Fyctia
4-Premier jour
Encore paralysée par ce qu’elle vient de vivre, Sarah observe la jeune femme quitter le wagon sans faire le moindre mouvement. À quelques mètre d’elle, les deux adolescents se lèvent péniblement, leurs corps parcourus de tremblements. Notant les regards posés sur eux, ces derniers reprennent toutefois contenance alors que le train se remet en mouvement.
— Qu’est-ce que tu regardes ? lance avec agressivité l’un des jeunes à l’adresse d’un vieil homme qui le fixe.
Effrayé, ce dernier recule, les mains tendues devant lui pour tenir les jeunes à distance. Le deuxième voyou tourne alors son regard vers Sarah qui regarde dans sa direction, la main toujous serrée sur le médaillon brûlant dans sa poche.
— Tu veux ma photo ? lui lance-t-il d’une voix remplie de colère.
Interpelée par la hargne dans sa voix, l’adolescente maintient son regard sans broncher, réprimant au mieux le feu qui lui brûle les entrailles. L’espace d’un instant, elle s’imagine bondir tel un fauve et lui coller son poing au visage, mais elle fait appel à sa volonté pour se contrôler. L’idiot s’avance alors, menaçant.
— Continue de me regarder comme ça et je t’en colle une la gothique ! poursuit la brute.
— À ta place, je calmerais mes hormones, l’ami, répond Sarah sans baisser les yeux. Moi au moins je n’ai pas crié comme une chochotte quand les lumières se sont éteintes.
Frappé par l’audacieuse remarque, le jeune homme bondit en direction de l’adolescente dont le regard s’enflamme soudainement de la rage qui brûle en elle. L’idiot entreprend de lever le poing, mais son compagnon le tire violemment en arrière.
— Laisse-la tranquille ! Tout le monde nous regarde et tu vas encore nous mettre dans la merde. Cette petite sotte n’en vaut pas la peine, tu vois bien qu’elle n’a rien de valeur sur elle.
Sur ces mots, les deux brutes s’installent simplement devant la porte et attendent l’arrêt du train. Immobile, Sarah les regarde quitter sans broncher. Elle patiente ensuite quelques secondes avant de s’élancer vers les portes qui commencent déjà à se refermer.
Voyez-vous, c’est son arrêt à elle aussi.
Connaissant sa chance légendaire, elle s’imagine déjà devoir supporter ces deux crétins bien malgré elle. Après tout, ils semblent en âge de fréquenter le CÉGEP et cette station mène au seul établissement de ce genre à des kilomètres à la ronde.
« Génial ! » pense l’adolescente, résignée.
Profitant de la foule qui s’amasse autour d’elle, Sarah se dirige d’un pas décidé en direction de son destin. Sans surprise, cette première journée dans sa nouvelle école s’annonce mouvementée.
Après un bref passage dans une brûlerie à quelques pas de la station Berri-Uqam pour s’acheter un café noir, la jeune femme se dirige vers l’enfer qui l’accueillera pour les prochains mois : le CÉGEP du Vieux-Montréal. Dès son entrée dans l’établissement, elle se dirige vers l’administration où elle doit s’enregistrer suivant son passé académique pour le moins accidenté. À l’accueil, une femme maquillée à l’excès l’observe avec curiosité.
— Je peux t’aider ? lui demande-t-elle sans détacher son regard du sien.
— Je m’appelle Sarah et c’est ma première journée. J’ai reçu pour directive de me présenter ici dès mon arrivée pour récupérer mon horaire.
— Je suppose que tu as aussi un nom de famille, ma jolie ?
— Black. Mon nom complet est Sarah Black.
Pendant que la préposée pianote sur son clavier, la nouvelle oberve les environs sans trop d’intérêt : bureaux en désordre, dossiers éparpillés un peu partout, personnel indifférent à sa présence, une étudiante en colère invectivant un homme au sujet d’une situation présumée de harcèlement, un autre exigeant le retour d’un appareil confisqué par un professeur.
Rien de surprenant aux yeux de l’adolescente jusque là.
Après quelques minutes qui lui paraissent interminables, la dame au visage poudré lui adresse à nouveau la parole.
— Bon, je vois dans ton dossier que tu aimes bien les problèmes, ma belle. Je t’avertis, nous n’hésitons pas à faire venir la police lorsque c’est nécessaire. Tu ferais bien de te tenir tranquille si tu veux éviter les soucis.
— Dites plutôt ça à tous ces crétins qui me cherchent des embrouilles. Moi je veux juste obtenir mon diplôme et disparaître d’ici au plus vite.
— Dans ce cas, fais profil bas et évite de te mêler de ce qui ne te regarde pas. Voilà ton horaire. En passant, si j’étais toi, j’éviterais l’abus de maquillage si tu veux éviter d’attirer l’attention.
— Merci pour le conseil, mais à votre place j’essaierais de mettre la main sur un miroir avant de trop m’avancer sur le sujet.
Consciente de l’effet potentiel de sa remarque blessante, Sarah s’éclipse en vitesse du bureau de l’administration et file en direction de la salle indiquée sur la feuille tendue par Miss Barbie qui hocquète de rage.
Dès sa sortie du local, un contact violent sur son épaule projette son café en vol. Avant-même que le gobelet ne touche le sol, elle croise le regard malsain de l’homme qui vient de la percuter par derrière.
— Tu vas devoir surveiller où tu mets les pieds ma jolie ! lui balance une voix qu’elle pourrait déjà reconnaître les yeux fermés.
Alors que le « toc » du carton contre le sol retentit, Sarah lève déjà le poing pour répliquer à celui qu’elle reconnaît comme l’une des brutes du métro. Elle suspend toutefois son geste en remarquant tous les regards posés sur elle. Faisant face à son agresseur et à son ami qui se tient à ses côtés, elle prend une profonde respiration avant de lui répondre.
— Tu as raison, la prochaine fois je prendrai soin de les essuyer sur ta sale gueule de macaque. Pour l’instant, j’ai mieux à faire que de supporter ton horrible odeur de bananes pourries !
Son regard ancré dans le sien, l’adolescente avance d’un pas décidé et évite habilement la main lancée dans sa direction pour la pousser une nouvelle fois. Profitant de sa petite taille et de son habileté, elle se faufile parmi la foule des étudiants et s’éloigne du duo qui reste figé dans la surprise.
— On la recroisera bien assez vite et là on la remettra à sa place cette salope ! entend-elle plusieurs mètres derrière alors qu’elle marche d’un pas rapide.
« Pourquoi faut-il toujours que je croise des imbéciles sur ma route ? » pense-t-elle en réprimant la rage qui menace de la faire exploser.
Assise depuis maintenant plusieurs minutes, Sarah observe les personnes qui s’installent peu à peu sur les tables doubles dispersées dans le local de son premier cours de la journée. Sans surprise, la place près d’elle reste vacante, mais toutes les autres se remplissent rapidement et les discussions vont bon train. Vides de sens pour la plupart, les échanges couvrent de tout, allant des activités de la fin de semaine qui vient de se terminer aux peines amoureuses en tous genres.
Rien qui n’intéresse notre orpheline blasée.
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Lyaure
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cedemro
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Il y a 2 ans
NevaPlume
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La Plume d'Ellen
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Sylvie Marchal
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Gottesmann Pascal
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Hell-vixen
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cedemro
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Il y a 2 ans