Fyctia
50-Ouverture d'esprit (1)
Malaisée par l’intervention de sa conscience, Sarah reste muette. À ses côtés, Ava ne perd pas pour autant contenance et elle prend les deux mains de son amie dans les siennes avant de prendre la parole.
— Parfois, commence-t-elle avec une voix sereine, il est possible de ressentir l’envie de tenter certaines expériences. Tu vis de grands changements en ce moment. Je veux que tu saches que je ne t’en voudrai pas si tu décides d’explorer tes sentiments pour ce Justin. Ce n’est pas parce que moi j’ai vécu un traumatisme que tu dois partager le regard que j’ai sur les hommes. En fait, je ne suis pas prête à dire que j’ai une aversion pour eux. C’est plutôt une peur ancrée en moi qui me motive à les repousser.
— Ton ouverture d’esprit est incroyable, mais je me vois mal me rapprocher de lui alors que mon cœur me hurle d’aller vers toi.
— Tout ce que je te dis, c’est que tu dois laisser ton esprit ouvert. Je respecterai ton choix et tu ne perdras jamais mon amitié, ça je peux te le garantir. Qui sait, si tu as raison sur ce Justin, peut-être sera-t-il capable me convaincre de lui faire confiance ?
— Tu serais prête à le rencontrer pour jaser un peu si je suis avec toi ?
— Seule, ce serait impossible, mais je veux bien tenter le coup avec toi. Ta présence me rassurera et je risque moins de passer en mode attaque !
— Le pauvre, il n’est certainement prêt à ça effectivement !
Riant de bon cœur, les deux amies entrent finalement dans le café et choisissent leur table. Un coup d’œil à leur téléphone leur confirme qu’il le reste un peu plus d’une demi-heure avant le début des cours, ce qui leur suffit amplement pour poursuivre leur discussion sur les événements survenus la veille.
Lorsqu’elles ressortent du commerce, les deux jeunes femmes affichent de radieux sourires qui surprennent leur chauffeur. Au courant des dangers qui les guettent, il ne comprend pas qu’elles puissent être aussi heureuses. Adramelech l’avait bien averti que cette Sarah n’avait rien d’une humaine lambda, mais il ne s’attendait pas à la trouver aussi à l’aise alors que sa vie pouvait basculer à tout moment.
De son côté, lui n’attend pourtant qu’une chose : pouvoir déchaîner sa haine contre cette famille de sorcières fourbes. Évidemment, il s’est gardé de partager ses intentions avec son maître, mais lui n’est pas encore près à accorder sa confiance à qui que ce soit dans ce monde.
Les humains, ces êtres faibles, ne le méritent pas.
C’est donc avec cette rage ancrée en lui que Boranok conduit les deux amies vers cet établissement ridicule qu’elles appellent une « école ». Dès leur arrivée, le démon est assailli par les pensées abjectes de la multitude d’étudiants qui flânent aux abords de l’immense bâtiment.
« S’ils savaient combien leur existence ne tient pourtant qu’à un fil ! », s’exclame intérieurement Boranok.
Gardant ses pensées pour lui, il se contente toutefois de saluer Ava et Sarah lorsqu’elles descendent de voiture. Fidèle aux ordres de son maître, il les hèlent avant qu’elles ne s’éloignent trop.
— Je ne serai pas loin. Contactez-moi lorsque vous aurez besoin de moi, se contente-t-il de lancer d’une voix neutre.
— Nous en avons jusque vers dix-huit heures, annonce Ava. Inutile de traîner dans les environs. Profitez un peu de votre présence parmi nous !
— J’obéis aux ordres qui m’ont été donnés, madame.
« Et je doute que vos semblables apprécieraient que je profite de ma présence parmi eux. » termine Boranok par télépathie.
Un peu inquiétée par les mots qui résonnent dans sa tête, Ava observe alors le démon avec méfiance.
« Sans un lien magique avec la créature, comment savoir si cette chose n’ira pas semer le chaos ? », pense-t-elle en prenant soin de protéger son esprit contre l’intrusion.
« Ne t’inquiète pas, Ava. Adramelech m’a assuré qu’il surveillerait ses serviteurs et que ceux-ci lui seront fidèles. », lui indique Sarah, dans son esprit.
Surprise par l’intrusion de son amie, alors qu’elle venait de monter sa garde, Ava fixe intensément Boranok pour s’assurer qu’aucun éclair de malice ne passe dans son regard sombre. Nerveuse, elle prend la main de Sarah et la guide vers l’établissement d’un pas rapide.
À l’intérieur, elle pénètre une cage d’escalier pour tenter d’avoir un minimum d’intimité pour lui faire part de ses inquiétudes.
— Je ne sais pas comment tu as fait pour pénétrer mon esprit, mais tu dois savoir que je crains le pire en ce moment. Ce Boranok ne me dit rien qui vaille. Après tout, il est libre de ses actes et cela n’est pas rassurant.
— J’ai peur moi-aussi, mais je fais confiance à Adramelech. Sa position dans son monde lui assure le respect de ses semblables. Je crois que le plus grand danger ne provient pas de leur présence parmi nous.
— Je veux bien te faire confiance. Mais dis-moi, comment as-tu pu utiliser la télépathie alors que j’avais bloquer mon esprit contre toute intrusion ?
— À ce que je sache, je ne suis pas télépathe. J’ai simplement vu que tu étais inquiète et j’ai perçu ta pensée au sujet de Boranok. Je voulais te rassurer sans que lui puisse nous entendre. Je n’ai aucune idée de comment j’y suis parvenu, mais je suis heureuse que tu aies pu m’entendre.
— Tu ne cesses de me surprendre. Il semble que la magie coule en toi tout naturellement, sans même que tu y portes la moindre attention. C’est à la fois formidable et terriblement inquiétant ! Nous allons devoir faire tout notre possible pour que tu apprennes à te contrôler si tu veux mon avis.
— Avec toi à mes côtés, je suis certaine d’y parvenir. Au moins, aujourd’hui, je ne serai pas seule pour affronter les surprises qui me tomberont dessus !
Sans même attendre la réponse de son amie, Sarah s’avance et dépose un baiser rapide sur ses lèvres. S’ensuit une accolade tendre de quelques secondes après laquelle les deux jeunes femmes sortent de leur cachette improvisée et rejoignent leur première salle de cours de la journée.
Dès leur entrée, tous les regards se tournent vers elles. Main dans la main, souriantes et leurs yeux étincelants, elles ne passent certes pas inaperçues. Sarah remarque dès lors la présence de Matt et Nicolas, les amis de Justin. Un instant, elle songe à relâcher la main d’Ava, mais elle se ravise avant même de prendre action. À la place, elle entraîne plutôt son amie vers le duo assit à l’arrière du local.
Un peu troublée, Ava suit néanmoins son amie et prend place près des deux hommes qui la fixent d’un regard intrigué. Matt est le premier à réagir.
— Salut Sarah ! Tu nous présentes ta copine ? lance-t-il d’une voix joyeuse.
— Il me semble que vous la connaissez déjà, non ? répond simplement l’interpelée, un peu méfiante.
— La Ava que je connais ne se serait jamais approchée de nous. En plus, ne devrait-elle pas avoir une canne blanche ? continue le jeune homme, un peu méfiant.
Sarah ressent l'augmentation de pression sur ses doigts à cet instant.
Matt ferait mieux de se taire.
5 commentaires
Jess Swann
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Il y a 2 ans
Lyaure
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Il y a 2 ans