Fyctia
42-Une amie hors pair (2)
Inquiet devant la réaction colérique de Sarah, Adramelech l’observe avec méfiance. Vu son état émotionnel instable, le moindre faux pas de sa part suffirait à provoquer une nouvelle explosion.
Libre de ses choix, il pourrait disparaître et abandonner cette humaine à son sort, mais ce lien insidieux qu’il a lui-même créé avec elle l’en empêche. Choisissant la diplomatie, il décide de tenter une explication.
— Désolé, mais ce que vous avez fait me prouve que vous êtes bien une sorcière. Je sais que le terme est mal vu chez les humains, mais cela reste la vérité. Votre maîtrise de la magie dépasse tout ce que j’ai vu dans ma très longue existence.
Quelque peu rassurée par le ton calme du démon, Sarah réalise son excès émotif. Passant d’une extrême à l’autre, elle sent de chaudes larmes dévaler ses joues dans un flot incessible.
— Je n’ai pas choisi de recevoir ces capacités, se lamente-t-elle au travers de ses sanglots.
— Possible, mais la magie, elle, vous a choisie. Je doute que vous puissiez ignorer ce que le destin a placé sur votre route, Maîtresse.
— Je vous en supplie, cessez de m’appeler ainsi. Vous êtes libre de vos choix et je ne souhaite pas être la maîtresse de qui que ce soit. Ça, je peux au moins le choisir !
— D’accord, Sarah. Toutefois, sachez que je répondrai présent si vous prononcez mon nom. Vous aurez besoin de toute l’aide disponible pour venir à bout de ces sorcières noires. Elles possèdent un pouvoir important et leur nombre leur assure un avantage, ne l’oubliez jamais.
Consciente de l’aberration de cet instant, l’adolescente observe Adramelech avec un mélange d’admiration et de peur refoulée.
Est-elle vraiment en train d’accepter l’aide d’un être démoniaque ?
Ces créatures ne sont-elles pas supposées être associées au Mal ?
Clairement, le monde tel qu’elle le connait vient de s’effondrer. Ce qui n’était que des contes de fées et des histoires de peur pour elle il n’y a pas si longtemps se matérialise maintenant devant son regard ébahi.
Peut-être est-elle dans le coma, étendue dans un lit, après un violent accident ?
Cela serait tellement plus simple à digérer que cette nouvelle réalité !
Cette dernière pensée a tôt fait de réveiller une puissante émotion dans la poitrine de la jeune femme.
Ava !
Soudainement animée d’un besoin viscéral de retrouver son amie, Sarah reprend le contrôle de ses pensées et se dresse d’un bond devant le démon. Surpris, ce dernier recule d’un pas.
— Merci pour votre offre, je ne l’oublierai pas. Pour le moment, je dois aller rejoindre Ava pour m’assurer qu’elle va bien. J’espère sincèrement ne pas devoir vous déranger à nouveau avec mes problèmes.
S’éloignant déjà, elle est surprise d’entendre une fois de plus la voix du démon.
— Je vous promets de veiller sur votre sécurité. Je vais retourner chez moi et informer mes semblables de votre situation. Vous ne serez pas seule dans cette aventure.
— Je...
Alors qu’elle allait répéter ses remerciements, un appel d’air vient brusquement l’interrompre. Sur le sol, la robe abandonnée se soulève un instant avant de retomber, inerte.
Sans surprise, plus aucune trace ne subsiste d’Adramelech.
Trop épuisée pour s’étonner du phénomène, Sarah entreprend avec peine l’ascension des marches du grand escalier devant la mener aux côtés de son amie. Dans son état, chaque planche lui apparaît comme une montagne, mais elle parvient après moults efforts à rejoindre le long corridor.
Pour un observateur extérieur, la scène semble tirée d’un film d’horreur : une jeune femme, affaiblie, s’avançant péniblement dans la noirceur sur un parquet qui craque à chacun de ses pas, les bras pendant le long de ses vêtements imbibés de sang.
Certes, ce sang n’est pas le sien, mais ce détail n’est pas rassurant pour autant.
À quelques pas de la porte de sa chambre, terrifiée de ce qu’elle va découvrir, elle sent son corps se figer, incapable d’avancer.
« Et si Ava s’était vidée de son essence vitale pendant son repos ? », pense-t-elle, effrayée.
« Et si une autre sorcière venait ici à cet instant précis ? »
« Et si les démons décidaient de se venger de cette famille en apprenant le sort d’Adramelech ? »
Paniquée, Sarah tremble à présent de tous ses membres. Dans son esprit, les symboles tournoient dans tous les sens, mélangeant l’obscurité et la lumière dans un amalgame difforme qu’elle peine à comprendre.
Étourdie par cette tempête intérieure, l’adolescente est certaine de voir les murs, le sol et le plafond osciller dangereusement, comme si le monde réel perdait sa consistance.
« Je deviens folle ! », songe-t-elle amèrement.
Alors qu’elle sent son esprit sur le point de flancher, une voix douce surgit soudainement dans sa tête.
— Sarah, concentre-toi, je t’en prie. Tu es plus forte que tu ne le crois. Toutes ces connaissances que tu as acquises prendront bientôt un sens, je te le promets. Pour le moment, tu es hors de danger et ton amie a besoin de toi plus que jamais. Ne la laisse pas tomber.
Ébranlée par cette voix intérieure qui la berce de paroles apaisantes, la jeune femme sent néanmoins un calme bienfaiteur l’envahir. Même si cela fait longtemps, elle la reconnait sans hésitation.
Samantha.
En temps normal, cette présence inattendue dans son esprit l’aurait envahie de terreur, mais les événements récents font de celui-ci un pur bonheur.
Sa grand-mère est là, quelque part, et elle veille sur elle.
Enfin, peut-être trouvera-t-elle enfin la lumière au bout de ce long tunnel obscur.
Revigorée par ces mots, Sarah franchit enfin la courte distance qui la sépare de la chambre d’Ava et elle s’y engouffre sans même frapper. Malgré l’obscurité qui règne dans la pièce, deux éléments la rassurent : le son régulier de la respiration de son amie et le drap fin recouvrant son corps qui se soulève et s’abaisse lentement.
Rassurée, la nouvelle arrivante agit ensuite sans réfléchir aux détails de ce qui va suivre. D’une suite de gestes précis, elle se dévêtit en silence pour se débarrasser de ses vêtements sales et couverts de sang, puis elle se dirige vers la salle d’eau attenante à l’immense chambre. Après une douche rapide, son corps épongé en vitesse avec une serviette qu’elle abandonne sur le sol, elle se glisse doucement dans le lit.
Sans aucune hésitation, elle prend place aux côtés d’Ava, son corps longeant le sien sans laisser la moindre distance entre elles. Au simple contact de la peau douce contre la sienne, elle sent un frisson la parcourir, mais elle persiste. Jusque-là, aucune réaction de sa compagne qui continue de dormir paisiblement.
Après un moment, Sarah pousse l’audace au maximum, passant son bras autour d’Ava pour ressentir sa respiration. De ses doigts, elle parcourt à l’aveugle son ventre, cherchant délicatement le dernier détail pouvant la rassurer.
Ne ressentant rien pouvant indiquer la présence de la terrible blessure laissée par le poignard, Sarah se permet enfin de s’endormir, son corps pressé contre celui de sa compagne.
3 commentaires
Lyaure
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Il y a 2 ans
Jess Swann
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Il y a 2 ans