Mary Lev La fille du désert Chapitre 14.7

Chapitre 14.7

—… et tout cela, mon seigneur, nous incombe, en tant que serviteurs du palais, poursuivait Rosie, imperturbable. Cette jeune écervelée devra apprendre à se tenir dans le rang. Autrement, elle ne fera pas de vieux os ici, je peux vous le garanti…

— Fais-moi porter un repas sur le champ, coupa-t-il.

Rosie s’inclina. Luther qui la connaissait bien, remarqua ses lèvres retroussées se tordre de mécontentement. Avant qu’il ne puisse réagir, elle saisit le bras d’Aenid et l’attira à elle d’un geste brusque.

—Viens par ici. Tu as entendu le maitre ? Je vais t’apprendre à servir un repas digne de ce nom dans ce palais.


Les deux femmes s’éloignèrent. Il était de retour dans sa chambre depuis quelques minutes à peine lorsqu’on toqua timidement à sa porte. Aenid entra, titubant sous le poids d’un vaste plateau sur lequel Rosie avait placé de la viande froide, du pain, du fromage et des fruits, ainsi qu’une carafe de vin. Luther se saisit du plateau et entreprit de placer toute la nourriture dans un baluchon qu’il referma d’un geste brusque. Il l’attacha sur son épaule. Il se tourna vers Aenid qui le regardait d’un air perplexe, ne sachant que faire. Il s’approcha et effleura des doigts sa joue blessée.


— Merci d'avoir calmé sa colère, murmura-t-elle.

— Ne me remercie pas. Je ne pensais pas qu’elle serait aussi revêche avec toi. Sinon, je n’aurai pas demandé à ce que tu travailles aux cuisines. Je la connais depuis toujours. Rosie n’est pas une méchante femme. C’est seulement qu’ici, à Myr… Les Nassins n’ont pas une bonne réputation.


Il vit la peine sur son visage et se maudit de ses paroles. Il poursuivit d’un ton plus doux :

—Si elle recommence, fais-le moi savoir.

Elle acquiesça d’un mouvement peu assuré. Son regard se perdit sur son baluchon. Elle demanda :

— Ce sac…Vous partez quelque part ?

Il crut déceler l’angoisse dans sa question. Un vent d’espoir souleva son cœur affamé : son absence lui causait-elle de la peine ? Comme il ne répondit pas tout de suite, elle ajouta :

— Pardonnez-moi, cela ne me regarde en rien.

— Je vais faire un tour, dit-il impulsivement. Et tu viens avec moi.

Elle lui jeta un regard décontenancé.

— Où allons-nous ?

Il lui sourit.

— Hors de la ville. Il fait beau, et j’ai envie de prendre l’air. J’étouffe dans ce maudit palais.

Ils échangèrent un regard de compréhension mutuelle. Elle lui rendit alors son sourire. Il oublia alors tous les enjeux de sa présence à la capitale. Plus rien ne comptait, hormis ce sourire-là, ces fossettes sur ces joues, ce léger rose sur la peau dorée, ces yeux noirs comme une nuit d'hiver qui avaient happé son âme.

— Allons-y, je meurs de faim.

Après avoir informé Rosie qu’il prenait Aenid avec lui, il ordonna aux garçons d’écurie de lui trouver un cheval. Lorsqu’elle se hissa sur la selle et ajusta la longe d’un geste expert, Luther put constater qu’elle n’avait pas menti : elle était excellente cavalière. Son corps épousait les mouvements du cheval avec aisance et grâce. Même son visage était transformé. Luther retrouvait la jeune fille intrépide et sûre d'elle qui avait croisé son chemin dans les plaines. Ses cheveux volaient, elle riait à gorge déployée, et ses yeux brillaient de plaisir.


Rassuré, Luther prit la tête et lui fit signe de le suivre. Ils traversèrent les remparts et s’éloignèrent de la ville. Les champs s’étendaient à perte de vue. Ils traversèrent quelques vergers, les arbres n’avaient pas perdu leur feuillage doré et leur offrirent une ombre bienvenue. Le soleil était haut dans le soleil et diffusait sa douce chaleur automnale. Luther jetait assez souvent des coups d’œil à la cavalière à côté de lui. Elle avait attaché ses cheveux, dévoilant sa nuque. Il se rappela les baisers enflammés qu’il avait posés à cet endroit quelques jours plus tôt. La chaleur qu’il ressentit alors n'était pas due au soleil.


