Fyctia

Julia

Clara se tenait là, un peu décontenancée, ses mains crispées sur le bord du lavabo. Son reflet dans le miroir trahissait une surprise mêlée d’une pointe de nervosité :

« C’est étrange de vous voir ici,” murmura-t-elle, en retournant, sa voix à peine audible au-dessus du goutte-à-goutte régulier du robinet. Je lui offris un sourire rassurant, espérant apaiser l’atmosphère.

« Oui, c’est vrai, inattendue ” répondis-je doucement, “mais, comme tout le monde, j’ai une existence au-delà des murs de l’école.”

Un silence s’installa, pendant lequel le seul son était celui de nos respirations et du robinet qui fuyait, comme si le temps lui-même avait pris une pause, suspendu dans l’air humide des toilettes.

Clara, avec sa beauté naturelle et sa présence troublante, a l’air gênée. La proximité soudaine, le fait de la revoir si près, cela me perturbe plus que je ne l’aurais imaginé. Peut-être est-ce la surprise de la rencontre, ou peut-être quelque chose de plus profond qui me pousse à réagir ainsi. Mais le résultat est inévitable : ma présence semble la pousser à la fuite. Elle quitte précipitamment les toilettes, me laissant seule avec un simple “bonsoir” et le souvenir de notre brève interaction.

C’est foutu, cette attraction est unilatérale. Elle m'attire comme la lune attire la marée, mais elle me fuit comme l'ombre fuit la lumière. Pourtant, au plus profond de moi, une petite voix insiste que je ne la laisse pas indifférente. C'est cette même voix qui me pousse à persévérer, à chercher dans son comportement la moindre preuve que je ne suis pas seul dans cette valse des cœurs.

Mais le doute s'insinue, rampant et froid, me faisant questionner chaque interaction, chaque conversation manquée. Est-ce que Clara ressent la même chose ? Est-ce que son cœur bat à un rythme différent quand je suis tout près d’elle ? Ou est-ce que je ne serai qu'un chapitre de plus dans son livre de vie, destiné à être tourné et oublié ?

Le récit n'est pas encore terminé, et peut-être que le prochain chapitre révélera les sentiments cachés, les désirs tus. Peut-être qu'un jour, Clara et moi trouverons le courage de laisser tomber les masques et de révéler la vérité de nos cœurs. Je divague, j’espère toujours et encore, pourtant j’ai été souvent échaudée.

Clara

J’ajustais ma robe devant le miroir et mis mon manteau. Marie, ma complice de toujours, m’attendait dans la embrasure de la porte d’entrée tandis que les deux hommes patientaient dans la voiture. Elle me promettait une soirée mémorable dans ce restaurant espagnol et me parle aussi de Paul, connu pour son charme et quelque peu insistant. Cela ne me rassura pas du tout.

Le restaurant, baigné dans une lumière tamisée, créait une atmosphère intime et chaleureuse. Les rires fusaient, les anecdotes s’entremêlaient, et les plats délicats se succédaient. Paul, pendant tout le trajet ne manqua pas une occasion de me lancer des compliments appuyés, espérant capter mon attention.

Mal à l’aise, j’esquive habilement ses avances, préférant me concentrer sur la conversation générale. Je n’apprécie guère ses tentatives de séduction, ni son bras posé sur mon dossier, trouvant refuge dans l’humour et la complicité de Marie. La soirée se poursuit, et avec tact et finesse, je parviens à maintenir une distance polie avec Paul, essayant de profiter pleinement du moment présent.

Le restaurant résonnait des rires et des conversations animées quand soudain, la porte s’ouvrit sur Julia et sa joyeuse bande d’amies. Je sentit mon cœur s’accélérer. Julia, avec son sourire radieux et son allure confiante.

Je suis là, assis à une table du restaurant. Dès que nos regards se croisent, mon cœur s’emballe. Elle est la femme qui occupe mes pensées, celle qui me fait sourire sans raison. Mais ce soir, je ne suis pas seule. À mes côtés, un homme. Je crains que Julia interprète mal cette compagnie.

Je sens une vague d’émotion me submerger, un mélange d’excitation et de gêne. Julia pourrait penser que je suis en couple, que mon cœur est pris, alors que la vérité est tout autre. Je m’aperçois qu’elle m’émeut plus que je ne veux l’admettre. Elle est celle que je désire. Pourtant c’est le bel homme à mes côté qui devrait me troubler. Je dois admettre que ce n’est pas le cas.

Julia traverse la salle avec une aisance naturelle, son regard balayant brièvement la table où je suis assis. Elle offre un “bonsoir” éphémère, sa voix se mêlant au brouhaha ambiant. Sa présence est aussi brève que son salut; elle rejoint rapidement le cercle de ses amies, où les rires fusent comme des éclats de joie contagieuse. Je lui rends son salut, ma réponse timide se perdant presque dans l’air chargé de conversations.

Son indifférence me blesse plus que de raison. Par quel obscure dessein la vie me fait-elle ce cadeau empoisonné ?

J’ai toujours marché sur une route droite et prévisible, pavée de certitudes et de normes. Hétéro par définition, par choix, par nature, je croyais connaître le chemin de mon cœur.

Mais la vie, dans son infinie sagesse, aime à jouer de ses tours. Elle m’a présenté un cadeau, un joyau enveloppé de mystère et d’interdit. Une femme, éblouissante, qui a fait vaciller toutes mes convictions.

L’atmosphère est lourde, presque palpable, alors que Paul continue de parler. Chaque mot qu’il prononce semble peser sur mes épaules, et marie est trop occupée avec Michel ne semble pas voir ma détresse. Cela m’oblige à prendre une décision. Je me lève, prétextant le besoin de me rendre aux toilettes, mais la vérité, c’est que j’ai besoin d’un moment pour moi.

Je me faufile entre les tables, mon regard évitant soigneusement celui de Julia. Elle plaisante avec ses amies dont l’une d’elle est très tactile. Mon estomac me fait mal. Pourtant, quelque chose en elle m’attire irrésistiblement, comme un aimant. C’est une force inexplicable qui me pousse à me lever, à passer devant elle, à ressentir cette tension étrange.

Dans l’intimité des toilettes, je me fais face dans le miroir, cherchant des réponses dans mon propre reflet. “Pourquoi? Pourquoi cette femme a-t-elle un tel effet sur moi?” Je ne comprends pas. Je ne suis pas attirée par les femmes… du moins, c’est ce que je croyais jusqu’à maintenant.

Soudain, la porte s’ouvre et Julia apparaît. Son regard croise le mien dans le miroir, et tout à coup, je suis submergée par un flot d’émotions contradictoires. Je dois faire face à cette réalité troublante, à ces sentiments naissants que je ne peux plus ignorer :

“Je ne m’attendais pas à vous voir ici,” dis-je, ma voix trahissant une pointe de nervosité. Elle sourit légèrement, un sourire qui semble dire qu’elle est juste une personne ordinaire, malgré son statut d’institutrice.

“Après tout, j’ai une vie en dehors de l’école,” répond-elle avec une simplicité désarmante.

« Oui en effet » dis je, en évitant son regard.

« Et ce bel homme à vos côté c’est votre ex mari, ose t’elle.

Je ne sais pas quoi dire seul un « non » sort de ma bouche. Je m’éclipse sur un « bonne soirée »