Jeanne F. LA MULE ET LE HERISSON LA CHINE (3)

LA CHINE (3)

Hong-kong de nuit est magique, comme toutes les villes modernes elle ne dort jamais. La ville grouille même à deux heures du matin. Les buildings sont immenses, et la lumière y est aveuglante. De la voiture, je ne vois pas grand-chose, mais pour l’instant cela me suffit. Je suis le nez collé à la vitre et la bouche grande ouverte. Petite nouille, me jette des regards en coin, ébahi par mon comportement.


- Eh ! regardez, la baie est magnifique.


Nouveau soupir, et toujours la même réponse.


- Je sais, je connais.


Il est en train de relire la retranscription que j’ai faite dans l’avion, il a le sourcil froncé qui m’indique que cela le perturbe.


- Eh ! regardez, les immeubles sont immenses et tout éclairés.


- Je sais, je connais.


Je me tourne vers lui, dépitée par son comportement.


- Vous, vous connaissez, mais moi non, c’est magnifique !


- Si vous le dites !


- Oui, je le dis, cela vous arrive de regarder ce qu’il y a autour de vous ?


Il me répond sans lever la tête du dossier.


- Pas le temps !


N’importe quoi, pour sauter ses poufs, il le prend bien, le temps. Je décide de le laisser bouder et me concentre sur le paysage. Le sourire me revient et ne me quitte plus jusqu’à ce que nous arrivions à notre hôtel. D’ailleurs, je suis le nez contre les baies immenses qui entourent l’appartement.


Monsieur ronchon est allé, directement dans sa chambre, et j’entends l’eau couler. Je devrais moi aussi me changer. Une bonne douche me ferait le plus grand bien.


Je laisse à regret cette vue magnifique et me dirige vers ma chambre. En fait, cela s’apparente plus à un appartement qu’à une chambre d’hôtel. Il y a même une petite cuisine, une salle à manger et un salon.


Dans la chambre, ma valise posée sur le lit m’appelle, il faut que je la vide, sinon toutes mes affaires seront froissées.


Je les range, puis passe sous la douche. Après une demi-heure de détente, je suis en mode décontractée, jean et tee-shirt. Un coup à la porte me fait sursauter.


- Vous avez fini ? J’ai faim.


Monsieur à faim ? Et qu’est ce que j’y peux moi ? Je lui réponds sans ouvrir la porte.


- Vous êtes assez grand pour vous nourrir tout seul, quand même, je ne vais pas vous donner la becquet.


Je n’ai pas fini ma phrase que la porte s’ouvre en grand.


- J’ai faim, préparez-moi un truc à manger !


Il est gonflé, il croit que je suis magicienne ? Que ma valise est pleine de provisions ?


- Vous plaisantez ? Vous n’avez qu’à aller au mac do. Je n’ai pas apporté à manger dans ma valise.


Il croise ses bras, écarte les jambes, il est prêt au combat, ou bien à faire le ménage. Il ressemble à M. Propre dans cette position. Surtout dans son tee-shirt blanc moulant.


- Le frigo de la cuisine est plein, servez-vous et faite moi à manger.


Son ordre ne me plait pas du tout. Je me mets en position, moi aussi, bras croisés, jambes écartées.


- Demandez-moi le plus gentiment, je ne suis pas votre boniche.


- Quoi ?


J’ai l’impression qu’il me cherche des poux dans la tête.


- Vous travaillez pour moi, alors vous vous exécutez !


- Je travaille pour vous, mais au risque de me répéter, vous me le demandez plus gentiment. Je ne suis pas votre chose.


Je l’entends qui soupire.


- Agathe, il est trois heures du matin, je suis fatigué, je me lève dans cinq heures et j’ai la dalle. Alors, faites à manger que je puisse aller me coucher !


- Je reste sur mes positions et attends la suite. J’insiste du regard et il finit par lâcher.


- S’il vous plait.


Je hoche la tête, me détends légèrement.


