Fyctia
Chapitre 12.1
Béni soit celui qui trouve le chemin de l’Ascension. Son nom sera écrit dans les étoiles, et son âme trouvera sa place parmi les saints des saints.
Extrait des Saintes Ecritures, livre premier.
La tempête de neige prit fin aux premières lueurs de l’aube. Des cargaisons de nourritures avaient été ravagées et la neige avait rendu les réserves de bois inutilisables pour longtemps. L’humeur des hommes était on ne peut plus maussade. Mais Luther s’était levé, mu par une résolution nouvelle. Il sortit de sa tente et le froid sec transperça la peau de son visage. Non loin de là, les hommes s'affairaient autour d'un charnier de corps gelés qui s'amoncelaient en un monticule macabre. Urbain purifiait les corps en leur administrant les derniers sacrements. Il priait en langue ancienne, la main droite levée à hauteur de sa tête. Quelques esclaves assistaient à la cérémonie en silence. Ils lançaient néanmoins des regards désapprobateurs en direction du prêtre. La cérémonie devait être à des années lumières de leurs habitudes.
Il avança et aperçut Thomas occupé à aiguiser son épée. Concentré sur sa tâche, il ne le vit pas arriver. Luther s’assit face à lui et se servit un bol de bouillon fumant.
Surpris, Thomas leva la tête. Le reconnaissant, il esquissa un sourire.
— Commandant ! Tu es bien matinal.
Tandis que Luther prenait place face à lui, il se remit à frotter la lame de son épée en soupirant. Le crissement lui arracha une grimace.
— Sacrée tempête… dit Thomas.
— Oui… c’est étrange, si tôt dans l’année. Quelles sont les pertes ?
— Aucune parmi les soldats, commandant. Pour ce qui est des captifs, Jared est en train de s’occuper du comptage. Mais pas plus d’une cinquantaine.
Luther grimaça. Cinquante esclaves morts durant la traversée des montagnes, cela risquait de déplaire à la Reine. Il porta le bol à ses lèvres. Le liquide chaud se déversa dans sa gorge et lui fit du bien. Son estomac maltraité par le repas frugal de la veille gargouilla de contentement. Il reposa le bol par terre et s’essuya les lèvres avec sa manche.
—Jared, Calhoum et moi-même avons eu une conversation des plus vives hier soir après ton départ.
Luther ne répondit rien. Il lui jeta un regard appuyé pour l’encourager à poursuivre.
— Jared a fini par entendre raison. Mais Calhoum a rejoint ses quartiers, furieux, après nous avoir traité de tous les noms. Jared dit qu’il l’a entendu geindre et prier toute la nuit.
Luther leva un sourcil interrogateur.
— Ainsi, Jared se range de notre côté ?
— Jared est lent à la détente, mais il t’est loyal, confirma Thomas avec un large sourire. Aucun de nous de veut mourir au milieu du désert, transpercés au cœur par des serpi de goumis assoiffés de vengeance. Ce serait se jeter dans la gueule du loup. La voix de la raison nous appelle, il serait stupide de ne pas l’écouter. Jared est peut être un peu froussard sur les bords, mais il n’est pas idiot. Il pense qu’à nous trois, on peut faire entendre raison à Sa Majesté.
Après un moment de silence, Luther demande de manière abrupte :
— Et tu crois qu’elle nous écoutera, Thomas ?
Thomas éclata d’un rire sonore. Il répondit en secouant ses boucles cuivrées d’un geste élégant.
— Commandant, tu diriges la plus grande armée du continent. Si elle ne te prête pas une oreille attentive de son plein gré, nous saurons faire en sorte qu’elle nous écoute. Je me battrai à tes côtés si cela s’avère nécessaire.
— Nous risquons nos têtes.
— La belle affaire ! Elle n'osera pas s'en prendre à toi de front.
— Tu as prêté serment à la Reine, pas à moi.
— La Reine sera contrainte de plier si plusieurs de ses officiers s’élèvent contre cette folie. Elle est cruelle et inconséquente, mais pas stupide. Ce qu’elle demande est suicidaire. Nous lui ferons entendre raison, tu verras, si le conseil ne s’en est pas déjà chargé. J'ai entendu dire que certains membres sont loin d'être des imbéciles. Aucun d'entre eux ne souhaite subir une débâcle militaire.
Luther s'abstint de répondre. Le conseil ? Une bande de nobliaux à la botte de sa mère, plus attachés à conserver leur influence et leur richesse qu’à protéger la stabilité du royaume. Il lui semblait hautement improbable que son opinion ou celle de ses hommes ait une valeur quelconque aux yeux de la Reine ou des membres du conseil.
Il regarda Thomas faire briller sa lame sans rien dire, plongé dans ses réflexions. Une angoisse sourde montait dans sa poitrine, tandis qu’il songeait au secret qui pesait sur lui, et qu’il ne pouvait révéler à Thomas, au risque de l’épouvanter davantage. Contester un ordre de guerre hasardeux était une chose, envisager une haute trahison en était une autre. C'était une voie où personne, même pas Thomas et sa tête brûlée, ne pouvait le suivre.
Les hommes achevèrent les préparatifs et la procession était prête à partir. Luther chevaucha Aslan jusqu’à la tête du groupe. Il s’apprêtait à donner le signal de départ lorsqu’une pensée lui traversa l’esprit comme un éclair. Il héla Arthus et lui tendit sa cape.
— Apporte ceci à Aenid.
Arthus saisit le tissu épais doublé de fourrure sans un mot. Luther se rappela la partie de chasse donnée par son oncle à Loth en l’honneur de la visite d’un illustre vassal. Il s’était fait remarquer en tuant deux loups à lui seul. Déménor lui avait fait cadeau des fourrures. Le tailleur qu’il avait chargé de faire doubler sa cape avait pris la liberté d’ajouter de fines broderies d’or lorsqu’il avait appris son ascendance. Cette cape était probablement le bien le plus précieux qu’il avait en sa possession. Il regarda Arthus s’éloigner, tandis qu’une douce chaleur envahit ses membres. Il repensa à la femme qu’il avait tenu dans ses bras la nuit dernière. Lorsqu’elle lui rendrait sa cape, elle serait imprégnée de son odeur. Luther aurait voulu qu’elle ne disparaisse jamais.
Le soleil brilla dans le ciel toute la journée, réchauffant peu à peu les corps. Ils franchirent le dernier col de montagne durant l’après-midi. La forêt de pins s’étendait à perte de vue. Myr n’était plus qu’à quelques heures de marche. Il poussa un soupir de soulagement. La perspective de déguster un repas consistant et de dormir dans un lit confortable lui fit accélérer la cadence de son cheval. Les hommes autour de lui adaptèrent leur vitesse en conséquence. Tous comprirent que l’épuisant voyage arrivait à son terme. Tout à coup, des cris provenant de l’arrière percèrent leurs oreilles toujours aux aguets.
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A l'Encre de mon Sang
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Mary Lev
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clecle
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