Fyctia
Chapitre 13.2
Le portail s’ouvrit, mais seuls Luther et ses officiers étaient autorisés à pénétrer dans l’enceinte du palais. Les chevaliers de rang inférieur avaient déjà déserté en directions des tavernes, avec la ferme intention de s’enivrer le plus possible avant la tombée de la nuit. Quant aux esclaves, ils avaient été pris en charge par les hommes de la garde à l’issue de la fouille et emmenés à la garnison.
Luther pénétra dans le vaste palais. Le sol en marbre, les immenses miroirs et tapisseries qui ornaient les murs, ainsi que les meubles en bois précieux rappelaient à tous la fortune immense amassée par la famille de Lorient après quatre siècles de domination. Une odeur printanière embaumait chaque pièce, provenant des immenses bouquets de fleurs fraiches exigés chaque jour par la Reine. Des centaines de servantes se tuaient la tâche jour et nuit pour satisfaire les exigences de la cour. Une vie de luxe et de loisirs, promise à de rares élus. Mais Luther ne pouvait s’empêcher de ressentir un profond malaise à chacun de ses séjours au palais. Il ne s’y était jamais senti chez lui. La plus crasseuse et bruyante des tavernes lui paraissait infiniment plus accueillante.
Ils traversèrent l’aile Ouest pour arriver à la salle du trône. Un valet les annonça.
Ils pénètrent alors dans une pièce plus majestueuse que toutes les autres, toute de marbre et de dorures. Luther leva les yeux. Chaque fois, son regard était soufflé par le décor ostentatoire qui s’étalait devant lui. Des colonnes d'un blanc éclatant s'élevaient, sculptées de motifs divers. Luther aperçut un chérubin cueillant une grappe de raisin, un guerrier au corps élancé, un buste de femme nue, et bien sûr, une représentation de dame Nurah qui surpassait en beauté et en précision la sculpture de la fontaine. Les artistes avaient peint le plafond d'une immense fresque, qui était sans cesse modifiée, à tel point que Luther n'en reconnaissait pas le moindre détail. Les armoiries royales étaient présentes partout, disséminée dans chaque détail, peintes sur un vase, gravées sur une boiserie de mur, sculptée dans un coin de plafond, ou même brodée sur le gantelet du valet. Un grand lustre en cristal pendu au plafond les écrasait. Il fallait des heures pour allumer une à une les centaines de bougies qui le composaient. D'imposantes tapisseries qui contaient les exploits de Loren et de sa guerre sainte couvraient les murs ; leur dépoussiérage exigeait des jours de travail. Il fallait à tout prix que les couleurs conservent leur éclat, en particulier le rouge qui maculait la terre au pied l’illustre prophète.
La salle du trône s’ouvrait sur les jardins du palais par une immense baie vitrée. La vue était splendide. Luther était forcé de le reconnaître : sa mère savait user de la beauté pour imposer à tous sa domination et son pouvoir.
La beauté est amorale, comme elle se plaisait à le lui répéter, un sourire narquois glissé sur ses lèvres glacées.
Il s’avança en direction du fond de la pièce. Chacun de ses pas résonnait dans le silence lugubre. Le long des murs, des hommes de la gardes étaient postés, immobiles. Luther n’eut pas un regard pour eux.
Sur une esplanade, la Reine Volande était assise sur son trône, droite et raide, son fils Tiago à ses côtés. Ce dernier semblait tendu. Ses jambes étaient croisées à l’opposé de celles de la Reine, et leurs regards ne se croisèrent pas.
Se sont-ils querellés ? pensa-t-il soudain.
Luther s’agenouilla sans un mot. Ses hommes l’imitèrent. Il retint son souffle. L’étiquette lui interdisait de prendre la parole en premier.
— Tu n’imagines pas la joie que ton retour me procure, mon cher fils.
Les paroles de la Reine contrastaient fortement avec son ton froid et machinal. Luther leva les yeux. L’âge ne semblait pas adoucir son regard noirci. Ses cheveux gris, autrefois roux, étaient attachés en un chignon serré qui tirait les traits de son visage vers l’arrière. Une lourde couronne de métal était posée sur sa tête. On aurait dit une huppe fasciée avec son port altier, sa petite tête grise et cet énorme morceau d’or dressé, menaçant et pesant de tout son poids. Elle semblait si lourde et si grossière que Luther avait parfois un désir violent de la lui enfoncer davantage sur le visage, jusqu'à lui briser le cou.
Avec lenteur, la main chargée de bagues de la reine agrippa le bras de Tiago, comme pour y puiser la force de s’adresser à lui de nouveau.
— Le prince m’a informée que tu as subi de lourdes pertes.
Luther, toujours à genoux, s’efforça de répondre d’un ton calme :
— Quelques esclaves ont péri durant une tempête de neige, Majesté, et nous avons essuyé une attaque de vagabonds dans la forêt.
Il vit la main de la Reine serrer plus fort le bras de Tiago comme une serre d’oiseau, lui arrachant une grimace. Tiago tenta de retirer son bras, sans succès. La Reine afficha une expression ennuyée. Luther ne pouvait dire à qui elle était adressée précisément.
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