Jeanne F. LA MULE ET LE HERISSON LA CHINE 5

LA CHINE 5

Il y a de la lumière partout autour de moi, des petites boules de toutes les couleurs, c’est magnifique. Je tends la main pour en saisir une, elles me fascinent et m’apaisent. Les petites boules de couleurs s’éparpillent autour de moi, elles ne veulent pas que je les attrape, je suis frustrée. Je veux en toucher une, sentir le velouté sous mes doigts, la douceur qu’elles dégagent, je veux la capturer.


Mais à la place, des percées noires apparaissent, elles m’angoissent. Je fixe ces petites bulles qui s’éloignent petit à petit de moi, et j’essaie de les retenir. Je ne veux pas que le noir m’engloutisse.


Puis, un son lointain, un grondement, fait exploser toutes les couleurs en un arc-en-ciel magnifique. Je suis là, ébahi devant tant de beauté.


Mais, quelque chose me perturbe toujours. Le grondement devient une sonnerie stridente. J’essaie de voir d’où elle peut bien venir, pour l’arrêter, mais le néant m’engloutit, je suffoque, j’ouvre la bouche pour respirer, il me faut de l’air, je vais mourir !


Mes yeux s’ouvrent brusquement, devant moi des murs blancs, un cadre bariolé de noir et jaune que je ne reconnais pas. L’air, enfin, entre dans mes poumons. Je tourne la tête et essaie de retrouver toutes les couleurs qui m’apaisaient. Mais rien, juste cette fenêtre et en face une porte.


Je suis dans une chambre inconnue, avec cette sensation de malaise. Quelque chose me perturbe, un bruit qui vient de mon portable.


Je pose une main sur mon cœur qui bat à une vitesse folle et essaie de reprendre le contrôle de la situation. Les couleurs, le néant c'était un rêve. La chambre et la sonnerie du téléphone un cauchemar. Puis des flashs, la chine, le voyage, Arthur la « petite nouille ».


Je tends la main vers ce satané bruit et d’une voix tremblante je réponds.


- Oui.


- Oh, vous êtes réveillé ? Je pensais que vous dormiriez, j’allais vous laisser un message.


La réalité vient me percuter de plein fouet. Cette voix de malheur, je la connais. J’éloigne mon téléphone et vois son nom en gros et gras « petite nouille », il a essayé de m’appeler six fois !


- Quoi ? Pourquoi n’avez-vous pas laissé un message, au lieu de me réveiller à huit heures trente du matin ?


Je l’entends qui râle après quelqu’un, puis il revient à notre conversation.


- J’allais vous laisser un message, mais vous avez décroché avant.


Il m’énerve de bon matin, cela n’est vraiment pas malin.


- Vous vous moquez de moi ? Vous avez essayé de m’appeler six fois !


- Non !


- Si, je le vois sur mon téléphone. Arrêté de me prendre pour une idiote. J’espère que vous avez pris votre pied en me réveillant si tôt !


Il ricane ce petit pervers, se fiche ouvertement de moi.


- Et cela vous fait rire en plus ? Vous êtes où, je vais venir vous parler du pays moi !


Il rigole de plus belle.


- Je bosse, moi ! Je ne dors pas.


- Non, mais vous êtes d’un gonflé. Qui est-ce qui dormait hier soir, pendant que je rangeai ses petites affaires ?


Je l’entends grogner.


- Vous m’avez laissé dormir sur un canapé, résultat, j’ai mal partout à cause de vous.


Il m’a tellement énervé que je n’arrive pas à trouver mes pantoufles. Je sors du lit pieds nus.


- De ma faute ? Vous plaisantez ? Vous vous êtes endormi tout seul. Je ne suis pas votre nounou, je ne suis pas censée vous porter dans votre lit et vous border !


- Vous auriez dû, résultat des courses, j’ai été obligé de vous réveillez ce matin.


Mais, quelle mauvaise fois ce type, je vais l’étrangler. Je rentre dans la cuisine comme un taureau fou.


