Fyctia
Chapitre 9.7
Armand, sonné, se rassit avec lenteur. Luther commençait à comprendre où le prêtre voulait en venir. Ce dernier continua son explication, son regard rivé sur Luther.
— Dieu a dit dans sa révélation à notre Seigneur Loren, béni soit-il : « tu règneras sur ce pays, et ton sang règnera après toi, pour des siècles et siècles ». Seule la lignée royale de Lorient est autorisée à régner sur notre terre sacrée. Telle est la volonté de Dieu. Dans sa tentative d’imposer son fils illégitime sur le trône, Sa Majesté s’est rendue coupable d’un crime envers notre loi divine, le crime le plus grave qui soit, punissable en vertu des lois du Temple.
— Vous avez besoin de la lettre que j’ai reçue de mon oncle, afin de l’utiliser durant le procès, dit Luther.
— Vous devez me confier cette lettre, confirma Lucius. C’est la preuve irréfutable que votre frère n’est pas l’héritier légitime, et que vous devez régner à sa place. Lorsque cette lettre sera parvenue aux mains de l’archevêque, le procès de Sa Majesté s’ouvrira.
— La cour est-elle informée des projets du Temple ? demanda Luther avec inquiétude.
Lucius secoua la tête.
— Ce projet est connu de moi seul.
— Ne craignez-vous pas la réaction de Sa Majesté si elle venait à tout découvrir ? demanda Luther.
— Ce qui pourrait m’arriver dans cette vie n’a pas la moindre importance. Je ne vis que pour Le servir, je ne suis que Son humble instrument. Ma mission est de faire respecter Sa loi et Sa volonté sur cette terre, en son Nom. Je ne crains qu’un chose mon Seigneur : Son courroux, terrible, qui s’abattrait sur moi si je manquais à mon devoir.
C’était bien là une réponse d’homme du Temple. Luther ne pouvait s’empêcher d’être surpris par la ténacité du vieil homme, qui était prêt à faire décapiter sa propre souveraine sans sourciller. Il osa poser la question qui le tenaillait depuis le début de leur entretien :
—Certains hauts prêtres alliés à la cause de Sa Majesté pourraient s’opposer à la tenue du procès, et tenter de le faire annuler.
— Une fois la lettre authentifiée, nul n’osera s’opposer à la volonté de Dieu.
— Si vous vous trompez, mon père, nous sommes morts, tous autant que nous sommes.
Armand semblait regretter profondément sa venue. Lucius avait jusqu’alors contenu sa répulsion envers l’homme de loi et s’était contenté de faire comme s’il n’existait pas. Ses efforts prirent fin à cet instant.
— Certains hommes sont prêts à payer de leur vie leur sens de la justice et de la probité. Il n’est guère surprenant de constater que vous ne pouvez le comprendre. Vous n’êtes qu’un petit scribouillard arriviste, cupide et dépourvu du moindre sens de l’honneur. Vous n’êtes bon qu’à gratter du papier et à soutirer de l’argent à ce pauvre Déménor bien trop naïf, en profitant de sa faiblesse. Vous êtes répugnant ! Ne croyez pas que ces mariages illégaux que vous autorisez m’ont échappé !
Le sang quitta le visage rebondi d’Armand. Pour la première fois, Luther vit une lueur briller dangereusement dans le regard d’ordinaire débonnaire.
— Tous ces mariages étaient parfaitement en règle, éructa Armand, hors de lui. A ma connaissance, il n’est fait mention nulle part dans les Saintes Ecritures de la couleur de peau ou de cheveux que doit exhiber une femme pour être mariée à un homme du continent.
— Ces femmes sont des païennes ! hurla Lucius. Jamais je ne les accepterais au sein de ma chapelle ! Peu importe vos immondes bidouillages judiciaires !
Il était difficile de déterminer lequel des deux était plus en colère. Armand sifflait de rage comme un gros chat affamé à qui on refuse sa ration supplémentaire. Lucius avait le teint plus pâle qu’un morceau de parchemin et ses poings serrés menaçaient de s’abattre à tout instant sur le nez proéminent de l’homme de loi.
— Assez, intervint Luther d’une voix sèche. Ce n’est pas le moment.
Les deux hommes se jaugèrent un instant du regard. Puis Lucius exhiba une expression de mépris et tourna la tête vers Luther :
— La tenue de ce procès ne peut avoir lieu sans votre consentement, expliqua-t-il d’une voix à nouveau calme. Il vous revient de prendre cette décision on ne peut plus délicate.
— Avez-vous seulement songé que Sa Majesté pourrait mobiliser les forces armées pour renverser le Temple afin de remplacer ses membres par des prêtres plus favorables à sa cause ? demanda Luther.
— Les chevaliers du Temple n’obéissent qu’à Sa Sainteté Boniface II de Longpré, dit Lucius d’un ton hautain. Ils lui ont juré fidélité au nom de Dieu. Sa Majesté n’a aucune possibilité de se faire obéir par eux.
— Oui, mais les gardes royaux…
— Vous-même êtes à la tête de la plus grande armée du continent, coupa Lucius. Vos chevaliers ont prêté allégeance à Sa Majesté, mais la plupart refuseront de se retourner contre leur commandant. De plus, vous n’aurez aucun mal à prendre la tête des hommes du seigneur Déménor, qui prendront fait et cause pour vous lorsque la vérité leur sera révélée.
— Vos hypothèses sont on ne peut plus hasardeuses lorsqu’il s’agit de la survie du Seigneur Lorient…dit Armand d’un ton sarcastique.
— Et les gardes Royaux ? intervint Luther. Comment les empêcher d’exécuter ceux qui tenteront d’arrêter Sa Majesté ?
— Les hommes de la garde ne sont pas des chevaliers, répondit Lucius avec dédain. Ils n’ont pas d’honneur, et ne prêtent aucun serment. Ce ne sont que de vulgaires mercenaires, venus des quatre coins du continent. Ils se rangeront du côté de celui qui les paie.
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cedemro
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Il y a un an
Mary Lev
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A l'Encre de mon Sang
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WildFlower
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LuizEsc
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Marion_B
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Cécile Marsan
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