Fyctia

St Neot, novembre 2024, présent

Le lendemain matin, alors que le soleil pointait timidement à l’horizon, Lévi se prépara à quitter le cottage. La petite chambre qui avait été leur refuge se vidait peu à peu de la quiétude partagée. Elena, encore affaiblie, observait son ami, un air anxieux sur le visage.

— Je suis prêt, finit par dire Lévi. Il me faudra moins de quarante minutes pour me rendre au prochain endroit, près de Kit Hill.

Ils échangèrent un regard rapide, chargé de compréhension, puis il tourna le dos. Elena savait qu’elle devait le laisser partir. Malgré tout, elle l’interpella avant qu’il n’arrive à la porte du cottage. Sa tête pivota, et elle attrapa sa main.

— Promets-moi d’être prudent, dit-elle d’une voix douce.

Elle se mit sur la pointe des pieds pour embrasser sa joue, à la commissure de ses lèvres. Sur le moment, ça lui avait semblé si naturel, il faut dire qu’elle en mourrait d’envie ces derniers jours. Quand bien même, réalisant ce qu’elle avait fait, elle recula d’un pas.

— Désolée, je ne sais pas ce que…

Lévi effaça l’espace entre eux, et sans hésiter, posa sa main sur la joue de la jeune femme pour déposer un délicat baiser sur ses lèvres.

— Je reviendrai, Elena. Je te le promets.

Elle opina, et leurs mains se séparèrent. Lévi laissa derrière lui le cottage qui avait été témoin de leurs moments hors du temps. Et Elena resta immobile pendant un long instant, la main sur la bouche, le cœur battant à déchirer sa poitrine.

Dehors, le froid mordait la peau du jeune homme, et cependant il prit quelques secondes pour observer le ciel, inspirant profondément. La réalité était dure et violente, il aurait voulu que les dernières heures ne s’arrêtent jamais. Il enfourcha tout de même sa moto, enfila son casque et démarra l’engin. S’il ne partait pas maintenant, il ne le ferait jamais.

À mi-chemin, la pluie s’invita au voyage, mais cela n’entacha pas la motivation de Lévi. Il avait hâte d’arriver pour découvrir l’endroit puis retrouver Elena au plus vite. Il espérait presque tomber sur son père une nouvelle fois. Seul, il arriverait peut-être à le raisonner.

Malgré le déluge, il roula rapidement et mit moins de temps que prévu à arriver à destination. Une fois sur place, un soleil timide l’accompagna, et il comprit pourquoi cet endroit s’appelait la Clairière Écarlate. Sur la plaine, à perte de vue, des sauges Rêve rouge persistaient malgré l’hiver qui arrivait. Il s’avança doucement, ses bottes touchant les fleurs mouillées par la rosée. Les rayons de soleil, qui se faisaient une place parmi les nuages, transperçaient les pétales des fleurs écarlates, les transformant en minuscules vitraux. Lévi pensa à Elena, elle aurait adoré voir ça.

À l’orée de la forêt, le jeune homme apercevait un bâtiment en pierre. C’était à l’opposée d’où il se trouvait actuellement, alors il accéléra sa marche, laissant sa moto derrière lui. Ce fut à pas de course qu’il arriva au milieu de la clairière, mais son élan fut stoppé par une racine qui s’était enroulée autour de son pied. Lévi regarda attentivement la souche, elle était d’un rouge éclatant.

— Merde !

Elles n’étaient pas des racines ordinaires, Lévi avait reconnu ces créatures souterraines qui se déplaçaient sous terre, surgissant pour enserrer leurs proies. Avant qu’il n’ait pu faire quoi que ce soit, son deuxième pied se faisait déjà immobiliser. Il claqua des doigts pour créer une petite flamme qu’il envoya sur les Racines cramoisies. Délivrant ses pieds, il se mit à courir rapidement, une nouvelle flamme prête à l’intérieur de sa main. Les créatures ne cessaient de tenter de l’attraper. Lévi réussissait habilement à en éviter certaines, puis brûlait les autres.

C’est essoufflé qu’il arriva devant la porte de la petite maison en pierre, tandis qu’une des souches le fit tomber au sol. Quand il prit appuie sur ses mains pour guetter une nouvelle salve, il n’y avait plus aucune trace des Racines cramoisies. Il se releva, mais sa tranquillité fut de courte durée, puisqu’il entendit un rugissement strident, comme une mélodie déstructurée. Lévi n’eut pas le temps de lever la tête qu’il sentit une vive douleur dans son épaule, tandis que ses pieds décollaient lentement du sol. Il poussa un grognement en voyant au-dessus de lui un Griffore, une chimère ailée, dotée de serres acérées et de plumes rouge vif.

(à suivre...)