Fyctia
45-Aveux difficiles (1)
Toujours immobile et muette près d’Ava après son terrible aveu, Sarah est certes choquée par ce qu’elle vient d’apprendre. Toutefois, voyant le regret et la tristesse dans les yeux d’Ava, elle se sent incapable de lui en vouloir.
— Ce n’est pas de ta faute, Ava. Tu essayais simplement de trouver une place dans un univers qui m’apparait maintenant comme vraiment très cruel. Je suis certaine que ma grand-mère était heureuse de pouvoir partager ces moments avec toi. Sa propre fille l’a fui en emmenant sa petite fille avec elle. Je crois que tu as contribué à rendre la fin de sa vie meilleure.
— Mais elle est morte à cause de moi ! explose Ava. Si je ne m’étais pas intéressée à cette magie, ma mère ne l’aurait peut-être pas assassinée !
Des rivières de larmes coulant sur ses joues, Ava tremble à présent de tout son corps. Peinée de la voir souffrir ainsi, Sarah cherche mentalement les bonnes paroles pour tenter de la consoler.
— Comme tu l’as dit toi-même, peut-être que ta mère ce serait désintéressée. Permets-moi cependant d’en douter. De ce que je comprends, ton coven recherche la puissance et il est clair que la magie découverte par ma grand-mère est très puissante. Tôt ou tard, ta mère ou une autre s’y serait intéressé et la conclusion aurait été la même. Tu n’as pas à t’en vouloir.
Quelque peu rassurée par les propos de Sarah, Ava essuie ses larmes et observe son amie d’un regard incrédule.
— Tu es certaine de ne pas m’en vouloir ? sanglote Ava, toujours tremblante.
— Non seulement je ne t’en veux pas, mais en plus je suis heureuse que tu aies pu la fréquenter. C’est certainement grâce à ça si nous sommes ici aujourd’hui. Puis-je te demander quelque chose de très important à mes yeux ?
— Évidemment, je n’ai aucun secret pour toi.
— T’a-t-elle parlé de moi ?
La question peut sembler banale, mais Sarah a vraiment besoin de savoir si leur rencontre n’est pas seulement le fruit d’une demande de sa grand-mère. Les sentiments qui se développent en elle exigent qu’elle sache.
— Oui. Un soir elle m’a montré une photo de toi en me demandant de veiller sur toi lorsqu’elle ne serait plus là. J’ai eu beau lui dire que je n’avais aucune chance de te rencontrer un jour, elle a insisté.
— Donc notre rencontre n’avait rien d’un hasard, n’est-ce pas ?
— Effectivement. Avec ma cécité, te retrouver n’a pas été simple, mais quelque chose en moi m’a guidé vers toi. Je me suis inscrite à cet école dans l’objectif précis de te rencontrer. Je ne m’attendais toutefois pas à ce tout se déroule aussi rapidement.
— Ton invitation à venir habiter ici vient donc d’une demande de ma grand-mère...
Le ton avec lequel Sarah prononce sa dernière phrase illustre clairement une grande déception qui ne passe pas inaperçue auprès de son amie. Troublée, celle-ci pose sa main sur la sienne, le visage allongé par l’inquiétude.
— Honnêtement, la réponse est à la fois oui et non. Rien ne m’obligeait à te faire venir ici, mais j’étais consciente que c’était la meilleure façon de te protéger en attendant que tu apprennes l’amplitude des dangers qui pesaient sur toi à ton insu.
Voyant la déception naître sur le visage de Sarah, Ava comprend que ce n’était pas la réponse attendue, mais elle continue de croire qu’elle devait dire cette vérité avant de poursuivre.
— Avant que tu tires des conclusions hâtives, laisse-moi terminer je t’en prie, poursuit Ava d’une voix émotive. Dès notre rencontre, j’ai senti quelque chose en moi. Bien que je ne t’aie jamais rencontrée avant ce jour, je me suis tout de suite sentie mieux en ta présence. Je ne pouvais pas te voir, mais je percevais quelque chose de différent en toi. Il faut que je te dise quelque chose de très important à mon sujet.
Une angoisse grandissante est soudainement visible sur le visage d’Ava, inquiétant du coup Sarah qui met rapidement de côté sa déception quant à la raison de sa présence ici. Posant à son tour sa main sur celle de son amie, elle reste silencieuse, prête à l’écouter.
— Lorsque j’avais seize ans, quelques jours avant ma cérémonie d’intégration dans le coven, ma mère m’a forcé à faire quelque chose d’horrible qui m’a détruite.
Certaine d’entendre une histoire d’horreur ayant trait à la sorcellerie obscure, Sarah sent son corps entier se saisir d’appréhension. Près d’elle, Ava prend une grande inspiration avant de poursuivre.
— Un soir, elle a invité un membre du coven chez nous. Un adolescent de mon âge qui devait lui-aussi être intronisé dans le groupe. C’était apparemment le fils de l’une des grandes sorcières qui le dirige. Elle m’a alors fait comprendre que je devais me lier à lui pour officialiser la place de notre famille dans la haute sphère du coven.
Réalisant soudainement à quel point elle avait tout faux sur l’événement en question, Sarah sent son cœur se figer dans sa poitrine. Les yeux fermés, Ava poursuit sans s’interrompre.
— Avant-même que je réalise totalement ce qu’elle voulait dire par cette liaison, continue Ava, j’ai vu le regard de notre invité dévorer mon corps comme si je lui appartenait. Il n’aura fallu que quelques minutes pour qu’il me traîne comme un vulgaire pantin vers ma chambre. Je savais alors ce qui allait suivre et j’ai voulu me débattre. Pour toute réponse à mon opposition, j’ai reçu une magistrale baffe de ma mère. Elle m’a tout simplement dit que si je ne remplissais pas mes obligations, je serais bannie à jamais, voir même pire.
Complètement atterrée par les paroles de son amie, Sarah ne parvient plus à contenir ses larmes. Dégoûtée, elle écoute la suite avec grande difficulté, contrôlant avec peine le feu qui nait dans sa poitrine.
— À cet instant, poursuit Ava d’une voix faible, j’ai senti une partie de moi-même s’envoler. Jamais avant ce jour je n’avais eu de relation avec qui que ce soit et j’ai pris conscience que ma première expérience serait celle-là. J’aimerais pouvoir te dire que j’ai oublié le détails de ces instant horrible de ma vie, mais je repasse ce souvenir horrible en boucle dans ma tête presque toutes les nuits. Si je te raconte cette histoire, c’est pour que tu comprennes que depuis je n’ai jamais pu ressentir une attraction pour qui que ce soit. Homme ou femme. Pourtant, lorsque je t’ai rencontrée, c’est comme si tous ces souvenirs pouvaient enfin réellement faire partie de mon passé. Je me sens bien à tes côtés et cela est vraiment exceptionnel pour moi. Tu comprends ?
Ébranlée par l’aveu d’Ava, Sarah peine à reprendre le contrôle sur ses émotions. D’un côté, une rage inqualifiable dans son cœur voudrait décimer ce stupide coven pour le mal qu’il a fait à son amie. De l’autre, elle comprend finalement que son invitation n’avait rien d’une obligation et cela la rend incroyablement joyeuse.
Voyant l’angoisse dans le regard d’Ava alors qu’elle attend sa réponse, Sarah plonge sans attendre.
8 commentaires
Véronique Rivat
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Il y a 2 ans
cedemro
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Il y a 2 ans
Véronique Rivat
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Il y a 2 ans
Jess Swann
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Il y a 2 ans
Lyaure
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Il y a 2 ans