Fyctia

Je lance mon regard vers la voix et un large sourire illumine mon visage.

— Comment vas-tu, ma petite Princesse ? s’inquiète Kiron.

— Je suppose que tu sais déjà comment je vais après avoir appris LA grande nouvelle de la décennie !

— Écoute, Syna, je te jure que j’ai fait ce que j’ai pu pour éviter ça, mais nos parents avaient vraiment l’air de tenir à cette union.

— Attendez ! Comment ça ? Une union ? Ne me dites pas entre vous deux ?! interrompt mon frère, ahuri.

— Non ! répond Kiron en se frottant le front, désespéré. Avec mon frère Valentino.

— Quoi ? Ce connard arrogant ? Enfin, désolé Kiron, mais ton frère n’est vraiment pas aussi classe que toi…

— Zyam ! Tu es un génie !

— Je sais ! affirme mon frère avec un sourire fier.

— Kiron ! Nous n’avons qu’à demander à nos pères que l’on se fiance tous les deux. Nous avons grandi ensemble, on se connaît depuis toujours et surtout on s’apprécie énormément. Si un mariage arrangé doit avoir lieu, je veux que ce soit avec toi !

— Syna… Je suis désolé, mais… Je ne peux me résoudre à devenir ton mari, tu es loin d’être la femme parfaite à mes yeux… rétorque Kiron en grimaçant.

Zyam ne fait alors aucun commentaire, lui, qui aurait pourtant saisi l’opportunité pour dire un truc du genre : « tu vois, tu n’est qu’une bonne à rien ». Pourtant, là, il se retient et baisse la tête. Je sens mon cœur se fendre d’un coup. Je n’arrive même pas à assimiler les mots de Kiron. Je ne l’aime pas à vouloir l’épouser, mais il reste mon meilleur ami. Je me doute qu’il n’ait pas ce genre de sentiments envers moi et c’est normal, mais tout de même… Sa réponse était tranchante et blessante. Lui, qui d’habitude est toujours au petit soin avec moi et me protège des farces de mon frère ou d’Orion. Je ne comprends pas sa réaction. Ça me fait si mal… Je retiens mes larmes et déterminée à ce que ça ne se voit pas, je quitte la tente et me rends sur la zone de combat.

Maître Kaïdo n’ose même pas me demander où sont les deux hommes du cours. Il a sûrement compris que quelque chose s’était passé, ou pire encore, il sait pour mon futur mariage avec Valentino. Si j’ai bien compris, tout le monde est au courant pour ce foutu arrangement, mais même pas la concernée, en tous cas, pas dans les premiers.

Quelques brèves minutes plus tard, Kiron et Zyam arrivent sur le terrain, équipés de la tête aux pieds. Je n’ai pas l’impression que l’atmosphère soit tendue. Je ne sais ce qu’ils se sont dits sous la tente, mais ils n’ont pas l’air en mauvais terme. Maître Kaïdo se racle la gorge et nous annonce ce qu’on appelle chez nous « une grosse boule de feu ». Nous sommes habitués à nous entraîner tous les trois, mais pour la première fois, le maître a décidé que nous aurons un quatrième coéquipier qui arrive de je ne sais où. L’homme en question débarque sur la zone de combat, déjà prêt à se battre. Il s’agit d’un grand brun, d’au moins 1m80 avec des yeux de la même couleur, tirant légèrement sur le rouge. Il est un peu bronzé et je ne peux me mentir, il n’est clairement pas horrible à regarder. Je devine à son teint qu’il doit venir d’une ville proche de Volcanica, là où l’eau en est presque chaude.

— Je vous présente Zéphyr, votre nouveau compagnon d’entraînement. Il n’est pas un élémentaliste et se consacre à la chevalerie depuis son plus jeune âge. J’ai pu observer ses talents lors du cours de cet après-midi et je n’ai pu me résilier à le laisser dans la classe. Ainsi, il viendra s’entraîner avec vous le soir, le présente notre maître des arts du combat.

Zéphyr croise mon regard et me fixe étrangement comme s’il prenait son temps pour me dévisager. Je ne sais pas si c’est parce qu’il n’avait jamais vu la princesse de ses yeux ou s’il me trouve moins belle que ce qu’en dit le royaume, mais son visage ne montre aucune expression qui irait dans un sens ou dans l’autre.

Mes compagnons d’armes n’ont pas l’air plus dérangés que ça, par l’arrivée d’un nouvel homme sur le terrain du soir. Déjà que me battre contre deux hommes à l’accoutumé n’est pas une mince affaire, mais maintenant qu’il y en a un troisième, j’espère que Maître Kaïdo constituera des équipes ou du moins qu’il fasse tourner le rôle de « la victime ». Je n’ai aucune envie de me retrouver comme la viande dans un sandwich. Même si Zéphyr est nouveau, s’il se trouve avec nous, c’est qu’il a le niveau de l’être. Comme je ne connais pas encore sa technique de combat, je vais devoir faire très attention à lui.

— Bien, maintenant que les présentations ont été faites, je vous propose de commencer ce cours, qui est déjà bien trop entamer à mon goût. Aujourd’hui, on va se concentrer sur des un-contre-un. Kiron, tu seras avec Syna et Zyam, avec Zéphyr. N’oubliez pas qu’il s’agit d’abord d’un échauffement pour les premiers rounds. Allez-y doucement pour vos muscles. La règle est simple, dès que l’un des combattants est blessé, le round se termine. Puis, vous avez cinq minutes de pause avant de reprendre pour un deuxième round. Est-ce que c’est clair ?

— Oui, Maître ! acquiesçons ensemble.

Chaque groupe se positionne et au feu vert de notre maître, nous débutons nos duels. Connaissant par cœur Kiron, je fais attention à ma garde et observe chacun de ses mouvements. Je sais qu’il est très doué pour déceler les points faibles et aujourd’hui, le mien est mon mental. Je ne suis pas complètement concentrée sur le combat, mes pensée divaguent vers cette histoire de fiançailles. Je n’attends qu’une chose : rentrer au château pour confronter mon père. Pourtant, j’essaie tout de même de me donner dans cet entraînement.

Kiron se jette alors sur moi avec son épée, je l’esquive de justesse et bondit sur lui, en attrapant ma dague, coincée au niveau de ma cheville. Il me donne un coup de coude et me fait reculer de quelques pas. La douleur au ventre me lance légèrement alors qu’en relevant la tête vers mon partenaire de combat, je ne le vois plus. Je me retourne le plus rapidement possible, mais il est déjà trop tard, il me flanque un coup au sternum et m’expulse par terre. Il pointe alors son épée sous mon menton et me coupe légèrement à l’épaule. Maître Kaïdo siffle, c’est la fin de notre combat. À côté de nous, Zyam et Zéphyr se battent comme deux lions qui protègent leur famille. Aucun n’arrive à prendre le dessus. Je comprends mieux la raison pour laquelle Kaïdo l’a mis dans notre entraînement spécial. Pendant notre fameuse pause de cinq minutes, Kiron et moi en profitons pour admirer ce spectacle. Zéphyr est très rapide et précis, tandis que Zyam a toujours été réputé pour avoir les meilleures esquives et sa souplesse. Qu’un paysan venant d’une contrée lointaine arrive à contrecarrer les coups du prince héritier, est assez surprenant. Dans les villages les plus éloignés de la capitale, les entraînements sont bien moins importants qu’ici, et pourtant, il semble avoir un niveau équivalent à Zyam. Leur combat prend fin dès lors que Zéphyr ait éraflé le poitrail de mon frère.