Fyctia
Chapitre 2
Julia
La matinée se déroule bien. Nous mangeons à midi à Châtain avec nos collègues et revenons à 13h20 pour accueillir nos élèves. L’après-midi passe vite aussi. Il faut toujours être active en classe et enchaîner les activités. 16h30, nous libérons nos élèves et les accompagnons à la barrière. Nous vérifions, surtout en début d’année, que les enfants repartent avec la personne prévue. M. Joubert, conseiller municipal et père d’un de nos élèves entre dans la cour pour nous faire la bise. Il drague Elise depuis la fin de l’année dernière. Avec Angélique, on finit toujours par exploser de rire une fois qu’il est parti. Cette nouille d’Elise ne lui a pas fait comprendre qu’elle avait un copain alors on la charrie. Tous nos élèves sont partis … non, pas Alexia. Je m’approche pour lui demander qui vient la chercher.
- C’est ma mère normalement. Mais elle est souvent en retard.
- D’accord. Eh bien ! je vais l’attendre avec toi.
Décidément, cette mère a l’air vraiment spéciale. Elle dépose sa gamine en trois secondes le matin et a déjà du retard pour la récupérer le premier jour. J’ai comme l’impression que ça ne va pas le faire avec cette famille-là ! Quinze minutes de retard déjà. Voyons voir ce qu’elle va me dire. Je reviens voir Elise. Angélique est déjà partie, il faut qu’elle récupère ses loulous à l’école. Je discute quelques minutes avec Elise dans la cour encore puis elle retourne dans sa classe.
Je regarde ma montre toutes les 30 secondes. Là je devrais être en train de remettre de l’ordre dans ma classe, de faire les affichages des premières notions révisées, de faire mon cahier-journal de la journée etc. Et je ne peux pas à cause de cette mère, ça m’agace.
La grosse voiture noire de ce matin arrive en trombe et se gare. Une femme en descend. Elle marche à vive allure et entre dans la cour. Je m’avance lui tend la main et lui dit bonjour. Elle me dit bonjour à son tour et me regarde. J’attends quelques secondes qu’elle me donne une explication mais rien, c’est un comble !
« J’ai attendu vingt-cinq minutes avec votre fille dans la cour. Je me permets de vous rappeler que l’école n’est pas une garderie.
- Ah parce que vous croyez que je prends l’école pour une garderie ? Je suis un peu en retard mais il n’y a pas de quoi en faire un drame ! Vous pensez que je me suis dit en me levant ce matin : « Tiens, si j’embêtais la maîtresse de ma fille aujourd’hui… je vais arriver en retard… ça devrait bien l’énerver ! Chouette !!! »
Je la regarde interloquée. Je ne peux pas la laisser me parler ainsi.
- Ça c’est la meilleure, c’est vous qui arrivez en retard et vous vous permettez de me parler sur ce ton ! On aura tout vu ! Je pense qu’entre adultes, on pourrait s’expliquer calmement sans que vous haussiez le ton et m’agressiez.
Elle s’apaise et répond plus calmement :
- Oui bien sûr… Excusez-moi…
Incroyable. D’un seul coup, elle s’est calmée et me regarde fixement.
- Excusez-moi encore. Viens Alexia, on y va. Dis au revoir à ta maîtresse. »
Je n’en reviens pas. Je reste abasourdie au milieu de la cour. Cette femme est vraiment bizarre. Elle m’incendie alors qu’elle est en tort et trois secondes après elle retrouve son calme et me parle comme si de rien n’était. Après la stupeur, la colère me reprend. Si elle recommence, elle va en entendre parler du pays, ça c’est sûr ! Pour qui elle se prend avec son air hautain, sa grosse voiture et son tailleur ! Le pire dans tout ça, c’est qu’elle est hautaine et classe, vraiment comme je les aime. Elle doit avoir 35 … 40ans et je dois dire que c’est une très belle femme.
Non ! mais Julia, tu divagues ma pauvre. Tu viens de t’engueuler avec, qu’est-ce qui te prend ? En plus, elle doit être mariée alors vraiment, n’importe quoi ma vieille.
CLARA
La journée se passe, j’ai beaucoup de travail. Je suis la seule en administratif. Entre les commandes, les devis, les factures, la compta et le téléphone, je ne peux pas dire que je m’ennuie. Je sors à 16H20, normalement. Mais aujourd’hui, les dieux ont dû m’abandonner, parce que des clients arrivent pour des devis. Et évidement, tous en fin de journée. L’heure défile. Il est 16H50 quand je sors du travail. Je suis en retard pour chercher Alex à l’école. Pourvu que sa maîtresse ne l’ait pas laissée toute seule ? pendant le trajet, j’imagine ma choupinette, toute seule dans le rue, en pleurs.
J’arrive à l’école, j’ai conduit vite, mais j’arrive sans encombre. La cour semble déserte. Mais je finis par apercevoir ma fille et son institutrice qui m’attendent. Je suis rassurée qu’Alex ne soit pas seule. Je marche vers elles rapidement. Elles se dirigent vers moi et je vois bien que la maîtresse n’est pas vraiment de bonne humeur. Je sens que ça va faire des étincelles.
En quelques secondes, nous sommes l’une en face de l’autre, elle me sert la main, un bonjour froid. Elle me sermone, cela fait vingt minutes qu’elle attend, que l’école n’est pas une garderie et qu’elle aimerait que cela ne se reproduise pas. Je sais que c’est de ma faute, mais bon, les impondérables, elle doit connaître ? Je ne l’ai pas fait exprès. Mais élève ajoute :
- Si tous les parents faisaient comme vous mais où irait-on ?
là je ne peux pas me taire, je suis fatiguée. Un flot de fausse ironie, de phrases qui sortent de ma bouche plus vite que je ne pense. Je sais qu'elle a raison en plus, et elle me le fait bien sentir. Je n’agis pas en adulte en l’agressant.
Cette phrase fait mouche, je m’aperçois en effet que j’y suis allée un peu fort. Je m’arrête tout d’un coup. Je l’observe, une jeune femme la trentaine, jolie malgré sa colère. Ses paroles me sortent de mes pensées :
« j’ai autre chose à faire que d’attendre et dorénavant j’aimerais que vous soyez à l’heure. »
Je reprends mon calme. Elle a raison, ce n’est pas de sa faute, de plus elle est restée avec Alex, pour m’attendre, elle a peut-être une famille, elle aussi ?
Je m’excuse, je n’aime pas être prise en défaut, un trait de caractère que je déplore mais on ne change pas comme ça. Je lui dis au revoir, je prends Alexia par la main, lui demande de dire au revoir à sa maîtresse. Nous partons en la laissant pantoise. arrivée à la voiture je me retourne une dernière fois et je la regarde rentrer dans sa classe, en pensant que je n’ai pas été très courtoise.
D’ailleurs Alexia ne se laisse pas prier pour me dire que je n’ai été pas très sympa avec sa maîtresse. Qu'elle l’aime bien et qu’elle est gentille d'être rester avec elle pour m’attendre. Et les chats ne faisant pas des chiens, elle ajoute que vraiment je n’aurais pas dû lui parler comme ça, que c’est de ma faute, et qu’à présent la maîtresse ne va plus l’apprécier.
Je m’en veux, Alex a raison. Mais quel caractère je peux avoir quelque fois ! J’essaie de la rassurer, et lui promets de ne plus être en retard et surtout de parler avec son institutrice.
1 commentaire
Laryna
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Il y a un an