- Pourquoi m’appelez-vous ? À part pour me mettre en colère.


Je le sens se radoucir.


- Je vous ai fait une liste de tout ce que vous deviez faire aujourd’hui.


Effectivement, une feuille trône au beau milieu de la table du salon. La liste est écrite en rouge vif. Je la saisis et commence à lire.


1 – Penser à faire les courses, je ne mange pas chinois tout les jours (vous connaissez mes goûts), débrouillez-vous.

2 – Apporter mes costumes au pressing pour repassage (vous avez trop tardé à les déballer de la valise, ils sont tous froissés). Débrouillez-vous pour que je les aie ce soir dernier délai.

3 – Soyez prête pour 12 H 30 Ralph viendra vous cherchez, vous mangez avec moi (tenue correcte exigée et les retards ne sont pas tolérés).

4 – Cet après-midi, vous me trouverez du thé (du vrai) pour ma mère. Débrouillez-vous pour ne pas me ramener un truc du supermarché local, et surtout pour que cela lui plaise !

5 – Retranscrire les réunions de la journée (je vous fais parvenir le tout par mail, j’en ai besoin ce soir)

6 – Surtout, restez à ma disposition, donc votre téléphone doit être greffé à votre oreille.


PS Je vous laisse une carte pour régler le thé et les courses. Gardez les tickets, je vérifierai ce soir, vos dépenses.


Mais quel con ce type !


- Vous vous fichez de moi ? Vous voulez que j’aille faire des courses, alors que je ne connais pas la ville et surtout je ne parle pas un mot de chinois ! Je fais comment moi ?


- Je me fiche du comment et du pourquoi, vous vous débrouillez, et bon sang apprenez le cantonnais !


J’ouvre la bouche pour lui crier dessus, mais un bip m’arrête. Il a raccroché ce fumier. Je recompose son numéro, mais bien sûr je bascule directement sur sa messagerie.


Ce type est un fléau pour les syndicalistes.


La liste dans une main et le téléphone dans l’autre, je me sens un peu perdue et mon cerveau ne sait plus quoi faire.


Bon, dans un premier temps, je me nourris, après je me prépare et ensuite je ne sais pas, mais je trouverais bien d’ici là.


Devant l’évier, je grimace, comme à son habitude, il ne connait pas le lave-vaisselle. Je range tout en préparant mon café, je croque dans un croissant et respire à fond le regard perdu dans la brume de la ville. Je me calme petit à petit devant le panoramique.


Bon, premièrement, je vais descendre à la réception pour leur demander de l’aide. Ils doivent bien connaitre un magasin ou deux de nourriture occidentale ? Pour le thé idem, et le pressing, ils doivent avoir un service ou bien j’achète un fer à repasser, nous sommes dans le pays du made in china, non ? De toute façon, je n’ai que cette solution, je ne connais personne ici.


Après avoir résolu mes épineux problèmes de logistique, une pensée me traverse l’esprit : mes parents. Il faut que je les prévienne que je ne suis plus tout à fait sur le sol français. S’ils viennent à me chercher et ne me trouvent pas à ma place habituelle, ils vont déclencher le plan épervier.


Je prends mon téléphone et m’apprête à y passer minimum une demi-heure, chacun j’entends, donc ce qu’il fait une heure au total. Gros, gros, gros soupirs de désespoir. La voix hystérique de ma mère m’enfonce un peu plus dans le trou qu’est ma vie en ce moment.


- Ma chérie, comment vas-tu ?


J’ai un sourire crispé sur les lèvres.


- Bien, maman, et toi ?


- Ho, comme une petite vieille. Que me racontes-tu aujourd’hui ? Ton satané employeur a encore semé des capotes partout dans l’appartement ?

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2 commentaires

WadeWilla

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Il y a 7 ans

Ouh il m'agace petite nouille. Venge-toi, alleeezz

FeizaBabouche

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Il y a 7 ans

Nan mais il confond bonne et assistante lui ! En tout cas ce petit je du chat et du chien est très divertissant ^^
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