Jeanne F. LA MULE ET LE HERISSON LA CHINE (4)

LA CHINE (4)

- Vous êtes marié ?


Je le sens contrarié.


- Non, plus à l’heure actuelle, je suis divorcée et heureuse de l’être.


Il se cale sur sa chaise, prend son verre, le porte à ses lèvres tout en me fixant intensément.


- Mariage malheureux ?


J’hésite, je ne suis pas encore prête à en parler, surtout à lui. Mais, je ne sais pas si c’est la fatigue ou bien le vin qui me donne envie de me confier, de sortir hors de moi cette peur qui m’habite en permanence.


Jusqu’à aujourd’hui, seuls mes parents sont au courant. Ils ont toujours été là, et celui-là a été une gifle magistrale dans leur vie tranquille. Depuis, ils me surveillent, me protègent de tout, et même de moi.

J’aimerai, pouvoir en parler sans avoir les images devant les yeux, sans avoir cette impression d’étouffer et surtout arriver à ne plus pleurer à l’évocation de cette période de ma vie.


Je prends mon verre, le porte à mes lèvres. Il me fixe une lueur étrange dans le regard. C’est la première fois que je le vois s’intéresser à moi, pas pour ordonner, juste pour communiquer avec moi, un autre être humain, pas un vase dont on ne se rappelle plus le nom.


- On peut dire cela, comme ça. J’ai dû tirer le mauvais numéro, ce jour-là.


Il me fixe toujours, sans émettre le moindre mot. Il me met mal à l’aise. Je n’ai pas l’habitude qu’il s’intéresse vraiment à moi et cela me perturbe.


- Vous n’aimez pas en parler ?


- Non, je préfère éviter.


Il pousse un soupir.


- Ok, parlons d’autre chose, alors. Quelle est votre position favorite ?


Je suis un peu perdue, il saute trop brusquement d’un sujet à l’autre.


- Heu ! Quelle position ?


Il lève les yeux aux ciel et souffle de désespoir.


- D’après vous ? Votre position favorite au lit, avec un homme ou bien une femme. Je ne sais pas moi.

J’ouvre la bouche, mon verre, toujours dans une main et l’autre qui retombe sur la table dans un bruit sec.


- Une femme ?


Il repose son verre, croise les bras sur sa poitrine et me fixe comme si j’étais une demeurée.


- Je vous parle de sexe jeune fille. Bitte, chatte, moule, queue, vulve, quéquette et j’en passe.


Un sentiment, que je reconnais commence à monter en moi. Il est souvent associé à cette face de « petite nouille » assise juste devant moi : la colère.


- Je ne parlerais pas de sexe avec vous. Vous êtes mon patron, et hors de question d’aborder ce sujet.


Je reste calme et posée, mais ferme.


- Vous êtes un peu coincée du derrière quand même. Vous n’assumez pas votre sexualité. Ou bien, n’en avez-vous pas ? Vous aimez les femmes ?


Il insiste en plus. C’est un dégénéré ce type.


- Non, je n’aime pas les femmes et je ne suis pas coincée !


- Vous aimez les hommes alors !


- Non plus.


Il porte la main à sa bouche l’air horrifié.


- Vous êtes zoophile ?


Je manque un battement de cœur et mon verre tombe sur la table en rependant son contenu sur la jolie nappe blanche. Je n’y fais même pas cas.


- Vous avez un problème, ma parole !


Je me lève dans un état proche de l’hystérie.


- Je ne parlerais pas de ma vie sexuelle avec vous. Point final.


Il dodeline de la tête l’air déçu.


- Dommage, j’avais parié avec Ralph que vous aimiez les garçons et lui que vous aimiez, les filles.


- N’importe quoi ! Je n’aime ni l’un ni l’autre, j’ai fait une croix sur ce genre de distraction. Je suis bien mieux toute seule.


Il hoche la tête, l’air très sérieux.


- Oui, je comprends, vous vous satisfaisait toute seule, c’est plus simple, je vous l’accorde, néanmoins, un corps à corps ce n’est pas mal aussi. Vous devriez essayer.


