Fyctia
41-Une amie hors pair (1)
Suite à son bond prodigieux, Sarah atterrit sans bruit aux côtés d’Ava. Sans même se questionner, elle écarte les pans ensanglantés de sa robe de chambre et pose ses mains jointes sur son ventre, recouvrant la blessure laissée par la dague de la sorcière.
Faisant appel à cette formidable énergie léguée par Adramelech, elle formule dans son esprit le plus puissant sort de guérison qu’elle a découvert dans le Codex Luminaris. Sur sa poitrine, son médaillon brille alors de mille feux, lui brûlant la peau. Insensible à la douleur, elle se concentre sur le flux de sa propre essence vitale dans le corps de son amie.
Assistant à la scène avec un regard obnubilé, le démon ne comprend pas la détermination insensée de l’humaine pour sauver celle qui est en bonne partie responsable des dangers qui la guette. Après tout, jamais les sorcières noires n’agissent pour le bien d’autrui, c’est un fait reconnu dans leur monde, mais aussi dans celui d’où il vient.
D’ailleurs, comment cette jeune femme est-elle capable de démontrer autant de versatilité dans la manipulation de la magie. L’ayant vu pratiquer la magie noire plus tôt, il sait qu’elle en possède en elle. Pourtant, aucun des sorts sombres ne possèdent la capacité de transmettre la vie.
Curieux, mais aussi méfiant, Adramelech s’approche lentement des deux femmes, les mains tendues en signe de paix. Arrivés aux côtés de Sarah, il voit aisément la grande fatigue qui déforme ses traits. Disparu déjà ce trop plein d’énergie qu’il lui avait transmise un peu plus tôt. En fait, à ce rythme, elle va bientôt tomber. Hésitant, il pose sa main sur son épaule.
— Vous devriez cesser le transfert. Si vous poursuivez, je crains que vous mettiez votre vie en danger.
Agacée par l’intervention du démon, Sarah perd sa concentration et interrompt du coup le transfert. Épuisée, mais néanmoins animée par sa colère de voir Ava encore inconsciente, elle se tourne vers Adramelech pour lui lancer un regard furieux.
— À vous alors de lui donner de votre énergie !
— Je ne peux pas. Dans son état, elle risque de ne pas le supporter.
— Je crois plutôt que vous ne voulez pas l’aider car elle fait partie de la famille qui vous maintenait prisonnier.
— J’avoue éprouver une haine profonde pour les sorcières noires, mais la raison que je vous ai fournie reste la vérité.
— Alors refaites le transfert avec moi !
— Cela détruira votre esprit. Je n’aurais même pas dû tenter l’expérience une première fois. J’ai bien failli vous détruire avec cette énergie. N’oubliez pas que nous ne sommes pas du même monde. Désolé, mais je ne le referrai pas malgré toute la reconnaissance que j’éprouve pour ce que vous venez de faire pour moi.
Alors qu’elle s’apprête à invectiver le démon pour son refus d’aider Ava, Sarah sent son esprit se troubler une nouvelle fois. Aux prises avec un tourbillons d’informations incompréhensibles pour son corps épuisé, ses yeux se révulsent un instant sous le regard intrigué de son interlocuteur. Au bout de secondes qui paraissent interminables, l’adolescente étend brusquement la main vers l’amas de tissus poussiéreux près du corps inanimé de son amie.
Dès qu’elle retire sa main, un petit objet roule entre ses doigts : le pendentif de la sorcière. Sans plus attendre, elle le glisse avec confiance autour du cou d’Ava, priant intérieurement pour que ce ne soit pas une erreur fatale de sa part.
Impressionné, Adramelech observe en silence l’effet de son geste audacieux.
Pendant un long moment, rien ne semble se passer. Puis, soudainement, la poitrine d’Ava se gonfle dans une respiration profonde et sonore. Ravie, Sarah ignore les toussotements de son amie et se jette littéralement sur elle, entourant tout son corps de ses bras tremblant d’épuisement.
