Mary Lev La fille du désert Chapitre 13.3

Chapitre 13.3

— Tu as exigé de t’arrêter à Loth pour préparer la traversée des montagnes, dit la Reine. Quel manque de clairvoyance de ta part ! De toute évidence, cette escale ne t’a permis que de te remémorer tes doux souvenirs d’enfance. Que n’en as-tu pas profité pour mieux préparer la traversée des montagnes ! Les pertes n’auraient pas été si grandes. Elles ne sont que le reflet de ton incompétence.


—Majesté, précisa Luther, nous avons aussi essuyé une attaque de vagabonds dans la forêt, ce n’est pas …


—C’est ton devoir le plus élémentaire que d’assurer la sécurité des routes royales, coupa la Reine. Ces vagabonds n’auraient jamais du se trouver la.


Luther ne répondit rien. La Reine poussa un profond soupir avant de lâcher d’un ton résigné :


—Que de tâches il te reste à accomplir, mon fils, pour enfin devenir digne de ton rang !


Il sentit ses hommes s’agiter à côté de lui. Mais Luther ne ressentait rien. L’habituelle colère qui grondait dans sa poitrine s’était éteinte.

— Pardonnez-moi, votre Majesté, dit-il d’un ton monocorde. J’ai fait preuve d’une erreur de jugement. Je dois cependant vous informer de quelque chose. Votre frère Déménor est malheureusement décédé…


Sa voix se brisa malgré lui, et il se tut. Il ne put s’empêcher de lever les yeux pour observer la réaction de Volande à cette nouvelle. Il la vit pincer les lèvres, et un éclat passer dans ses yeux. Ce n’était pas du chagrin. Plutôt une forme de soulagement.


Réalise-t-elle qu’il m’a transmis son secret avant de mourir ? songea Luther dans un éclair d’angoisse.


Il la vit ensuite se tourner vers Tiago. Son visage se métamorphosa. Ses traits semblaient s’arrondir, se gonfler d’amour, et ses yeux étincelèrent d’un instinct de protection si intense que Luther ne put s’empêcher de ressentir une pointe de jalousie.


— Mon cher frère… Que Dieu ait son âme et le garde en paix auprès de Lui. Loren soit loué, le prince est désormais de retour sain et sauf. J’imagine que c’est le principal. Que tes hommes se retirent à présent.


Lorsque les officiers s’éloignèrent, Luther voulut leur emboiter le pas. Les retrouvailles avaient été plus chaleureuses qu’il ne l’avait escompté. Mais un garde lui barra la route. Il croisa son visage aux traits taillés à la serpe et à l’expression fermée. Il porta la main à son épée par réflexe, tandis que la voix de la reine résonnait derrière lui.


— Luther ! Encore un mot. Laissez-nous seuls !


Les gardes obéirent et quittèrent la pièce sans un mot. Luther rebroussa chemin et cacha le léger tremblement de ses mains en les croisant derrière son dos. Sa mère le toisa avec une froideur non dissimulée.


— Tiago m’a fait part de ta volonté de t’approprier trois captifs.


Son cœur manqua un battement. Il fit de son mieux pour maintenir un ton indifférent pour répondre :


— Ces captifs sont ma part du butin. Tiago était parfaitement d’accord…

— J’ai changé d’avis à ce sujet, intervint ce dernier.


En présence de leur mère, son arrogance s’était accrue. Il semblait plus hautain qu’à l’ordinaire. Luther pouvait voir une lueur mauvaise briller dans ses yeux sombres et un sourire goguenard étirer ses lèvres fines. Le visage de Tiago était presque imberbe, d’une beauté subtile, presque féminine. La finesse de ses traits modelés comme sur une sculpture de marbre forçait l’admiration. Seulement, de temps à autre, un léger rictus de la joue, un éclat mauvais dans l'oeil, une expression cruelle retroussait ses lèvres et déformait la symétrie de son visage. Mais Luther avait le sentiment d’être le seul à le remarquer. Ou à oser penser ainsi.


—Tout est arrangé depuis notre séjour à Loth, dit Luther d’une voix blanche. Ces esclaves sont à moi par décret royal. Un décret que tu as émis de ta bouche !


—Mère, c’était une extorsion, ni plus ni moins ! Je n’ai pas eu le temps d’y réfléchir ! Ce misérable m’a pris au dépourvu !


—Tout a été fait dans les règles ! Tout cela n’est qu’un caprice ! J’ai renoncé à ma part du butin pour ces trois captifs, que veux-tu de plus ?


—Personne ne t’a demandé une telle chose ! Tout cela n’était qu’une manœuvre de ta part pour me provoquer ! Crois-tu que je ne voie pas clair dans ton jeu ? Tu t’es joué de moi !


