Fyctia
Chapitre 1.
Londres, octobre 2024, présent
C’était la fin de l’après-midi, une fine pluie tombait d’un ciel gris alors que quelques rayons de soleil tentaient de se faire une place. Elena Benson sortit d’une épicerie, elle avait encore acheté un de ces plats industriels dégoûtants pour le dîner de ce soir, cela faisait plusieurs semaines qu’elle n’avait pas cuisiné un vrai repas. Elle regarda l’arc-en-ciel qui s’était formé, un bijou qui surplombait Londres et pourtant elle n’arrivait pas à en saisir la beauté, elle n’arrivait plus à trouver l’éclat dans ce genre de choses à présent.
La jeune femme se volatilisa pour réapparaître dans la ville de Shepperton, à une trentaine de kilomètres de la Old Smoke*, et se dirigea vers un joli immeuble de briques rouges où le lierre s’était accroché. Il n’était pas rare de voir des gens se téléporter (ou sauter en langage mage) d’un endroit à un autre, car le monde était plein de magie. Littéralement ! De la vraie magie !
Depuis cinq ans, le monde avait dit oui à la magie, les magiciens et magiciennes tel que Elena n’avait plus besoin de se cacher. La magie était partout, belle, bienveillante et lumineuse.
Elena avait gardé une ancienne habitude de sa vie d’avant-mage de vouloir arriver chez elle par la rue plutôt que de sauter directement à l’intérieur de son logement.
Une fois dans son appartement, elle ne s’attarda pas dans l’entrée et déposa ses affaires sur le canapé gris puis fila à la salle de bain prendre une douche. Chose faite, elle réchauffa son plat en posant la main dessus et alla s'asseoir en tailleur sur le canapé en allumant la télévision. Encore un vestige de sa vie d’avant. Mais depuis que Noah était parti, l’écran bleuté était la seule chose qui donnait un peu de vie ici.
Noah était parti parce qu’Elena l’avait quitté, elle n’avait pas eu le choix de le laisser partir, elle ne pouvait plus le retenir plus longtemps. Le jeune homme avait toute la vie devant lui, il voulait avancer, il avait des projets plein la tête et désirait plus que tout fonder une famille. Mais Elena ne pouvait s’y résoudre, bien qu’elle eût cru un jour avoir les mêmes désirs, elle s’était perdue depuis quelques mois maintenant, comme l’impression d’errer sans but et sans possibilité d’un avenir meilleur.
Après la Bataille des Ombres, elle y avait pourtant cru, elle était optimiste mais cette sensation s’était vite évaporée. Elle avait laissé place à des pensées noires qui l’asphyxiaient, anéantissant tout échappatoire et enterrant le moindre éclat de lumière. Elle avait bien essayé de s’en dégager, elle avait vécu pendant des mois en ignorant ce qu’il se passait dans sa tête, elle avait essayé, encore et encore. En vain, elle ne pouvait supporter de faire semblant.
Elena Benson n’était plus heureuse, elle avait mis du temps à l’admettre mais elle le savait à présent et elle était convaincue que c’était inéluctable. Elle avait le sentiment que quelque chose la rongeait de l’intérieur, avançant en elle petit à petit jusqu’à ne plus rien laisser. Elle se perdait dans sa routine, écrasée par un quotidien sans saveur. La jeune femme savait qu’elle pouvait se battre, qu’elle n’avait qu’à se réveiller et faire bouger les choses, qu’elle pouvait reprendre en main sa vie pour lui redonner du goût. Mais elle n’arrivait plus à faire l’effort. Elle s’était perdue dans sa mélancolie.
***
Au milieu de la nuit, une jeune femme marchait dans French Street, elle venait de quitter son appartement et errait telle une somnambule, l’esprit embrumé, le corps engourdi. Les yeux gonflés, Elena s’égara de rues en rues, elle ne savait pas où elle allait, n’ayant même plus conscience qu’elle était là. Ses pas la menèrent sur un petit chemin bordé d’arbres puis sur le pont qui rejoignait la ville de Wallon-on-Thames. Elle venait souvent se promener ici avec Noah avant. Avant qu’elle ne sombre. Du temps où elle pouvait s’émerveiller de voir les rayons du soleil transpercer la cime des arbres ou contempler la rosée argentée sur une toile d’araignée. Ce temps d’avant où sa vie lui suffisait, où le quotidien paisible avec Noah était tout ce dont elle avait besoin. Elle avait changé et ça l’avait empli de culpabilité. Elle avait tout pour être heureuse alors comment en était-elle arrivée là ?
En une seconde, elle grimpa sur le parapet du pont. Elle contempla l’eau, l’infini, le vide, la fin. Mais elle ne vit pas les deux yeux gris tournés vers elle.
* Surnom de la ville de Londres à la suite d’un épisode de pollution atmosphérique en 1952.
83 commentaires
Hélène Billiet
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