— Ava ! s’exclame-t-elle avec émotion, des torrents de larmes dévalant sur ses joues.
Rassurée par l’état de son amie, Sarah sent ses forces l’abandonner, sombrant lentement vers l’inconscience sous le regard intense du démon. Juste avant la tombée du voile de noirceur, elle utilise le peu d’énergie qui lui reste pour adresser une dernière demande à Adramelech.
— Pourriez-vous monter Ava à sa chambre pour qu’elle se repose ?
Ébranlé par cette demande totalement altruiste, le démon réalise que de nouvelles chaînes le lient à présent à ce monde. Pour un démon, il n’y a pas pire torture que de se trouver pris à servir des humains. Pourtant, il ne s’imagine pas pouvoir quitter cet endroit sans venir en aide à cette étrange humaine.
— Bien sûr, maîtresse.
Pour la première fois de sa très longue existence, il vient de créer lui-même ses chaînes le liant au monde des humains.
***
Ouvrant les yeux avec difficulté, Sarah prend lentement conscience de son entourage. Malgré l’obscurité qui règne autour d’elle, elle reconnaît sans peine l’âtre du foyer sur le mur faisant face au canapé sur lequel elle est étendue. Sur le sol, la robe de la sorcière est restée intouchée et la tache sombre sur la moquette rappelle avec violence les événements survenus plus tôt. Paniquée, la jeune femme cherche du regard Ava, incapable de se rappeler ses derniers mots à l’adresse d’Adramelech.
Ce n’est que lorsqu’elle tente de se relever qu’elle réalise sa faiblesse. Ses jambes se dérobant sous son corps, elle chute mollement dans le coussin sous le regard amusé de l’homme assis sur la causeuse à l’autre bout de la pièce.
— Je crois qu’il serait préférable de vous reposer.
Reconnaissant la voix du chauffeur, Sarah est rassurée. Néanmoins, son inquiétude demeure pour son amie.
— Où est Ava ? demande-t-elle d’une voix forte malgré son état.
— Là où vous m’avez demandé de la déposer. Vous ne vous rappelez pas ?
— Les événements sont assez flous dans mon esprit en ce moment, mais je n’ai pas oublié ce que vous avez fait pour moi et mon amie. Je suis désolée d’avoir été aussi dure avec vous.
— N’oubliez pas que vous vous adresser à un démon. Vos paroles peuvent vous sembler dures, mais elles ne sont rien en comparaison à ce que mes anciennes maîtresses m’ont fait endurer.
— Je ne suis pas votre maîtresse. Ne vous ai-je pas libérer de vos attaches à ce monde ?
— Vous l’avez fait et je vous en serai éternellement reconnaissant.
— Que faites-vous encore ici dans ce cas ?
— Je ne voulais pas vous laisser seule ici. Cette sorcière que vous venez de vaincre n’est qu’un pion faisant partie d’une armée bien plus grande. Lorsque son coven réalisera sa mort, ses compagnes ne tarderont pas à venir venger sa mort.
— Pardonnez-moi, mais je n’imaginais pas un démon capable de faire preuve d’altruisme. Pourquoi faites-vous cela pour moi ?
— Honnêtement, je me surprends moi-même. Je suppose que votre geste envers moi m’a fait réaliser que certaines sorcières ne sont pas aussi méprisables en fin de compte.
— Je ne suis pas une sorcière !
Dégoûtée par le terme employé par le démon, Sarah l'observe avec colère. Sans qu'elle le veuille, les symbôles noirs refont surface dans son esprit, chassant toute trace de faiblesse.
10 commentaires
WildFlower
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Il y a 2 ans
Jess Swann
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Il y a 2 ans
cedemro
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Il y a 2 ans
Lyaure
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Il y a 2 ans
cedemro
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Il y a 2 ans