- Je vais faire à manger, parce que moi aussi j’ai faim. Mais je vous signale que faire à manger n’est absolument pas dans mes nouvelles attributions.


Je le vois qui me sourit, une lueur de victoire sur sa face de petite nouille.


- Ma belle, sachez que je viens de signer votre contrat. Vous êtes à moi, je peux vous demander tout ce que je veux pendant vos heures de travail. Donc, pour l’instant j’ai faim. Vous êtes mon assistante, alors, assistez-moi, faite à manger !


Et il se retourne pour disparaitre, en me laissant sans voix. Il n’a pas tort le petit cloporte. J’aurais dû le spécifier, pas de tâche ménagère. Je n’ai pas été à la hauteur sur ce coup.


Vingt minutes plus tard et un risotto au fromage de préparés, je m’installe à la cuisine, pour moi aussi, manger dans le calme et la sérénité. Je lui ai mis la table dans l’immense salle à manger et je suis allée l’avertir que son repas l’attendait bien au chaud.


La fatigue commence à me tomber dessus et il me tarde de passer en position horizontale.


Mes fesses confortablement installées sur le tabouret de la cuisine, je plonge ma fourchette dans l’assiette chaude devant moi. Qui m’aurait dit ce matin que je mangerais un risotto avec une vue pareille. Il va falloir que je prévienne mes parents que j’ai quitté le sol français quand même !


- J’ai la peste ?


Je sursaute, et vois arriver, monsieur "petite nouille", son assiette à la main son verre et la bouteille de vin dans l’autre. Il s’installe en face de moi, un air boudeur sur le visage.


- D’habitude vous mangez tout seul à l’appartement.


- Oui, parce que vous mangez dans votre appartement. Mais là, nous sommes à quelques mètres, c’est ridicule.


Je hausse les épaules.


- C’est comme vous voulez, Monsieur.


Il tend sa fourchette et la secoue sous mon nez.


- Exact, c’est comme je veux. D’ailleurs, pour demain, vous devez être prête à partir pour huit heures trente, nous avons rendez-vous à neuf heures. N’oubliez pas de me préparer mon petit déjeuner aussi. Nous avons un repas avec nos collaborateurs chinois à midi, j’espère que vous aimez la cuisine chinoise ?


- Je dois venir aussi ? Je vais vous servir à quoi ?


Il lève les yeux au ciel.


- Vous êtes mon ombre, j’ai besoin de vous, pour m’assister, si je vous demande de contacter un de mes collaborateurs, vous le faites, si je vous demande de prendre rendez-vous quelque part, vous le faites. Vous aurez en charges mes affaires, je dois avoir les mains et l’esprit libre afin de négocier ce contrat.


Ce travail ne me plait définitivement pas du tout.


- Je pense que cela ne va pas le faire. Ce travail ne me dit rien qui vaille. Je préféré le précédent, celui ou je ne vous voyez pas aussi souvent et surtout celui ou je restais au même endroit toute la journée.


- Vous préférez votre ancien travail ? Je vous offre l’opportunité d’évoluer dans votre travail et vous, vous voulez retourner à récurer mes chiottes ?


Je n’aime pas le ton de sa voix ni sa façon de résumer la situation.


- Oui, je préférerais.


Il me fixe un peu perdu.


- Vous n’avez pas d’ambition ?


- Non, pas du tout. Je veux ma vie tranquille d’avant.


- N’importe quoi. Et d’ailleurs, une petite question, vous avez fait du très bon boulot, la retranscription de la réunion était parfaite. Vous faisiez quoi avant de travailler pour moi ? Sur votre CV cela n’est pas indiqué.


J’hésite, je n’aime pas parler de cette période de ma vie.


- Je travaillais pour mon mari.

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3 commentaires

FeizaBabouche

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Il y a 7 ans

Petite nouille veut de la compagnie hehe ^^ Le mari. Ça sent l'expérience douloureuse

WadeWilla

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Il y a 7 ans

Oh ça sent le souvenir douloureux

Catherine kakine

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Il y a 7 ans

Ouille ... La pauvre..
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