Fyctia

Londres, octobre 2024, présent

Elena se promenait sans but dans un quartier calme, les rues de la ville s'étendaient sous le doux crépuscule, le soleil se couchait, les premières lumières de la nuit commençaient à percer, et la jeune femme réfléchissait aux événements de la veille. Elena était consciente que quelque chose avait changé en elle et elle ne pouvait pas ignorer l'envie de revoir Lévi. Elle se dit qu'elle pourrait peut-être l'aider, lui redonner goût à la vie, même si elle trouvait ça plutôt ironique vu qu’elle avait été prête à mettre fin à la sienne. Mais si au moins, cela pouvait redonner un peu de saveur à son quotidien.

Cependant, elle ne savait pas où le trouver, elle ne connaissait rien au monde du cinéma, ça faisait tellement d'années qu'elle vivait pour la communauté Mage maintenant. Et elle l'aimait plus que tout, faire le choix de devenir magicienne était la meilleure décision de sa vie, mais parfois son enfance non-mage lui manquait. Lors de son année au Château, elle a découvert la magie, mais elle a perdu son innocence et la réalité lui a montré un univers difficile, une vie pleine de dangers et d'obstacles. Toutefois, elle réalisait qu'elle aimait ça. Après la Bataille des Ombres, tout ce qu'elle désirait, c'était retrouver une vie paisible, mais maintenant, il fallait se rendre à l'évidence, elle s'ennuyait dans son quotidien. À la maison, elle était perdue dans une routine monotone et son travail à la boutique, bien qu’elle l’adorait, manquait parfois de sens pour elle comme si elle se sentait vouée à plus.

Et il y a Noah, elle l'aimait plus que tout, elle avait rêvé de leur histoire pendant longtemps, et les premières années après la bataille ont été un rêve mais rien de tout ça ne fut suffisant.

Ses pas la ramenèrent près du pont de la veille. Lévi était là (évidemment, c'est ce qu’elle espérait). Il n'avait pas l'air surpris de la voir.

_ Un petit plongeon, Benson ?

Elle lui sourit. Elle ressentit cette chaleur dans le creux de son ventre, plus vive et réconfortante que la veille, une douce brûlure qui envahissait tout son corps petit à petit jusqu'à la plonger dans une quiétude qu'elle n'avait pas ressenti depuis longtemps. Elle s'approcha de lui, toujours un léger sourire aux lèvres, elle avait oublié les gens qui marchaient autour d'elle, ses yeux ne voyaient que Lévi Parkes.

_ Qu'est-ce que tu me veux ? Souffla-t-il.

_ Tu es toujours aussi agréable.

Il leva les yeux au ciel, elle ne se laissa pas démonter. Elle n'avait pas pensé à la réaction du jeune homme, elle avait foncé tête baissée et ça ne lui ressemblait pas.

_ J'aimerais qu'on discute, dit-elle calmement. De ce qu'il s'est passé hier soir.

Parkes fronca les sourcils, il pourrait bien évidemment accepter, cette idée folle lui traversa l'esprit. Mais s'imaginer en train d'avoir une conversation avec Elena Benson paraissait invraisemblable, ils se sont toujours détestés. Oh bien sûr, Lévi n'avait jamais rien eu contre elle en réalité mais elle était d’une lignée de non-mages et il était un Parkes. Depuis sa plus tendre enfance, son père lui avait rabâché des histoires de lignées pures et impures, prenant soin de lui faire comprendre que sa généalogie serait toujours supérieure à n'importe qui. Et en bon petit soldat prétentieux qu'il était, il y avait cru.

_ Je n’ai rien à te dire.

Il répondit froidement, ses yeux évitant volontairement Elena. Il fit demi-tour, la jeune femme s'avanca rapidement vers lui pour le retenir, elle lui agrippa le bras et fut emportée dans un tourbillon. Quand le monde s'arrêta de tourner, elle lâcha le bras de Parkes et regarda rapidement autour d'elle, ils étaient dans une grande et sombre maison.

_ Tu as sauté ! Rugit-elle.

_ Je n'avais pas prévu que tu t'accroches à moi ! S'exclama-t-il.

_ C'est bien le problème ! Tu allais partir comme ça, sans que je…

_ Lévi.

Une troisième personne était là, ils étaient trop surpris de se retrouver ici tous les deux pour la remarquer plus tôt.

Un homme s'avança, les cheveux longs et blancs tombant comme des rideaux autour de son visage creux. Sa peau vitreuse lui donnait un air de fantôme et ses yeux semblaient briller dans l’obscurité.

_ Père.

Elena regarda Morbius Parkes avec une certaine stupéfaction. Le père de Lévi avait considérablement changé depuis la dernière fois qu'elle l'avait vu, lors de la Bataille des Ombres. Il avait maigri de manière alarmante, des cernes marquaient son visage, et il semblait avoir vieilli de plusieurs décennies en un laps de temps relativement court. Les lueurs orangées dans ses yeux le rendaient encore plus énigmatique.

Lévi Parkes, en revanche, se figea à la vue de son père. Une tension palpable régnait dans la pièce, et l'atmosphère était chargée de non-dits et d'émotions inexprimées.

Morbius Parkes brisa enfin le silence pesant. Sa voix était faible mais teintée d'une autorité incontestable, comme celle d'un patriarche.

_ Lévi, commença-t-il. Il est temps que nous ayons cette conversation.

Lévi Parkes garda le silence, mais ses yeux exprimaient à la fois de l'hostilité et la douleur. Elena était surprise de voir à quel point ces deux hommes semblaient être aux prises avec des sentiments profonds, c’était comme si le lien qui les reliait, bien qu'indestructible, s’était fragilisé et était devenu si fin qu’il n’en restait presque rien. Finalement, Lévi soupira, comme s'il avait accepté à contrecœur l'inévitabilité de la situation. Il se tourna vers Elena, et pour la première fois depuis leur rencontre, elle vit une vulnérabilité dans son regard.

_ Tu devrais partir, dit platement Lévi.

Et Elena ne s’y opposa pas. Même si elle désirait plus que tout lui parler, elle avait compris que ce n’était pas le moment; pas ici, pas comme ça. Alors ses yeux se plantèrent dans ceux du jeune homme, un regard qui voulait lui faire comprendre qu’elle partait, mais qu’elle n’en avait pas fini avec lui. La seconde suivante, elle était de retour sur le pont.