Fyctia

Dès que le jeune homme arrive près de Sarah, il lui tend la main, une expression de regret ancré sur son visage.

— Je suis désolé d’avoir été vulgaire tout à l’heure. J’ai parlé sans réfléchir.

Ravie et rassurée d’entendre ses excuses, Sarah accepte avec plaisir sa poignée de main, mais elle se permet de lui lancer un coup amical sur l’épaule.

— N’est-ce pas le propre des hommes de parler sans réfléchir quand leurs hormones s’en mêlent ? affirme-t-elle avec ironie, incertaine de l’effet de ses propos.

Le rire généralisé dans le groupe la rassure grandement. Même l’intéressé rit de bon cœur, et ce malgré les moqueries de ses compagnons.

— Tu t’es bien fait remettre à ta place, Matt ! lance un de ses amis, les larmes aux yeux.

— Tu parles comme si tes hormones n’étaient pas dans le tapis toi aussi, se défend Matt.

Complètement abasourdi par tout ce qui vient de se passer, Justin assiste à l’hilarité générale avec un regard étonné. En quelques minutes, Sarah vient de s’intégrer à l’équipe et de chasser l’ordure de Larry. Agréablement surpris et impressionné par l’audace de sa compagne, il l’observe avec admiration un moment avant de prendre la parole.

— Franchement, je n’aurais jamais pensé que cet idiot de Larry se ferait remettre à sa place un jour. Encore moins par une fille considérant à quel point il peut se montrer misogyne. Tu mérites nos plus sincères félicitations, ma chère !

— Heureuse de vous avoir rendu ce service ! s’exclame avec joie Sarah.

— Avec tout ça, j’avoue que je n’ai pas tellement la tête à travailler sur le devoir de sciences. Tu accepterais de venir prendre un verre avec nous ? demande avec hésitations le jeune homme, récoltant l’appui bruyant de ses compagnons.

Prise de court par l’invitation soudaine, Sarah songe un moment à faire faux bond au chauffeur pour rejoindre le groupe, mais l’image d’Ava faible et alitée lui revient alors en mémoire. Incapable de mettre de côté cette triste vision, elle doit se faire une raison.

— J’aimerais bien, mais je suis attendue ce soir. Peut-être une autre fois ? Tu as mon numéro. Appelle-moi demain et fais-moi une proposition.

— Tu comptes emmener Ava avec toi ? demande alors Justin, provoquant la surprise générale parmi ses amis.

Tout aussi ébranlée par la demande, Sarah hésite un long moment avant de lui répondre.

« Tu sais bien que c’est un piège pour se moquer d’elle ! » lui suggère le diable dans sa tête.

« Au contraire, voilà le meilleur moment pour tous leur avouer ta relation avec elle. » propose plutôt l’ange.

« Profites-en surtout pour être honnête avec Ava. » complète son côté plus neutre.

Perdue une fois de plus dans ses pensées, l’adolescente ne remarque même pas tous les regards insistants posés sur elle. Faisant l’impossible pour trouver la réplique idéale, elle décide d’y aller avec franchise.

— Je l’informerai de l’invitation, mais je doute qu’elle acceptera. Elle ne se sent pas tellement appréciée ici d’après ce que j’ai pu comprendre.

Une fois de plus, tous les visages rassemblés autour de la table reprennent leur allure de petits enfants grondés par leur mère. Amusée, Sarah poursuit.

— N’oubliez pas qu’elle ne peut pas voir vos belles gueules de séducteurs transis par vos hormones. Elle ne perçoit que vos paroles à son endroit.

Satisfaite de leurs airs déconfits, Sarah décide de profiter de leur mutisme forcé par la honte pour commencer à s’éloigner du groupe. Elle est déjà sortie de la cafétéria lorsqu’une main se pose avec douceur sur son épaule, la faisant sursauter.

— Tu as été un peu dure avec eux, tu ne penses pas ? lui lance Justin, légèrement offusqué.

— Tu crois ? Avec les propos qu’ils ont tenu à mon arrivée, je pensais tes copains un peu moins sensibles aux propos d’une fille qui, je cite, « doit-être bonne à baiser ».

— Ce sont des idiots par moment, mais ils ne sont pas méchants. Donne-leur une chance et tu verras.

— Je n’ai pas refuser de me joindre à vous, prends déjà ça pour une victoire. Par contre, l’idée de fréquenter des idiots n’est pas dans mes projets à moyen terme. Oserais-tu dire que tu es parfois idiot toi aussi ?

La question est directe et acerbe, mais Sarah pense le moindre mot qu’elle vient de prononcer. Aussi, elle étudie avec attention la réaction de son ami potentiel. Heureusement pour lui, il prend assez bien la pique qui lui est lancée et affiche un sourire sincère avant de répondre.

— Ça m’arrive assez souvent en effet. Par exemple, en acceptant de suivre le plan complètement fou d’une nouvelle qui n’a pas hésité à replacer un crétin de première classe devant tous ses coéquipiers.

Prise d’un fou rire inattendu, Sarah regarde maintenant Justin d’un œil nouveau. Clairement, il n’est pas aussi superficiel que certains de ses copains et cela la rassure beaucoup. Prise d’une envie soudaine, elle s’étonne elle-même en déposant un bref baiser sur sa joue avant de s’éloigner d’un pas rapide.

— Inutile de me suivre, lance-t-elle par-dessus son épaule. On se revoit probablement demain si tu souhaites toujours me fréquenter.

Consciente des attentes que son baiser pourrait générer chez le jeune homme, Sarah passe les minutes qui suivent à regretter amèrement son geste irréfléchi. Après tout, elle n’a pas l’intention de prendre Justin comme petit ami.

Son cœur est déjà pris.

« Mais alors pourquoi ai-je fait ça !? » se demande-t-elle en boucle dans sa tête.

Alors qu’elle met le pied dehors, ses pensées sont brusquement interrompues par une désagréable vision. Quelques mètres plus loin, une silhouette qu’elle reconnaîtrait entre mille se découpe au milieu des feuilles qui jonchent le sol du stationnement.

« Merde, cet imbécile de Larry a décidé de remettre ça ! » s’exclame-t-elle en silence.

Évidemment, l’attendant depuis un moment déjà, la brute a tôt fait de remarquer l’arrivée de son ennemie préférée. À peine est-elle sortie que celui-ci se dresse fièrement et débute son avance vers l’adolescente qui, elle, a ralenti le pas.

Jetant un coup d’œil rapide, Sarah constate qu’il n’y a pas âme qui vive dans le stationnement si ce n’est de Larry et elle. Dans sa tête, le maelstrom reprend alors de plus belle, les sorts sombres défilant en maîtres absolus de son esprit.

Aucune place pour la peur dans cette tempête.

Non, c’est plutôt la crainte d’être aperçue disloquant le corps fragile de son adversaire qui la tétanise en ce moment.

Elle n’a que quelques arcanes à réciter et cet idiot sera dispersé aux quatre vents.

Littéralement.

Heureusement pour la minable brute, une voiture choisit cet instant pour faire son entrée. Et il ne s’agit pas de n’importe quel véhicule, mais bien de la somptueuse limousine envoyée par Ava. Malgré cela, aucunement ralenti par ce potentiel témoin, Larry redouble de vitesse et rejoint Sarah avec un air mauvais déformant son visage.

En un éclair, il pointe un pistolet en direction de la jeune femme, un rictus sadique exposant ses dents tel un requin avide de croquer sa victime.