Le sentier se fit plus étroit, et les arbres plus denses. Ils partirent au galop. Luther appréciait le flou des feuillages de chaque côté au fur et à mesure qu’il prenait de la vitesse. Il entendait Aenid derrière lui qui suivait sans peine la cadence qu'il lui imposait. Le bruit des sabots de leurs chevaux se confondaient, dans une danse parfaite et harmonieuse. Cela lui procura un sentiment profond de contentement.


Ils arrivèrent en vue d'une clairière parsemée de pissenlits. Les chevaux ralentirent d'eux même, habitués à cet endroit paisible et doux, où ils pouvaient brouter librement. Tout autour, des châtaigniers penchaient leur ombre sur eux comme un cocon de jaune et d’orange. Il huma l’odeur familière de l’automne, des feuilles humides et des fleurs sauvages. Ils étaient seuls. Pour la première fois depuis leur arrivée à la capitale, il respira. Il se sentait libre.


Aenid était descendit de son cheval avec aisance. Elle flatta la croupe de la jument et regarda autour d'elle, l'air enchantée. Le soleil faisait briller ses cheveux, et ses yeux pétillaient comme des bijoux dans la nuit. Il alla vers elle et lui prit doucement le bras. Ils marchèrent en silence dans l’herbe. Quelques grives saluèrent leur arrivée. Ils s’assirent au pied d’un châtaignier au tronc noueux et Luther commença à déballer le contenu de son baluchon.


— Comment connaissez-vous cet endroit ?

Il la regarda. Ses cheveux mis en désordre par la chevauchée lui donnaient un air sauvage qui lui fit tourner la tête. Il baissa les yeux.

— Je venais souvent ici avec mon frère, lorsque nous étions enfants.


Aenid ne répondit rien. Il étala la nourriture à leurs pieds et ils commencèrent à manger. Il ne pouvait s’empêcher de l’observer. Elle picorait comme un moineau et fermait les yeux de temps à autre, figée dans l’instant. Luther aurait tout donné pour connaître ses pensées.


— Tu es très bonne cavalière.

Aenid tourna ses yeux vers lui.

— Cela vous étonne ? sourit-elle.

— Oui. Ici, les femmes ne montent pas, ou très mal. Elles sont toujours si apeurées. Alors que pour toi, chevaucher est une seconde nature. Tu montes comme un de mes chevaliers.


Elle rit franchement. Son rire était clair et léger, comme le gazouillis d'une fauvette. Il était si réel, qu'il avait l'impression de le voir, plutôt que de l'entendre.


—J’ai toujours côtoyé les chevaux. J’ai assisté mon père pour dresser les plus récalcitrants d’entre eux. J’ai aidé plusieurs de ses juments à mettre bas. Les chevaux ont toujours fait partie de ma famille. Il est tout naturel pour moi de chevaucher, c'est comme respirer, ou marcher. Cela m’avait tant manqué …

— Si tu aimes tant les chevaux, un jour, je t’en offrirai un.



Tu as aimé ce chapitre ?

20

20 commentaires

WildFlower

-

Il y a un an

Le collier ! Le collier ! ^^ C'est le moment là 😄 ils sont mignons tous les deux comme ça, par contre je veux pas être lugubre mais... J'espère qu'ils n'ont pas été suivis XD

Mary Lev

-

Il y a un an

Haha le collier arrive ! Arrête tu vas leur porter la poisse !

WildFlower

-

Il y a un an

Je veux pas dire mais y a pas de témoin 😱 bon ok j'arrête ^^

clecle

-

Il y a un an

ooh cette promesse ! <3 J'adore les voir s'apprivoiser tous les deux. Luther est capable d'une vraie douceur, ce qui pourrait étonner en raison de sa fonction première, mais j'aime bcp cette ambivalence.

Mary Lev

-

Il y a un an

C’est vrai qu’il a cette ambivalence qui le rend différent et le change en mieux. Merci Aenid !

Sand Canavaggia

-

Il y a un an

👏😍J'adore, le redoux enivrant après la tempête🤩👏

Mary Lev

-

Il y a un an

Oui c’est exactement ça !

Marie Andree

-

Il y a un an

Superbe chapitre, ça fait plaisir de voir Aenid si heureuse... Et Luther complètement amoureux. :-)

Mary Lev

-

Il y a un an

Merci marie ♥️ Ils sont choux

Marion_B

-

Il y a un an

Tres beau ce chapitre tout en douceur
Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.