Essayer le corps à corps ? Je crois que pour cela, j’ai assez donné. Les marques sur mon corps sont là pour me le rappeler.


- Vous le faites exprès de m’énerver ? J’ai l’impression que c’est devenu votre jeu favori !


À ces mots, il arbore un sourire éclatant.


- Je dois reconnaitre que j’aime vous faire sortir de vos gonds. Vous partez au quart de tour. C’est assez divertissant en soi.


Je lève les bras au ciel, et grogne de désespoir.


- Vous êtes impossible. Je vais me coucher.


Je me retourne et commence à partir, direction, ma chambre. Mais monsieur "petite nouille", n’en a pas fini avec moi apparemment.


- N’oubliez pas de vider ma valise et ranger la cuisine, c’est le bazar ici. Vous mangez comme une petite cochonne.


Stop, arrêt sur image. Je le tue maintenant ou j’attends ma première paie ? Je me retourne brusquement et le foudroie du regard.


- Vous vous fichez de moi ?


Il se lève nonchalamment, pose sa serviette sur le côté de son assiette.


- Vous m’apporterez le dessert et un café dans le bureau. Je vais finir d’étudier certains dossiers, le temps que vous finissiez de ranger. Après vous pourrez aller dormir un peu. Et n’oubliez pas mon petit déjeuner demain matin.


Je suis abasourdie, il est fou, c’est définitif.


Une fois seule, je reprends vie et constate qu’effectivement, j’ai mangé comme une sauvage. Je range la cuisine, prend le dessert de monsieur, un café et me dirige vers le bureau. Je pousse la porte et le vois affalé tout de travers sur un canapé, son ordinateur portable sur les genoux et sa tête posé sur un coussin dans un angle pas normal du tout. Il dort ce petit trou de troll. Je pose mon plateau sur le bureau et m’apprête à le réveiller. Quand une idée de génie ma percute le cerveau. Tout en ricanant, je m’approche de lui, je prends délicatement l’ordinateur, et sans faire de bruit le pose sur le bureau. Je reprends mon plateau, sors de la pièce en éteignant les lumières et me dirige vers la cuisine.


Je cherche la pharmacie, et quant je la trouve, ricane de plaisir. Une demi-heure plus tard, tout est en place. Les affaires de monsieur sont rangées à leurs places, le petit déjeuner sur la table attend sagement que l’on vienne le déguster. J’y ai rajouté un doliprane et une crème pour les courbatures, avec un petit mot.


« Je me suis couchée à quatre heures du matin, donc, ne pas me réveiller avant onze heures, comme stipulé dans mon contrat. Je vous laisse de quoi soigner vos courbatures, en espérant que vos vieux os se soient adaptés au canapé et à la position improbable que votre corps a prise en s’endormant. Je vous souhaite une bonne journée.


PS : Vos affaires sont dans leur placard. Si vous avez besoin que je vous lace les souliers, il va falloir attendre un peu, je ne reprends le travail qu’à onze heures, comme indiqué précédemment. »


Je suis persuadée qu’il va râler de ne pas pouvoir me donner d’ordre dès son réveil. Et j’espère sincèrement qu’il aura des courbatures dans tout le corps, je veux le voir souffrir !


Ho, mon Dieu, je suis une psychopathe. Il faut vraiment que j’aille me coucher, cette journée n’a pas l’air de vouloir finir.

Tu as aimé ce chapitre ?

7 commentaires

FeizaBabouche

-

Il y a 7 ans

Trop facile j'ai l'impression lol mais tellement drôle et sadique haha

Caro Handon

-

Il y a 7 ans

Oh bon sang, c’est un régal ! :D

WadeWilla

-

Il y a 7 ans

Trop forte ! ^^

Anna montale

-

Il y a 7 ans

elle est géniale !

Alyana Astrin

-

Il y a 7 ans

Je m'éclate à lire ton histoire xP

Catherine kakine

-

Il y a 7 ans

Mdr... La vengeance est un at qui se mange froid

Sophie Toddie

-

Il y a 7 ans

À sa place, je ne crierai pas victoire trop tôt. Ça m’étonnerait qu’il attende sagement onze heures pour la réveiller :)
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.