Fyctia

Au petit matin, Elena se sentait beaucoup plus en forme, et était prête à affronter la mission qui les attendait. Ils prirent la route après avoir mangé un bon petit déjeuner préparé par Lévi. Il était un vrai cordon bleu, pour le plus grand plaisir d’Elena qui n’avait jamais trop apprécié cuisiner.

À l’arrière de la moto, toujours accrochée au jeune homme, Elena repensa à la nuit. Pendant le petit déjeuner, elle n’avait eu qu’une envie : demander à Lévi de lui en confier plus sur ses cauchemars. Mais elle respecta sa promesse de lui laisser tout le temps dont il avait besoin. Ces derniers jours à le côtoyer avaient créé quelque chose entre eux deux. Elena avait toujours du mal à comprendre quoi, mais elle ne pouvait nier se faire du souci pour lui.

Perdue dans ses pensées, elle n’avait pas remarqué que son pouce s’était mis machinalement à faire des mouvements de bas en haut, caressant lentement le torse de Lévi. Elle arrêta aussitôt, espérant que l’épaisseur de ses gants et du blouson du jeune homme ait suffi à masquer cet incident.

Il leur fallut une quarantaine de minutes pour rejoindre Port Isaac. Située sur la côte atlantique, la petite ville était célèbre pour ses pubs accueillants et son port animé. La moto arpenta les rues pavées sinueuses, descendant vers le port pittoresque. Ici, les maisons de pêcheurs aux façades colorées grimpaient en cascade sur les collines environnantes. Quand ils descendirent de la moto, l’océan s’étendait devant eux à perte de vue. Le duo trouva un petit chemin qui les mena au bord des côtes. L’accès était tortueux, Elena manqua de glisser plusieurs fois sur les roches humides et Lévi lui tendit la main pour la soutenir. C’est au bord des falaises qu’ils trouvèrent un puits en pierre, à l’abri des regards.

Alors que Lévi restait silencieux, en observant les environs avec une intense concentration, Elena examina le puits avec un mélange de fascination et d’appréhension. Elle scrutait les parois en pierre à la recherche d’indices qui pourraient leur en dire plus sur son utilité.

— Je ne vois rien de spécial autour, dit la jeune femme avant de regarder à l’intérieur du puits où elle ne vit que le noir intense d’un vide infini. Pourtant, j’ai l’impression de ressentir une énergie magique.

Lévi acquiesça, il discernait la même chose, l’atmosphère ici semblait électrique. Ses yeux fixaient l’océan, le vent marin fouettait son visage et l’odeur salée lui irritait les narines. Il était anxieux, cet endroit ne lui inspirait aucune confiance.

— Nous devrions y aller, dit-il. On cherchera à un autre endroit de la carte.

Il s’approcha de sa compagne de voyage, et lui fit signe de remonter vers le village.

— Alors c’est vrai. Mon propre fils s’est ligué contre moi.

Le duo se figea, près des falaises, la silhouette de Morbius Parkes se dessina lentement. Son regard était empreint d’une sagesse ancienne, même s’il n’avait aujourd’hui plus aucun attrait. Les années semblaient encore avoir pris possession de lui. Instinctivement, Lévi plaça sa main devant Elena, comme pour la protéger de la présence de son père qui s’avançait vers eux.

— Je ne voulais pas croire que tu faisais tout pour m’arrêter, fils, mais c’est donc toi qui s’est introduit au manoir.

Le jeune homme blond fronça les sourcils, la tension était palpable.

— Ce puits derrière vous est une source de magie, un pouvoir incommensurable, raconta Parkes senior. On m’a parlé de cet endroit et j’ai choisi d’y puiser une plus grande puissance.

Il s’approcha doucement d’eux, la longue cape noire qu’il portait sur les épaules touchait le sol derrière lui. Ses yeux avaient une couleur qui n’avait rien de naturel, sa peau était presque translucide et une quantité minime de cheveux parsemait son crâne.

— Cependant, cette magie à un prix. J’ai été obligée d’y laisser des parties de moi-même, de mon âme.

— Père, dit Lévi un écho de douleur dans sa voix.

— Mais, il n’y a plus rien. J’ai pris jusqu’à la dernière goutte de magie. Je venais ici pour la dernière fois. Quelle ne fut pas ma surprise de te voir arriver, avec elle.

Il était si proche qu’il posa une main sur l’épaule de son fils.

— Ce n’est pas la première fois que tu me déçois, Lévi. Mais, je sais que nous pouvons encore changer ça.

— Il n’y aura plus jamais de nous !

Lévi repoussa furieusement son père.

— Tu devrais arrêter tout ça. Ce pouvoir te dévore, je ne peux pas te laisser te détruire comme ça.

Morbius ricana, comme si cette possibilité était une folie. Comprenant qu’il ne pourrait trouver allégeance chez son fils, son visage se durcit, il recula d’un pas et leva la main, comme pour se mettre en garde.

— Nous n’avons pas besoin d’en arriver là, s’il te plait.

Mais Lévi dit aussi un pas en arrière, se préparant au combat. Il restait toujours devant Elena, offrant son corps en protection.

Soudain, les éléments se déchainèrent, les vagues se soulevèrent en furie et le ciel s’obscurcit. Morbius Parkes fit appel à une magie qu’Elena n’avait pas vue depuis longtemps, et elle ne savait pas si elle était toujours capable de la combattre à présent. Son cœur tambourina violemment dans sa poitrine, malgré la présence de Lévi près d’elle, elle prit peur. Son pouvoir s’était énormément amenuisé il y a cinq ans, affronter des vampires était une chose, mais la force de Parkes semblait bien plus dangereuse.

— Père, laisse-la partir, s’exclama Lévi en jetant un regard rapide à la jeune femme. Elle n’a rien à voir là-dedans.

Un rictus déforma les lèvres de Morbius. Aussitôt, Lévi tourna sa tête vers Elena, leurs yeux se croisèrent, et elle tendit la main vers lui. Il croisa ses doigts aux siens, et une barrière protectrice apparut immédiatement autour d’eux. Lié à Lévi, elle avait l’impression de retrouver sa magie, sa Lumière vive. Cependant, elle n’osa pas attaquer, elle avait toujours mis un point d’honneur à utiliser son pouvoir uniquement pour se défendre. Sauf si la situation l’exigeait. Mais il n’était pas question de blesser le père de Lévi, peut-être était-il encore possible de le sauver.

— Je ne veux pas te faire de mal, mon fils. Et malheureusement, je n’ai pas le temps de parler plus longuement avec toi, je suis attendu.

Une fumée noire commença à se former aux pieds du mage, comme s’il allait s’évaporer.

— Cependant…

Juste avant de disparaitre, il leva la main et un éclair violet en sortit, celui-ci sembla rebondir contre la barrière lumineuse. Les yeux de Lévi restèrent quelques secondes fixés à l’endroit où se tenait son père. Le cri d’Elena, près de lui, le sorti du maelström de ses pensées. Il ne comprit pas tout de suite ce qu’il s’était passé, il était certain que le sort de son père ne les avait pas atteints. Pourtant, il remarqua une percée dans la barrière magique, juste à l’endroit où se tenait Elena. Celle-ci s’effondra sur le sol, la main sur le ventre.

— Benson !

Il s’accroupit près d’elle, l’entoura de ses bras et sauta immédiatement vers le cottage.