Fyctia

Londres, décembre 2019, 5 ans auparavant

Le vent cinglant de l’hiver fouettait le visage d’Elena pendant qu’elle marchait le long de la rue pavée de Londres. La neige fraîche craquait sous ses bottes tandis qu’elle tournait au coin d’une rue. C’était les vacances de Noël, et les étudiants du Château avaient le choix de rentrer dans leur famille à cette période.

Elena était si heureuse de revoir ses parents après toutes ces semaines. Ils s’appelaient toutes les semaines au téléphone, mais c’était différent de se retrouver enfin dans la maison où elle a vécu depuis toujours. Ici, chaque coin et recoin semblaient murmurer des souvenirs, les murs écoutant ses pas et l’air embaumant ses rêves d’autrefois.

La veille de Noël, elle rentrait chez elle après s’être promenée dans les rues du marché pour acheter un cadeau à ses pères. Elle adorait, depuis toujours, se promener parmi les maisons de bois, acheter une tarte au mincemeat et profiter de cette ambiance de fête. C’est, d’ailleurs, en mordant dans un morceau de tarte qu’elle se dirigeait vers la maison familiale. Pourtant, malgré les souvenirs d’enfance qui remplissaient sa tête, Elena ne pouvait s’empêcher de ressentir une étrange inquiétude au fond d’elle.

Cette impression se fit de plus en plus présente, elle eut bientôt le sentiment de perdre quelque chose, une partie essentielle d’elle-même; sa magie. Celle-ci semblait s’estomper petit à petit, comme un voile sombre qui s’abattait sur elle.

Immédiatement, elle se remémora la discussion qu’elle avait eue avec le Professeur Loran quelques jours avant son départ.

— Leif Brack et ses ombres ont développé un nouveau moyen de créer la terreur et de perturber la magie, lui avait-il dit. En effet, il a été découvert plusieurs zones sans magie, des endroits où la magie disparaîtrait complètement, et où il semble impossible, pour le moment, de la rétablir. Ces zones agissent comme des aspirateurs magiques, absorbant la magie pour affaiblir notre communauté qui représente un danger pour eux, tout en amassant plus de puissance pour leurs sombres desseins.

Elena avait écouté attentivement, à la fois consciente de la menace et un peu perdue face à celle-ci. Des magiciens qui prennent plaisir à enlever la magie, elle n’aurait jamais cru cela possible. Elle n’avait jamais envisagé que la magie elle-même puisse être en danger.

Mais, là, elle pouvait le sentir, la magie qui coulait en elle depuis ces derniers mois s’amenuisait, comme si elle se dissolvait dans l’air froid de l’hiver londonien.

Elena prit une petite rue qu’elle connaissait bien pour rentrer chez elle, la rue était aussi déserte que la force magique en elle. Cette sensation ne la quittait pas, sa discussion avec le Professeur Loran tournait en boucle dans tête, ce qu’elle ressentait était-il vraiment un de ces trous noirs ?

Ses pensées furent interrompues par un bruit soudain derrière elle, et la jeune femme se retourna instinctivement pour faire face à un homme qui portait sur sa tête la capuche de son sweat noir. L’homme s'avança lentement, il avait un morceau de bois à la main.

Elena recula, elle n’avait jamais utilisé sa magie pour combattre, à part pendant les séances avec le Professeur Loran. Mais ça n’avait jamais été la réalité. De plus, elle ne savait même pas s’il restait de la magie en elle. Une boule se forma dans le creux de son ventre quand l’homme abaissa sa capuche, révélant un visage qu’elle avait vu une fois.

C’était le frère de Lévi.

Il ne disait rien, il approchait Elena lentement, son expression animée par la haine.

— Qu’est-ce que … tu me veux ?

Sa voix tremblait, elle aurait voulu faire preuve de plus de courage face à cette situation, mais il faut bien avouer qu’elle était terrifiée. Tous ses membres s’étaient glacés, et cette sensation de vide ne la quittait pas.

Le frère de Lévi ne répondit pas. Il leva la main qui tenait le morceau de bois, et Elena comprit que c’était une baguette magique. Les Mages n’en avaient habituellement pas, leur magie puisée, dans les éléments, sortait principalement de leurs mains. Mais en la voyant, Elena sut que c’était une arme, et pour la première fois de son existence, elle eut peur pour sa vie.

L’homme sauta sur Elena, et ils basculèrent en arrière. Le choc de son corps contre les pavés froids coupa le souffle de la jeune femme, elle regarda le frère de Lévi dans les yeux : ils étaient animés par une rage implacable. Il pointa sa baguette sur la gorge d’Elena, elle devina que la disparition soudaine de magie ne devait pas impacter l’homme, et un sourire se dessina lentement sur les lèvres de celui-ci.

— Je ne pensais pas que ça serait si facile, dit-il.

Sa voix était à la fois profonde, lasse et monotone. Elena sentit des larmes perler au coin de ses yeux, elle avait le sentiment que si elle n’agissait pas maintenant, ça serait la fin pour elle. Elle ferma les paupières et se concentra sur sa magie, sa main toucha le sol et elle caressa la neige de ses doigts. Une petite lueur s’alluma en elle, tout près de son cœur. Normalement, elle ressentait la magie arriver par ses doigts, mais là, elle la sentit venir de l’intérieur, comme si elle était prête à exploser.

Alors, que toutes les pensées d’Elena se focalisèrent sur un moyen de la protéger, une lueur éclatante apparut entre elle et l’homme. La lumière prit la forme d’un bouclier et éjecta le frère de Lévi quelques mètres plus loin.

La magie ruisselait en Elena comme un torrent, et lui donna la force de se relever. Elle fixait l’homme à terre qui était ébahi par ce qu’il venait de se passer, et avança vers lui.

Elena pensa Pourquoi m’a-t-il attaqué, si seulement je pouvais l'interroger, et une cage lumineuse émergea autour de son ennemi.

Le frère de Lévi se leva, et tournant sur lui-même, s’exclama :

— Non ! Non ! Comment as-tu fait ! Tu n’es pas censé avoir de la magie !

Il essaya de toucher un des barreaux de sa brillante cage, mais poussa un cri et enleva aussitôt sa main. Alors il tendit sa baguette en bois devant lui et un éclair rouge en sortit, mais s’évapora au contact de sa prison rayonnante.

— Pourquoi ? Demanda Elena.

L’homme la regarda, les yeux écarquillés puis la rage revint sur son visage et il cracha au sol avec une expression de défi.

— Tu ne sais rien du tout, Elena Benson. Dit-il en riant. Tu ne connais donc rien de la prophétie.

— De quoi tu parles ?

Elena avait hurlé, elle ne sentait plus le froid, tout était chaud en elle, la magie débordait.

— La prophétie dit que l'Élue libérera une énorme puissance magique. La Lumière vive.

Et sous le regard horrifié d’Elena, le frère de Lévi pointa sa baguette sur sa propre gorge, murmura quelque chose d’inaudible et tomba brutalement sur le sol.