Mary Lev La fille du désert Chapitre 15.1

Chapitre 15.1

Homme du continent, conquiert la terre qui est la tienne ! Trouve ton chemin sur le sol que Dieu a façonné pour toi. Chasse les impies ou rallie-les à ta cause. Fonde ton empire sur ta foi. Puis, quitte-le sans regret une fois ton devoir accompli. Car ce qui t’attend par-delà la matière dépasse les lois de ton monde.

Extrait des Saintes Ecritures, livre premier.


La salle de conseil du palais était située au premier étage de l’aile ouest. Sa décoration pauvre contrastait avec le faste du rez de chaussée. Sur un pan de mur, pendait une vieille tapisserie rapiécée jaunie par le soleil. Les exploits guerriers du prophète Loren y étaient dépeints avec un réalisme qui frôlait l’indécence. Les cadavres décapités et écrasés sous les sabots des cavaliers s’affichaient aux yeux des visiteurs. Le valeureux Loren brandissait son épée, un air féroce sur le visage. Sa tête auréolée de lumière mettait en avant son expression sauvage et impitoyable.


Une large table en bois occupait le centre de la pièce. Lorsqu’il entra, plusieurs visages se tournèrent vers lui. Leurs regards lourds pesaient sur lui, tandis qu’il prenait place. La reine Volande présidait le conseil. Ses mains ridées comme celles d’un vieux singe étaient posées devant elle. Seul un léger tressaillement lassa voir sa tension, tant elle maitrisait l’expression de son visage impassible. Tiago qui était assis à sa droite, se contenta de le toiser avec son arrogance habituelle.

Le Conseil de Sa Majesté était réuni au grand complet. L’affaire devait être de la plus haute importance. Le fait que la Reine ait exigé sa présence fit monter une vague d’appréhension dans sa poitrine. Il jeta un coup d’œil inquiet aux deux gardes postés devant la porte. Ils ne lui prêtèrent pas la moindre attention.


— Mes seigneurs, dit la Reine d’une voix mielleuse, je vous ai réunis afin de porter à votre attention une affaire des plus préoccupantes.


La tension de la salle monta d’un cran. L’atmosphère se refroidit d’un coup, comme un hiver arrivé trop tôt. Un homme petit et gras prit la parole :


— Votre Majesté, éclairez-nous, de grâce. De quoi s’agit-il ?


Luther le reconnut. C’était le seigneur Eloi d’Ambusse, juriste de la Couronne. Sa petite voix fluette était plus aiguë qu’à l’accoutumée, trahissant sa peur. Ses petites lunettes pendues à son nez proéminent lui donnaient l'air d'un hibou intelligent. En voulant les remonter un peu, sa main trembla et elles tombèrent sur la table dans un tintement sec. Tiago lui jeta un regard de dédain.


— Un messager s’est présenté ce matin, articula La Reine sans s’émouvoir. Il m’a fait part d’une terrible nouvelle. C’est à propos de Loth.


Luther eut l’impression que sa poitrine se vida et que son cœur tombait à ses pieds. Il chancela, et s'agrippa à la table, tandis que la Reine faisait ouvrir les portes de la salle. Un homme pénétra dans la pièce. Luther détailla l’allure de l’homme et sa cape vert émeraude. C’était un chevalier de Loth.


L’homme s’approcha et s’inclina devant la Reine. Luther vit son visage fatigué, son teint pâle et ses yeux vides comme ceux d'un mort. Il semblait exténué, au bord de l’évanouissement. Son armure était maculée de tâches couleur rouille. Luther sentit sa bouche s’assécher et ses mains se couvrir d’une moiteur désagréable. Jamais il ne s’était senti aussi vulnérable qu’en cet instant, entouré des vautours du conseil, et en présence de ce chevalier qu’il ne connaissait pas, et qui semblait sortir tout droit des enfers.


La reine lui adressa un léger signe de la tête pour l’inciter à prendre la parole. Un éclair de nervosité traversa ses yeux éteints, mais cela ne dura qu’un instant. Il toussota et prit la parole. Sa voix était rocailleuse, désagréable comme le bruit d’une lame contre la roche.


— J’ai chevauché jours et nuits pour vous faire parvenir une bien triste nouvelle, mes seigneurs, dit-il, arrachant une grimace à Eloi d’Ambusse qui était connu pour son oreille délicate. L’heure est grave, très grave en vérité. La ville de Loth est tombée aux mains des barbares du Sud.


Un instant de flottement suivit cette déclaration. Luther ne comprit d’abord pas un traitre mot. Puis, tout fit sens et l’horreur le saisit. Il sentit le regard pesant et inquisiteur de Tiago sur lui. Au prix d’un effort démesuré, il parvint à demeurer assis et à affecter un air calme, tandis que son instinct lui hurlait de sauter à la gorge de l’homme afin de lui arracher plus de précisions. Quand ? Comment ? Qui avait péri ? Les questions se bousculaient sur ses lèvres comme la houle des vagues lors d'une tempête.

— Nous avons été assiégés deux jours durant, récita le chevalier, la voix grave et dénuée de la moindre passion. Ces barbares ont percé nos défenses. Ils ont massacré et pillé la ville. Il n’y a que peu de survivants.

— Qu’en est-il de Grégori de Sotto ?


La question lui avait échappé. Il aurait voulu se couper la langue. Le chevalier le fixa d’un air décontenancé. Son regard se perdit quelque part derrière l’épaule de Luther pendant quelques secondes.


— Le seigneur Grégori a péri durant la bataille, lâcha-t-il.




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13 commentaires

Cécile Marsan

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Il y a un an

Oh punaise ! Est ce que c'est vrai ?? Est ce que ce n'est pas un mauvais coup de la reine ? J'espère que Luther ne va pas changer ses plans envers la reine pour autant !

Marie Andree

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Il y a un an

Ah mais c'est terrible ! Tu décris très bien l'angoisse de Luther dans cette scène. Je suis contente que tu continues à publier ! Tu vas participer au nouveau concours ?

Mary Lev

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Il y a un an

Coucou marie ! J'ai encore qq chapitres à publier je suis contente de te voir toujours aussi :) non je ne participerai pas (je ne sais pas écrire de NR je crois) mais je pense venir lire quelques auteurs pour les soutenir (dont toi je crois que tu participes ?).

Marie Andree

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Il y a un an

Tu sais, je ne suis pas sure de savoir écrire de la NR non plus. ;-) Mais, oui, je participe ! Avec plaisir si tu passes sur mon histoire, j'aime toujours découvrir tes commentaires.

WildFlower

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Il y a un an

Owww dur pour Luther là... Est-ce un coup monté orchestré par la machiavélique Volande ?...

Mary Lev

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Il y a un an

Hum hum qui sait ?!

Gottesmann Pascal

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Il y a un an

De biens mauvaises nouvelles après la douceur des deux derniers chapitres. Luther aimerait pouvoir profiter de la vie avec son Aenid mais les évènements le rattrapent.

Mary Lev

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Il y a un an

Je ne veux surtout pas lui faciliter la vie haha
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