—Je me suis si bien joué de toi, en vérité, que te voilà à geindre devant mère comme un enfant qui jette un jouet et veut le récupérer aussitôt qu’un autre le convoite !

— Tu savais qu’elle me plaisait ! rugit Tiago, soudain hors de lui. Tu le savais et c’est pourquoi tu me l’as prise !


Luther le dévisagea. Tiago s’était levé à moitié de son siège, le cou tendu, fou de colère. Volande lui jeta un regard ou perçait une inquiétude inhabituelle.


— Assez ! cria-t-elle.

Pour la première fois, la peur rongea la poitrine de Luther. Il comprit soudain que ses esclaves couraient un danger immense. Son attitude avait jeté la lumière sur eux, les avait rendus vulnérables. Rien ne serait plus facile pour la Reine que de les éloigner de lui par des moyens détournés. Tant qu’ils séjourneraient à la garnison, au milieu des autres, il ne serait pas tranquille. Il fallait les faire entrer au palais au plus vite, afin de garder un œil sur eux.


Sur elle, pensa-t-il avec effroi.


Son cœur chavira à la pensée d’Aenid envoyée dans un bordel et jetée aux bras d’hommes avides et brutaux.


— Tiago a parfaitement le droit de revenir sur sa décision, dit la Reine en posant une main possessive sur le bras de Tiago, le forçant à se rassoir. De plus, les titres de propriétés que tu nous a transmis ont été rédigés à la va vite. Il faudra vérifier tout cela. J’ai déjà chargé le Seigneur Eloi de se pencher sur cette déplaisante situation.


— Votre Majesté, balbutia Luther, soudain paniqué. Avec votre permission, je …


— Je ne veux plus entendre un seul mot. Ton insolence m’a déjà causé assez de tracas.


Il se tut, mais ne baissa pas le regard pour autant.


— Un grand banquet sera organisé en l’honneur de votre retour, poursuivit la Reine. Ta présence est exigée. Je ne tolèrerai aucun esclandre. Je ne veux pas que ton insolence me mette dans l’embarras devant la cour.


Luther s'efforçais de dissimuler sa colère du mieux qu'il pouvait. Jamais le fossé entre Tiago et lui n’avait été aussi profond. Son frère ne lui pardonnerait jamais l’humiliation qu’il lui avait fait subie à Loth. Lui livrer Aenid ne suffirait pas à apaiser sa colère, et Luther refusait de courber l’échine une fois de plus. Lorsqu’il imaginait Aenid dans les bras de son frère, il avait l’impression qu’on lui retournait le ventre avec une dague. Plutôt mourir, que de l’abandonner.

Luther esquissa une révérence et déclara d’un ton qui se voulait affable :


— A vos ordres, votre Majesté.


Volande plissa le nez.


— Retire-toi à présent, grimaça-t-elle. Ta puanteur m’incommode.

Luther sortit, et un soldat l’accompagna jusqu’à ses appartements.


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55

55 commentaires

L.I

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Il y a un an

Pluie de like en retour merci encore ☺️

Mary Lev

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Il y a un an

Merci à toi ♥️

paul geister

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Il y a un an

belle écriture et belle histoire dommage que l on n ait que le temps de survoler

Mary Lev

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Il y a un an

Oh merci pour ton passage et ton mot ! C’est déjà super que tu aies pris le temps de la survoler. De mon côté je me note de passer chez toi pour te lire dès que je peux (si tu es intéressé pour un échange d’avis c’est avec plaisir !) belle soirée :)

Micael M.

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Il y a un an

Destituons la reine!!! Je suis pour la revolution!!!

Mary Lev

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Il y a un an

Je ne suis pas étonnée venant de toi ! 😂 je te vois déjà débarquer avec ta fourche au palais !

WildFlower

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Il y a un an

Tiago a de qui tenir on dirait, aussi détestables l'un que l'autre le fils et la mère ^^ En tout cas j'espère que Luther va trouver un moyen de protéger Aenid !

Mary Lev

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Il y a un an

Il va se creuser les méninges !

Cécile Marsan

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Il y a un an

Rahhhhhj j'ai envie des les insulter la reine et son fils chéri ! J'ai l'impression qu'il n'y a aucune issue possible et que quoi que fasse Luther, ses 3 esclaves lui soient retirés ! C'est dégueulasse !!!!! J'espère que le prêtre va réussir à porter sa lettre à temps et que ces deux imbéciles en paieront le prix cher !!!

Mary Lev

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Il y a un an

Oui c’est vrai qu’après tout ce qu’il a fait ce serait vraiment injuste ! Et encore le pire est a venir (je ne dis pas plus 🤫)
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