Fyctia

Luther sourit en entendant les cris de joies des hommes résonner autour de lui. Certains, enhardis par la joie de la mission accomplie, passèrent près de lui et lui donnèrent des tapes amicales dans le dos. Des murmures de soulagement et de remerciements bourdonnèrent autour de lui. Il échangea des regards francs et déterminés avec ces hommes qui l’avaient choisi lui, parmi tant d’autres, pour les diriger.

Une voix familière s’éleva plus fort que les autres.

— Ce fut un immense honneur pour moi de vous servir, Seigneur Lorient.

Les vêtements d’Arthus étaient propres, et son armée brillait au soleil couchant. Sa barbe coupée court et ses cheveux soigneusement coiffés sur le côté étincelaient. Luther fut à nouveau estomaqué par l’habileté de son écuyer à entretenir son apparence ; sa propre armure était tachée du sang de l’homme qu’il avait décapité quelques heures plus tôt, et il n’avait pas taillé sa barbe depuis des jours. Il n’osait imaginer l’état de sa chevelure terne après tant de jours de voyage.

— Tu m’as servi avec loyauté, répondit Luther. Je m’assurerai que Sa Majesté te fasse chevalier lors de la prochaine cérémonie des vœux.

— Mon Seigneur, balbutia Arthus, rouge de fierté. Vous m’honorez.

Bientôt, les immenses remparts de la cité vinrent à leur rencontre pour les accueillir. Juste devant, le traditionnel comité d’accueil les attendait de pied ferme.

Des soldats de la garde royale, songea Luther.

Luther et ses officiers s’avancèrent. Ils entendirent soudain les galops de plusieurs chevaux derrière eux, qui les dépassèrent en quelques instants. Luther les observa, sans surprise. C’était Tiago et Yvan. Luther ralentit son cheval, et fit signe à ses hommes de faire de même. Il était désormais temps de céder le commandement.

— Votre Excellence, dit le garde avec déférence. Au nom de Sa Majesté la reine, je vous souhaite un bon retour dans notre cité. Sa Majesté se réjouit de vous voir sain et sauf.

— Oui, oui, marmonna Tiago. Laissez-nous entrer à présent, Liam, je suis éreinté.

Mais l’homme secoua la tête et dit d’un ton contrit.

— Sauf votre respect, Votre Excellence, nous devons inspecter vos hommes.

— Est-ce absolument nécessaire ? demanda Tiago, l'air profondément ennuyé.

— Je le crains, répondit Liam d’un air sombre.

Luther ne put s’empêcher de ressentir une pointe d’admiration envers Liam. Ce dernier campait sur ses positions malgré l’insistance du prince. Il lui reconnaissait un courage certain. Le regard ironique que lui lança Tiago le tira aussitôt de ses pensées.

— Dans ce cas, mon cher frère se chargera de superviser les fouilles.

Sans attendre la réponse de Liam, il éperonna son cheval et pénétra dans la cité, suivi par Yvan.

Luther aurait juré apercevoir une grimace fugace sur la bouche épaisse de Liam, avant que ce dernier ne reprenne son habituelle impassibilité.

— Nous avons un prêtre, lui dit aussitôt Luther. Il faut l’escorter à la porte du Temple.

— Nous n’avons pas été avisé, rétorqua Liam.

Luther lui tendit une liasse de parchemins, tous marqués de l’heptagramme du Temple.

— Il a été mandaté par un haut prêtre de Loth pour bénir notre expédition. Voyez-vous même, tout est en ordre.

Le soldat étudia les papiers pendant un temps qui lui parut interminable. Il pouvait entendre derrière lui les chevaux piaffer d’impatience, et les hommes manifester leur agacement. Luther quant à lui faisait de son mieux pour empêcher son corps de se crisper d’angoisse. Une goutte de transpiration descendit lentement le long de son dos, tandis que Liam finissait de lire le dernier feuillet. Lorsque ce dernier posa son regard suspicieux sur lui, il crut un instant qu’il avait été percé à jour. Toutefois, il n’en laissa rien paraitre, et conserva une attitude impassible. Liam finit par se tourner vers l’un de ses hommes.

— Toi ! ordonna-t-il sèchement. Tu sais ce qu’il te reste à faire.

Tandis qu’un homme tiré de sa rêverie escortait un Urbain qui ne faisait aucun effort pour masquer sa terreur, Liam s’adressa aux gardes derrière lui :

— Vous autres, débutez la fouille sur le champ !

Ses hommes s’éparpillèrent. Il eut un sourire contrit en direction de Luther.

— Votre loyauté n’est point remise en cause. Une simple précaution. Mais je ne vous apprends rien, n’est-ce pas ? Ce n’est pas votre première expédition, vous êtes rompu à l’exercice. Ceci dit, j’ai entendu dire que ce serait peut-être la dernière ? Des rumeurs sans fondement, sans doute … Je sais à quel point Sa Majesté vous tient en haute estime…

Une lueur mauvaise dans le regard, Liam s’éloigna, le laissant seul, bouillonnant de rage sous la lumière rougeoyante du ciel. Le retour à la capitale s’annonçait aussi mal que prévu.