Fyctia
Chapitre 9.5
Quelques instants plus tard, Luther et Armand chevauchaient côte à côte le long du sentier qui menait au Prieuré. Ils traversèrent les champs environnants. L’automne était bien avancé. La campagne se couvrait d’un tapis jaune-orangé. Les arbres dénudés tendaient leurs branches grêles et dénudées vers le ciel pour espérer saisir la lueur fugace d’un soleil qui se faisait rare. Ils croisèrent quelques serfs qui ne levèrent pas la tête à leur approche, occupés à préparer la terre pour l’hiver qui viendrait bientôt. Les enfants en revanche, couraient à leurs trousses en lançant des exclamations joyeuses. Luther sourit en voyant Armand leur jeter quelques friandises de sa réserve personnelle.
— J’aime tellement les enfants, confia-t-il à Luther avec une expression tendre sur le visage. C’est un grand regret pour moi de ne pas en avoir.
— Il n’est pas trop tard. Vous n’êtes pas encore tout à fait gâteux.
— Je crains que mon destin ne me conduise à une vie de vieux garçon, soupira-t-il.
Luther ne répondit rien. Armand était un piètre cavalier. Il tressautait sur sa selle à chaque obstacle. A chaque fois que Luther tentait d’accélérer le pas, Armand poussait des petits cris aigus et stridents. Luther avait l’impression de chevaucher aux côtés d’une jeune fille effarouchée et inexpérimentée. Il évitait soigneusement de le distraire, craignant qu’il ne tombe de son cheval. Mais Armand ne semblait pas partager ses craintes et reprit la parole d’un ton joyeux :
— Vous devriez songer à prendre une femme sans trop tarder, mon jeune Seigneur ! dit-il en lui lançant un clin d’œil qui failli lui faire perdre l’équilibre. Certaines rumeurs vous dépeignent comme un homme froid, dont l’âme dure est peu encline au mariage. Il vous faut cesser de décourager toutes les jeunes filles de la capitale !
Luther sourit avec amertume :
—Je suis un bien mauvais parti. Aucune femme n’a jamais manifesté le moindre intérêt de devenir mon épouse.
—Je ne nie pas que votre situation personnelle soit peu avantageuse pour le moment, s’entêta Armand. Cependant, il ne faut pas se décourager. Je suis moi-même un excellent entremetteur, et je puis me vanter d’avoir été à l’origine du mariage de votre oncle ! Si vous me permettez de vous accompagner à Myr, je serai ravi de vous rendre le même service.
Luther le regarda un instant avant de demander :
— Savez-vous que mon frère doit épouser la Princesse de Téloré ?
— Evidemment ! répondit Armand, les yeux pétillants. Quelle grandiose cérémonie en perspective. Je n’ai jamais rencontré la princesse, mais on dit d’elle qu’elle est la plus charmante et la plus instruite de toutes les femmes nobles des Terres fragmentées. C’est un parti très enviable pour son Excellence.
— Un parti très enviable, en vérité, confirma Luther. Dès le mariage prononcé, Tiago s’assurera le contrôle absolu des îles du Nord. Ma mère a œuvré pendant des années pour finaliser cette alliance.
— Certainement. Le Duc de Téloré devait littéralement crouler sous les propositions pour sa fille aînée. Je n’ose imaginer la difficulté pour sa Majesté…
—La Reine a certainement usé des moyens les plus vils pour le faire consentir à cette union. La famille de Téloré a toujours pris le plus grand soin de tenir ma famille à distance. Aux yeux du Duc, rien n’est plus important que leur indépendance. On ne peut qu’imaginer de quelle manière Sa Majesté est parvenue à ses fins.
Armand demeura songeur. Au bout d’un moment, il leva la tête et demanda :
— Pourquoi me racontez-vous tout cela ? Quel rapport avec vous ?
— Quel que soit le mal que vous vous donnerez pour me trouver une épouse, Sa Majesté ne vous laissera pas mener à bien votre projet. Vous risqueriez même de l’irriter considérablement.
Armand ne dit rien. La fin du voyage s’effectua en silence, au grand soulagement de Luther. Au détour du sentier, ils aperçurent le mur de pierre couvert de lierre du prieuré, Armand soupira :
— Enfin, nous voilà arrivés, dit-il en grimaçant. Je n’en peux plus. Il est inconcevable que ce vieux prêtre rabougri s’obstine à ne pas vouloir s’installer au château. Nous avons pourtant pris soin de rénover la vieille chapelle…
— Il serait malavisé de le questionner sur ses choix en cet instant, répliqua Luther. Contentez-vous de rester muet et laisser moi lui parler.
Armand se rembrunit. Ils traversèrent la porte en fer forgé surmontée d’une étoile à sept branches, chacune représentant l’un des sept piliers de la foi sacrée de Loren. Les chevaux arrivèrent devant une modeste demeure en pierre. L’immense jardin qui entourait la maison était mal entretenu ; les orties et les chardons envahissaient les parterres de fleurs. Derrière, Luther aperçut un immense verger. La plupart des fruits pourrissaient sur le sol. Lorsqu’il descendit de cheval, l’herbe lui arriva presque à la taille.
Armand quitta sa selle avec maladresse et faillit se rompre le cou. Il se rattrapa de justesse au bras d’un jeune garçon venu à leur rencontre. Armand le dévisagea avec une lueur d’intérêt, tandis que le jeune garçon reculait d’un air gêné :
— Mes Seigneurs, j’vous souhaite qu’vous soyez les bienvenus ! J’men va m’occuper d’vos chevaux. L’vieux vous attend à l’intérieur, à c’qui m’semble. Entrez donc, la vieille vient d’mettre l’eau à cuire !
Il leur offrit un large sourire. Armand le remercia et le jeune garçon s’empressa de s’occuper de leurs chevaux. Le vieil abri vers lequel il se dirigeait semblait sur le point de s’effondrer.
L’intérieur de la maison, contrairement à l’extérieur, était impeccable, propre et bien rangé. Il y régnait une agréable odeur de pain cuit et de fruits mûrs. Ils pénétrèrent dans une large pièce où un feu de cheminée était allumé. Des chaises disparates étaient disposées autour d’une petite table, sur laquelle un pot rempli d’eau chaude fumait. Une femme d’âge mûr entra dans la pièce et s’inclina en se tenant la hanche :
— Bienvenue dans notre humble demeure, mes seigneurs, dit-elle. Mon maître va vous rejoindre d’ici peu, il termine un parchemin de la plus extrême importance.
33 commentaires
WildFlower
-
Il y a un an
A l'Encre de mon Sang
-
Il y a un an
Mary Lev
-
Il y a un an
Marie Andree
-
Il y a un an
Mary Lev
-
Il y a un an
clecle
-
Il y a un an
Mary Lev
-
Il y a un an
Jill Cara
-
Il y a un an
Mary Lev
-
Il y a un an
Gottesmann Pascal
-
Il y a un an