Fyctia
47-Aveux difficiles (3)
Repassant ses paroles dans sa tête, Sarah réalise soudainement la portée de ses mots. Avant qu’elle ne puisse réagir, Ava exprime avec nervosité son étonnement.
— Tu as ouvert le Codex Tenebris !?
— En effet. Il était sur la table le soir où tu m’as emmené ici. Lorsque j’ai touché l’épine sur sa couverture, il s’est révélé à moi dans un tourbillon. Je vois difficilement comment te l’expliquer autrement.
— Mais tu es folle ! Ce livre aurait pu te détruire ! Je ne comprends même pas que tu aies survécu à la blessure infligée par l’épine. Cela m’a pris des années de préparation avant de pouvoir même effleurer le cuir de cet ouvrage maléfique.
— Je suis reconnue pour agir d’abord et réfléchir ensuite. Le fait est que je suis encore là et relativement saine d’esprit. Le pire, c’est que j’ai bien dit « des » codex. Hier, j’ai pu mettre la main sur le Codex Luminaris à l’école...
— Quoi, tu as rencontré monsieur Spellman et il t’a révélé leur codex !?
— Disons que la rencontre a été un peu plus compliquée que ça, mais c’est effectivement ce qu’il a fait au final.
— Et tu as pu l’ouvrir ?
— En lui exposant mes intentions, oui. Il s’est ensuite entièrement révélé à moi comme l’a fait le Codex Tenebris.
Au bord de la perte de conscience tellement l’émotion est forte pour Ava, celle-ci se laisse tomber sur le lit, la tête enfouie entre les bras. Impossible pour elle de comprendre comment Sarah a pu mettre ainsi sa vie en danger.
— Pourquoi as-tu fait cela sans d’abord venir m’en parler ? demande-t-elle d’une voix vibrante.
— Monsieur Spellman ne m’a pas vraiment laissé le choix. Il croyait que j’étais une sorcière noire et il a tenté de prendre possession de mon esprit pour le confirmer. J’ai dû le combattre et une voix dans ma tête m’a fait comprendre que je devais assimiler le Codex Luminaris. Je sais que cela peut te paraître complètement dingue, mais je te jure que c’est la vérité.
Réagissant à la mention de la voix intérieure, Ava relève brusquement la tête.
— Cette voix, tu as pu la reconnaître ? demande-t-elle sans attendre et ignorant pour le moment la mention du combat.
— Je suis presque certaine que c’est celle de Samantha, ma grand-mère. Elle a aussi résonné dans ma tête le soir où le Codex Tenebris s’est révélé à moi. Tu dois vraiment me prendre pour une folle.
— Je suis très loin de penser cela. Ce dont tu parles, c’est un don très recherché dans le milieu de la sorcellerie. Ton esprit semble ouvert à une communication entre les mondes. Il est fort possible que ta grand-mère puisse profiter de ce lien quand tu te retrouves dans une situation où tu perds contact avec notre réalité. Cela peut provenir de plusieurs sources, mais la peur ou la colère aveugle sont certainement de grands catalyseurs de cette faculté de ton esprit.
— Tu vois, tes connaissances dépassent largement les miennes. J’ai beau avoir tous ces sorts et toute cette magie en moi, je me sens réellement perdue dans cet univers qui n’est pas le mien. Ta présence à mes côtés est non seulement requise par mon cœur, mais aussi pour avoir une chance de conserver ma santé mentale dans toute cette aventure !
— Tu te doutes bien que cela me fera plaisir de t’aider. J’ai l’impression que les événements s’enchaînent beaucoup plus rapidement que je ne l’aurais cru. La présence d’un mage de lumière dans ton entourage ne me plaît pas du tout.
— Je ne crois pas qu’il représente un danger pour nous. Il m’a fait allégeance suite à notre altercation et il a promis de ne pas parler de moi à ses semblables.
— C’est une bonne chose, mais crois-tu que j’ai convoqué ma tante à venir ici ? Les grands praticiens en magie peuvent ressentir l’énergie des sorts à plusieurs kilomètres de distance. Il suffit que quelqu’un ait pu percevoir les traces de ta magie particulière pour te retracer.
— Raison de plus pour t’avoir à mes côtés dans ce cas. Le pendentif de ta tante te permettra-t-il d’utiliser tes facultés sans t’épuiser ?
— Certainement pendant quelques temps, mais cela dépendra de l’amplitude des sorts que j’emploierai. Il est hors de question que je fasse souffrir quiconque pour le recharger !
Pendant quelques secondes, Sarah reste songeuse, provoquant une vive angoisse chez son amie. Dans son regard, elle perçoit une détermination farouche qui lui fait craindre le pire. Jamais elle ne se résignera à voler l’énergie d’une victime. Elle espère de tout cœur que sa nouvelle flamme ne tentera pas de l’obliger à aller à l’encontre de sa volonté. Heureusement, le sourire qui apparaît bientôt sur les lèvres de sa compagne la rassure d’emblée sur ce qui va suivre.
— J’ai peut-être une solution, lance Sarah avec joie. Je crois que mon médaillon possède des propriétés intéressantes que je vais te faire découvrir dès maintenant ! Terminons de nous habiller et descendons. Tu devrais apprécier ma petite démonstration !
En quelques minutes, les deux jeunes femmes enfilent leurs habits. Pour Ava, une longue robe d’un bleu marin flotte autour de sa silhouette fine, lui donnant une incroyable élégance. Pour Sarah, un éternel jeans noir vient agrémenter un chandail long en cachemire de la même couleur. Très différentes, les deux femmes donnent néanmoins un duo flamboyant qui a tout pour attirer les regards.
Alors que Sarah se dirige vers l’escalier menant au rez-de-chaussée, Ava s’étonne.
— Tu ne comptes pas te maquiller ?
— Non. Je n’en ressens pas le besoin. Je me sens suffisamment unique avec ce qui m’arrive et je suis fière à présent de montrer mon vrai visage aux personnes que je rencontrerai. Le regard que tu as posé sur moi ce matin à ton réveil m’a convaincue. Je veux que tu voies toujours cette même personne à chaque fois que tu poses les yeux sur moi.
— Tu m’en vois heureuse ! Tu peux être certaine que je ne me priverai pas de te regarder à chaque minute de la journée.
— Dans ce cas, je n’aurai à me gêner de faire pareil !
Un rire partagé remplissant la pièce, les deux amies affichent un visage radieux alors qu’elle descendent pour rejoindre la cuisine. Arrivé au bas des marches, Sarah fait toutefois une pause près des plantes situées de chaque côté de l’imposant escalier.
Réalisant l’état lamentable de celle de gauche, Ava pose un regard interrogateur sur sa partenaire. Impossible pour elle jusque-là d’avoir pris connaissance de la situation puisqu’elle ne voyait pas. Toutefois, constatant la décomposition avancée du pauvre végétal, elle ne conçoit pas qu’elle n’ait pas perçu l’odeur avant aujourd’hui. Intriguée, elle analyse la réaction de Sarah.
— Tu dis ne pas vouloir drainer l’énergie d’une victime, mais puis-je supposer que tu peux te résoudre à t’en prendre à une simple plante ? demande Sarah, un sourire en coin aux lèvres.
— Cela ne fonctionne pas ainsi malheureusement. Je ne sais pas ce qui est arrivé à cette plante, mais ce n’est pas ma magie qui en est la cause.
Son sourire encore plus grand, Sarah se concentre sans répondre.
4 commentaires
Jess Swann
-
Il y a 2 ans
Lyaure
-
Il y a 2 ans