Fyctia

Heureusement pour tous, Sarah se fait violence pour contenir sa fureur et conserve son sourire malgré la rage qu’elle ressent suite aux propos entendus.

En arrivant à la table, elle s’avance en direction de Justin et le serre dans ses bras. Pour la première fois, elle prend conscience de son odeur envoûtante. La douce note de lavande qui se dégage de son parfum, clairement appliqué à très faible dose, la surprend agréablement.

Légèrement déstabilisée, elle s’écarte et fixe son prétendant d’un regard assuré. Après un clin d’œil discret, elle pose ses lèvres contre les siennes. Sous ses mains posées dans son dos, elle sent le corps de son ami se raidir sous la surprise, mais il ne résiste pas. Leur baiser est rapide et chaste, mais son effet est indéniable sur le jeune homme qui prend soudainement une teinte écarlate.

— Salut Justin, je t’ai manqué ? demande-t-elle sans aucune ironie dans la voix.

— J’avoue que j’avais hâte de te revoir, répond simplement Justin, ébranlé.

— Tu me présentes tes amis ?

En fait, Sarah se fiche pas mal de leurs noms. Seul celui de la brute lui importe. Aussi, ce n’est que lorsque Justin en arrive finalement à lui qu’elle l’écoute réellement.

— Lui c’est Larry. C’est le capitaine de notre équipe depuis maintenant trois ans. Tout le monde le connaît dans cette école. On peut dire que c’est la vedette de la place.

— Pourtant, à mes yeux, c’est toi le capitaine Juju.

Si le surnom a pour effet de déclencher l’hilarité quasi générale dans le petit groupe, ce n’est pas l’effet obtenu auprès du fameux Larry. Celui-ci lance un regard incendiaire à Sarah. Un instant, celle-ci s’attend presque à le voir ressortir ce couteau qu’il a fièrement exhibé le matin même.

— Justin n’a pas assez de couilles pour se présenter pour le poste et c’est aussi bien pour lui. Je n’hésiterai pas à l’écraser pour conserver mon titre.

L’agressivité dans les propos du capitaine un peu trop fier dégoûte Sarah, mais elle fait de son mieux pour ne pas trahir sa pensée. À la place, elle fixe à nouveau son prétendant avec un sourire mielleux affiché à la vue de tous.

— Moi je crois en toi et je suis certaine que tes coéquipiers savent reconnaître ta force et ton talent. Il y aura toujours des petits chiens peureux qui n’hésitent pas à japper très fort, mais je suis certaine que tu peux les remettre à leur place.

Évidemment, les propos de Sarah ont tôt fait d’enrager le chien peureux dont il est question. D’un bond, Larry enjambe la table et se dresse, menaçant, devant l’adolescente. En temps normal, celle-ci n’aurait pas hésiter à lui faire mordre la poussière, mais aujourd’hui elle se retient.

Surtout qu’elle pourrait effectivement le tourner en poussière.

Littéralement.

Son discours semble toutefois avoir rejoint Justin d’une toute autre façon. Infusé de cette confiance nouvelle apportée par le soutient de Sarah, celui-ci bondit sur ses pieds et s’interpose en un éclair entre Larry et elle. Le capitaine cherche bien sûr à l’écarter de son chemin, mais il rencontre une résistance imprévue.

Grand et costaud, Justin n’est pas une vulgaire brindille que l’on peut briser sans effort. Aussi, quand ses bras massifs saisissent son opposant, ce dernier a la mauvaise surprise de sentir ses pieds quitter le sol. Animé de mauvaises intentions, le lutteur en herbe aurait pu choisir d’écraser son adversaire au sol à cet instant, mais il choisit plutôt de l’assoir avec force sur une chaise.

— Arrête un peu de faire l’imbécile ! hurle Justin à l’intention de Larry. Sarah a raison, tu agis comme un chihuahua enragé et tu jappes continuellement. Puisque tu sembles si confiant de conserver ton titre de capitaine, sache que je vais me présenter à la prochaine sélection. C’est maintenant évident pour moi que l’équipe a besoin d’un peu de fraîcheur.

— Tu vas te ridiculiser, pauvre crétin. Tu sais bien que toute l’équipe va me choisir.

Confiant, Larry lance un regard circulaire pour récolter l’appui tacite de ses amis. Malheureusement pour lui, ceux-ci ne semblent pas aussi enclins à lui assurer leur vote. À la place, l’un d’eux pousse même l’audace jusqu’à affronter son regard méprisant avant de prendre la parole.

— Tu sais quoi, Larry ? Je crois que Sarah a raison. Tu es juste un gros peureux qui utilise la peur pour nous contrôler. Moi je voterai sans hésitation pour Justin.

— Ferme ta gueule Nicolas. Nous savons tous que tu vas suivre le groupe et voter pour moi. Ta place dans l’équipe est en jeu !

— Si c’est le cas, alors je quitterai avec fierté. Je n’ai pas envie de jouer avec un connard comme toi comme capitaine.

Frustré par l’insulte, Larry se lève brusquement et lance son poing en direction de Nicolas. Surpris par ce geste violent, celui-ci reste figé. Heureusement pour lui, Sarah intervient et saisit le poignet de l’agresseur en pleine lancée. Sans effort, elle redirige son geste et déséquilibre le jeune homme. Profitant de son inertie, elle se contente de modifier sa trajectoire et force son corps à se retourner, bloquant son bras dans son dos. Appliquant une pression calculée sur les os fragiles, elle parvient sans peine à le contrôler.

— Écoute-moi bien, Larry. Ton règne de terreur est sur le point de prendre fin. Tu ne m’aimes pas et moi non plus je ne t’apprécie pas. Si tu veux, on peut continuer ce combat de coq encore longtemps, mais je t’assure que tu y perdras toutes tes plumes. À ta place, je réfléchirais un peu et j’écouterais mes amis. S’ils décident de faire confiance à Justin plutôt qu’à toi, c’est leur choix. Tu comprends ?

— Espèce de garce, je vais te...

Plongeant son regard dans celui de Larry, Sarah laisse brusquement ressortir sa colère réprimée jusque-là. À l’abri des regards de ses camarades, elle laisse temporairement la magie monter en elle, consciente de l’effet sur ses iris qui deviennent alors aussi noirs que la nuit. L’expression d’horreur sur le visage du jeune homme parle pour lui. Profitant de sa vulnérabilité, Sarah porte alors le coup de grâce et se penche à son oreille, son regard passant du noir au doré à l’insu de tous.

— Fiche le camp d’ici et ne reviens jamais.

Appuyé par la magie, son ordre ne laisse aucun choix à la brute. Tel un pantin, celui-ci se lève, prend son sac par-dessus la table et quitte les lieux sous les regards intrigués de tous ses coéquipiers. Fière de son coup, Sarah se tourne lentement vers eux, un grand sourire aux lèvres une fois de plus.

— Avec un peu de chance, il aura compris qu’il est temps pour lui de passer à autre chose, lance-t-elle d’un ton joyeux.

Certaine de rencontrer une certaine résistance chez certains, elle observe le groupe avec attention. À son grand étonnement, tous semblent gênés et affichent une expression semblable à celle d’un enfant qui vient de se faire gronder.

Après un moment de malaise, l’un de ceux ayant tenu des propos grossiers se lève et s’avance, le visage long.

Méfiante, Sarah l’observe avec attention.