ava suite à cet aveu, mais pour une raison qu’elle peine à comprendre, elle a surtout peur des ennuis que cela pourrait attirer au jeune homme.

Certaine de l’amour qu’elle ressent pour Ava, elle ne doute aucunement de ses sentiments, mais l’idée qu’un malheur puisse arriver à Justin lui provoque néanmoins un pincement au cœur. Troublée, elle termine donc son histoire avec l’intervention d’Adramelech lors de l’altercation avec Larry.

Perturbée par la quantité d’informations contenues dans leur brève discussion, Ava reste sans mot pendant un long moment. Ce n’est que lorsque la limousine s’immobilise en face de la brûlerie qu’elle réalise son mutisme.

— Je suis réellement désolée que tu aies eu à affronter toutes ses situations sans moi, finit-elle par répondre. Je te promets de toujours être présente pour toi à partir de maintenant.

Heureuse du soutien inconditionnel offert par son amie, Sarah dépose simplement un doux baiser sur ses lèvres avant d’ouvrir la portière. Une fois dehors, elle s’empresse de la rejoindre sur le trottoir pour prendre sa main dans la sienne. Surprise, mais surtout rassurée par ce contact, Ava resserre tendrement ses doigts autour des siens.

— Tu comptes exposer notre relation ainsi à l’école, demande Ava sans aucune hésitation.

— Évidemment. Tu préférerais la cacher ? questionne avec un brin d’inquiétude Sarah.

— Absolument pas ! Tous les regards sont déjà posés sur moi depuis mon arrivée, j’en suis certaine. Ce n’est pas parce que j’étais aveugle que je n’entendais pas les ragots qui circulent à mon sujet. J’ai même déjà entendu une étudiante me qualifier de vieille sorcière parce que je repoussais tous les garçons qui m’approchaient avec leur semblant d’intérêt à me soutenir.

— Avec ce que tu m’as raconté, je comprends parfaitement ta méfiance à l’endroit des hommes. J’espère qu’un jour tu pourras réaliser qu’ils ne sont pas tous aussi mauvais. J’ai eu plusieurs mauvaises expériences dans le passé, mais je sais qu’il existe des personnes capables de faire preuve de bonnes intentions.

— Tu as quelqu’un en tête pour me dire ça ?

Consciente de s’être un peu trop avancée sur le sujet, Sarah hésite à répondre. Toutefois, le sourire narquois sur les lèvres de son amie lui montre qu’elle n’a pas tellement le choix et qu’elle droit prendre le chemin de l’honnêteté. Juste avant qu’elles entrent dans le commerce, elle ancre donc son regard dans celui de son amie et prend une grande respiration.

— Je ne veux surtout pas que tu doutes de mes sentiments pour toi, mais j’ai rencontré un homme qui me semble très gentil. J’ai d’abord eu peur de lui, car il se tenait avec cet imbécile de Larry et avec une bande de copains qui tenaient des propos pour le moins douteux. Toutefois, je crois qu’il est différent.

— Tu ressens une attirance pour lui ?

Prise de court par la question directe de son amie, Sarah se dandine d’un pied à l’autre, incapable de déterminer la bonne réponse à fournir. D’un côté, elle sait qu’il ne s’agit pas d’amour, mais elle doit reconnaître qu’elle a envie de mieux le connaître. Or, connaissant le passé d’Ava, elle craint d’autant plus sa réaction à présent. Alors qu’elle tente de mettre de l’ordre dans ses idées, deux bras l’enlacent tendrement.

— Tu sais, reprend Ava, je peux comprendre que tu ne saches plus trop comment interpréter tes sentiments. Les derniers jours ont été très éprouvants pour toi et je sais que notre relation fait partie des nombreuses surprises qui te sont tombées dessus. Même si je voudrais de tout cœur que notre histoire puisse se poursuivre, je ne te demanderai jamais de mettre de côté tes émotions. Si tu en décides ainsi, je te promets de toujours rester une amie.

Horrifiée à l’idée de perdre Ava malgré ses paroles remplies de raison, Sarah s’empresse de réagir.

— Je ne souhaite pas mettre fin à notre histoire ! Mon amour pour toi est une évidence dans mon esprit. J’apprécie Justin, mais je le vois simplement comme un ami potentiel, sans plus.

— Tu n’as pourtant pas répondu à ma première question. Ressens-tu une attirance pour lui ?

Même si elle l’entend pour la deuxième fois, Sarah est encore une fois prise de court par la question. Certes, elle doit l’avouer, elle a ressenti des papillons lorsqu’elle a humé son parfum lors de leur accolade simulée devant ses copains. Cela ne veut pas dire pour autant qu’elle s’imagine aller plus loin.

« Vraiment ? » lui demande alors une petite voix dans sa tête.