Fyctia
5-La nouvelle
Un signal sonore dans les heuts-parleurs annonce le début de la période et un homme entre dans la pièce, suivi d’une grande adolescente aux cheveux d’un blond cendré et au regard émeraude.
Autre détail intéressant : la longue canne blanche qu’elle tient à la main.
L’arrivée du duo crée un silence soudain dans la salle, mais celui-ci est de courte durée puisque de nombreuses messes basses surgissent de toutes parts.
— Il va y avoir une aveugle dans le groupe ? demande une fille à l’arrière.
— Elle est canon ! lance un gars de l’autre côté du local.
— Elle ne sait pas ce qu’elle manque ! complète son compagnon, ses yeux rivés sur le physique de la nouvelle arrivante.
— Comment pourra-t-elle suivre le cours ? demande un autre.
Malgré toutes les remarques qui fusent, l’étudiante attend patiemment aux côtés de celui qui s’annonce être le professeur, ne réagissant aucunement aux propos disgracieux émis à son endroit. Un râclement de gorge de son accompagnateur vient soudainement faire taire le groupe.
— Je vous présente Ava. Elle sera avec nous ce semestre et je vous demande de l’accueillir avec respect. Comme vous pouvez le constater, elle est non-voyante. Soyez gentils avec elle et éviter les mauvais commentaires à son sujet. Imaginez-vous partager son handicap, n’aimeriez-vous pas que l’on vous aide ?
Évidemment, les propos de l’enseignant ont tout sauf l’effet escompté. Autour de Sarah, les remarques reprennent de plus belle et plusieurs tiennent des propos allant de la simple remarque aux commentaires vraiment désobligeants.
— Moi je veux bien lui donner des cours particulier si elle vient chez moi après les classes ! lance un adolescent du fond du local.
Plusieurs rires gras éclatent suite aux propos graveleux, provoquant l’ire du professeur.
— Ça suffit ! s'exclame-t-il. Faites donc preuve d’un peu de respect pour cette jeune femme ! Quelqu’un peut-il au moins lui faire une place parmi vous ?
À la limite de l’explosion, Sarah profite de la demande pour affirmer haut et fort son soutien à la nouvelle arrivante.
— Ava, tu peux t’installer près de moi, indique-t-elle à l’intéressée. Ne t’inquiète pas, je tiendrai ces imbéciles loin de toi !
Un sourire illumine le visage de la jeune femme et celle-ci s’installe rapidement près de sa compagne de classe. Pendant que le professeur prépare la séance, elle se penche vers elle, ses yeux brillants de joie.
— Merci pour ton support, mais je t’assure que ça ira. J’ai l’habitude de ce genre de comportement de la part de nos compagnons de classe.
— Ce sont vraiment des idiots et des brutes. Tu ne le sais pas, mais j’étais dans le même wagon que toi ce matin, j’ai vu ce que ces deux crétins t’ont fait.
Sans trésaillir à cette annonce, Ava pose la main sur la cuisse de Sarah, la faisant sursauter.
— Puisque tu étais là, tu me crois quand je te dis que je sais m’occuper de moi.
— Tu as eu un coup de chance avec cet arrêt soudain du train et l’extinction des lumières. Heureusement pour toi, ces connards ce sont avérés être de petits peureux.
— Tu es certaine que c’était de la chance, Sarah ? lui chuchotte Ava à l’oreille.
Surprise d’entendre sa compagne de classe prononcer son nom, Sarah affiche un air d’incompréhension totale qui reste imperçu par tous, sauf le professeur qui la fixe.
— D’où connais-tu mon nom ? demande l’adolesente.
Excédé par leur conversation, l’enseignant est le premier à réagir.
— Mesdames, puis-je avoir votre attention et commencer mon cours ? Puisque vous semblez bien vous entendre toutes les deux, puis-je te demander d’assister Ava pour la prise de notes ? demande-t-il à Sarah.
— Oui, monsieur, cela me fera plaisir.
Depuis l’arrière de la classe quelques sifflements parviennent aux oreilles des deux adolescentes, juste avant un commentaire d’un garçon assis juste derrière elles.
— Quel joli couple ! Je sens la chaleur monter sous la table.
Furieuse, Sarah se tourne brusquement pour lancer un regard noir à l’adolescent, mais la main toujours posée sur sa cuisse la serre doucement pour la rappeler à l’ordre.
— Ignore-le, il ne vaut pas la peine de t’attirer des ennuis et tu le sais.
Les trois prochaines heures passent sans autre accroc, l’enseignant défilant les notions scientifiques à une vitesse faramineuse. Équations, principes de physique appliquée, noms impossible à prononcer, les informations fusent et Sarah peine à tout prendre en note. À ses côtés, Ava écoute attentivement, ses mains posées devant elle.
Lorsque le professeur s’interrompt au bout de sa longue tirade théorique, la salle se vide d’un coup dans la cacophonie, mais celui-ci reste debout devant la table des adolescentes, le regard fixé sur Ava.
— Excuse-moi, Ava, mais je dois te demander quelque chose. Je n’ai pas de support didactique qui convienne à ta condition. Que puis-je faire pour t’aider à assimiler les notions de mon cours ?
Son regard émeraude dirigé vers son interlocuteur, l’interpelée affiche un sourire qu’elle adresse tour à tour à son endroit et à Sarah, restée assise à ses côtés.
— Ne vous inquiétez pas pour moi. Mes yeux sont peut-être disfonctionnels, mais il me reste tous mes autres sens. Au risque de vous surprendre, mon cerveau est parfaitement apte à comprendre votre matière, monsieur.
Pris de court par la réplique de son étudiante, l’enseignant affiche une gêne évidente et un bégaiement s’introduit dans son discours.
— Je... je ne voulais pas vous diminuer. Je me demande seulement comment vous pourrez retenir toutes ces notions sans prendre de notes.
Désireuse de montrer son support à celle qu’elle commence à considérer comme une amie, Sarah prend les devants.
— Je l’aiderai. Je suis même prête à faire un enregistrement audio de mes notes si cela peut aider.
Encore une fois, la main d’Ava se pose doucement sur la cuisse de Sarah et celle-ci est certaine de voir ses yeux briller de joie.
— Merci, Sarah, mais ce ne sera pas nécessaire. J’ai une excellente mémoire et ces notions sont vraiment très simples. Si tu veux, je pourrai même t’aider avec les exercices si cela est nécessaire.
Estomaqué par la proposition, l’enseignant sourcille et observe l’adolescente avec une expression intriguée. Rassuré de voir les deux jeunes femmes se soutenir mutuellement, il quitte le local sans un mot.
Seule avec Ava, Sarah pose doucement sa main sur la sienne pour attirer son attention.
— Maintenant que nous sommes en privé, j’aimerais que tu me dises comment tu peux connaître mon nom alors que personne ne l’a prononcé ne serait-ce qu’une seule fois depuis notre rencontre ce matin dans le train ?
Le sourire accroché aux lèvres d’Ava disparaît suite à la question. À sa place, une expression sérieuse vient plutôt figer les traits de l’adolescente.
— Je te promets de t’expliquer, mais pas maintenant. Cela va te paraître étrange, mais nous ne sommes pas seules.
Cette fois, c'est le visage de Sarah qui se fige dans une expression combinant l'interrogation et la peur qui prend naissance en elle.
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Lyaure
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La Plume d'Ellen
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