Fyctia
Chapitre 14.9
Il la regarda sans oser comprendre le sens de ses paroles. Son cœur était comme à l’arrêt, suspendu à ses lèvres. Elle eut un sourire tendre et entoura sa nuque de ses bras. Il sentit sa poitrine se presser contre lui, le faisant frissonner.
— Quand vous m’avez chassé de votre tente, dans les montagnes, j’ai cru mourir de chagrin et de honte, murmura-t-elle. Mais à présent, vos paroles sont de miel et apaisent mon cœur. Vous êtes mon maitre. Je pourrais vous suivre partout, même au delà des mers. C’est comme si mon âme avait toujours connu la vôtre, comme si j’avais vécu toutes ces années dans l’unique but de vous trouver, et de vous appartenir. Comme si je vous avais déjà appartenu, ailleurs, dans une autre vie.
Luther ne parvenait pas à croire ce qu’il entendait. Son cœur se gonfla d’espoir. Mais elle secoua la tête, une expression de regret sur le visage.
— Mais je ne peux vous accompagner. Je ne peux abandonner ma famille. Iaonid, Mani… ils ne survivraient pas sans mon aide. Si je partais avec vous, si je suivais mon cœur, jamais je ne pourrais me le pardonner. Je suis déjà responsable de leurs malheurs. C'est pour moi qu'ils ont fui Or An Mandur...
Une larme coula sur sa joue. Il l’essuya du pouce et déposa des baisers sur ses cheveux. Il inspira son parfum.
—Que m’as-tu fait, fille du désert ? Ce n’est pas de l’amour, c’est autre chose. Tu m’as ensorcelé. Je suis à toi, corps et âme, tout entier à ta merci. J’ai l’impression de devenir fou.
Elle enfouit son visage dans sa poitrine.
— C’est ainsi, mon seigneur bien aimé. Nous sommes faits de la même matière. Nos cœurs se sont reconnus parmi des centaines d’autres. Je sais que je vous aimerai toute ma vie, malgré tout ce que vous avez fait subir à mon peuple, malgré le fouet et les coups, et malgré votre statut si supérieur au mien. Je me livre à vous pour être piétinée, méprisée, vaincue. J’ai pu attirer votre attention, et c’est un véritable miracle. Jamais je n’en aurai espéré autant.
—Ne parles pas ainsi, murmura-t-il, ému aux larmes. Tu habites chaque jour que je vis. Tu es comme un joyau, si rare, si beau et si étincelant, qu’il éblouit les yeux des simples mortels. Ta beauté, ta bonté et ta grâce ne sont pas de ce monde. Elles ont fleuri là où ne règne que le mal et la mort. L’herbe qui pousse au milieu d’un champ aride est la plus précieuse de toutes. Je veux te couvrir d’or et de soie. Je veux te voir dans un palais, entourée de domestiques pour te servir. Je veux parer ta tête de diamants, et sertir chacun de tes doigts d’une bague d’or et d'émeraudes. Je veux revêtir ton corps des robes les plus couteuses. Et je te veux à mon bras, à mes côtés, pour toujours. Je te veux libre. Je veux ton sourire qui illumine ton visage. Je veux le voir dans mes rêves, hanter mes pensées et ce jusqu’à ma mort.
Il l'embrassa , la caressa, la respira, comme si sa vie en dépendait. Il louait sans arrêt sa beauté, et elle riait de plaisir. Il s'extasiait de son absence de vanité et de sa candeur enfantine. Quelque fois, ses caresses passionnées se faisaient plus erratiques ; il voyait alors une lueur de crainte s'allumer dans ses yeux. Il plaçait alors ses mains autour de sa tête et embrassait ses yeux, son front, en signe d'adoration. Elle était pour lui comme une lueur dans les ténèbres de sa vie. Il aurait tout donné pour la faire sienne en cet instant. Et elle, abandonnée, ne lui demandait rien, ne lui refusait rien, se laissait faire, osait même lui rendre timidement ses caresses. Il en était bouleversé.
Autour d'eux, les oiseaux s'étaient tus, et les chevaux les observaient d'un œil tranquille et presque complice. Les châtaigniers et les chênes faisaient de leurs feuillages comme un rideau d'intimité. L'automne se mourait doucement, la nature le sentait et se faisait silencieuse face à l'inéluctable passage du temps. Luther savait au fond de lui que l'instant qu'il vivait, avec Aenid frémissante dans ses bras enfiévrés, ne durerait pas, et qu'il aurait la fugacité d'un éclair avant la tempête. Mais il ne pouvait s'empêcher de s'abandonner.
Un vent frais se leva, et ils rebroussèrent chemin. Lorsqu’ils passèrent les remparts de la ville, Aenid eut une expression joyeuse.
—Cette ville est un véritable enchantement.
Luther lui adressa un sourire.
— Un jour, je te ferai visiter.
Ils arrivèrent aux écuries. Luther aida Aenid à descendre de son cheval. Ils se retrouvèrent face à face, et ses mains s’attardèrent sur ses hanches. Il ne voulait pas la quitter. Il se rappela soudain le collier qu'il avait acheté quelques heures plus tôt. Il esquissa un geste pour le saisir et lui offrir. Il voulait lui laisser un peu de lui.
Soudain, un bruit de pas stoppa son geste. Arthus courait vers lui, le visage inhabituellement luisant de sueur.
— Mon Seigneur ! haleta-t-il. Vous êtes attendu par le conseil !
Tandis qu'Arthus reprenait son souffle, Luther se pencha et murmura à l’oreille d’Aenid.
— Retrouve-moi ce soir, fille du désert, j’ai quelque chose à te donner.
Elle s’inclina avant de s’éloigner de son pas aérien, comme si elle flottait sur le sol. Luther ne la quitta pas du regard. Puis, sentant l'agitation de son écuyer à côté de lui, il soupira :
— Allons-y.
13 commentaires
Sand Canavaggia
-
Il y a un an
Mary Lev
-
Il y a un an
Cécile Marsan
-
Il y a un an
Mary Lev
-
Il y a un an
WildFlower
-
Il y a un an
clecle
-
Il y a un an
Mary Lev
-
Il y a un an
Marion_B
-
Il y a un an
Mary Lev
-
Il y a un an
Gottesmann Pascal
-
Il y a un an