Fyctia
Chapitre 9.3
L’atmosphère dans la chambre de Déménor était étouffante. Il y régnait une odeur particulière, un mélange d’herbes amères et d’urine. Son oncle était à demi allongé sur le lit à baldaquin. Son teint cireux avait une teinte grise inquiétante. Il respirait avec difficulté : son souffle rauque peinait à soulever sa poitrine nue. Sa couverture était jetée à ses pieds, révélant ses mollets gonflés comme des colonnes de marbre. Raina s’affairait à son chevet, les traits tirés. Le cœur de Luther se serra. Il lui paraissait désormais évident que la sorcière avait épuisé ses ressources. La fin était proche.
Il s’approcha et s’assit au bord du lit. Raina s’approcha de son oreille.
— Son cœur lâche, Siddi, murmura-t-elle, je ne peux plus rien faire pour lui.
Luther la regarda. Ses yeux étaient cernés de violet. Sa chevelure grise s’emmêlait au-dessus de son crâne comme un nid d’oiseau. De larges auréoles de transpiration s’étalaient sur sa tunique rapiécée, et ses jambes tremblaient d’épuisement à chaque pas qu’elle faisait, comme une branche d’arbre qui craque sous le vent.
— Retire-toi, ordonna-t-il.
Elle s’inclina et quitta la chambre d’un pas irrégulier. Lorsque la porte se referma derrière elle, Déménor ouvrit péniblement les yeux et fit un effort démesuré pour sourire.
— Il semble que la science médicinale des territoires du Sud ait trouvé ses limites.
Luther sentit les larmes lui monter aux yeux. Il serra les mains de son oncle dans les siennes.
— Mon oncle…
— Ne dis rien.
Il ferma les yeux. Une longue quinte de toux le prit. Son dos fatigué se cambrait dans l’effort. Ses poumons pleins d’eau tentèrent d’évacuer le trop plein, sans succès. Il se rallongea, le souffle court. Ses lèvres bleues étaient celles d’un noyé.
— Le grand prêtre de Loth … te recevra … dans l’après-midi, haleta-t-il d’une voix rauque.
— Mon oncle, n’y a-t-il pas une autre voie ? dit Luther d’un ton suppliant. En négociant avec Sa Majesté, en échange de cette lettre…
— Dès l’instant où Sa Majesté apprendra que cette lettre se trouve en ta possession, tu seras un homme mort.
Luther frissonna. Puis, une colère noire se déversa dans tout son être.
— Je n’ai jamais désiré tout cela. Je n’ai jamais voulu compromettre le règne de mon frère. Je voulais simplement vivre en paix, ici, près de vous…
Déménor le regarda. Ses yeux étaient embués, pleins d’eau. Mais aucune larme ne coula sur les joues de Déménor, et sa voix ne trembla pas :
— Puisses-tu un jour trouver la paix, mon garçon… je te le souhaite de toutes les forces de ma vieille carcasse.
— Souvent, j’ai souhaité être l’un d’eux, avoua Luther. J’ai souhaité être un Nassin. Libre dans le désert, chevauchant dans le vent. Sentir le sable chaud dans mes cheveux, et la brûlure du soleil sur ma nuque. J’ai prié pour trouver la mort sur le champ de bataille. Mais le seigneur Loren n’a pas daigné m’exaucer.
—Ton destin n’est pas de mourir dans les terres du Sud, répondit Déménor d’un ton sans appel. Ton destin est à Myr. Tu seras roi, avec ma bénédiction et celle du Temple. Puisse notre seigneur Loren m’entendre et m’exaucer.
Luther ne savait quoi répondre. Il avait l’impression de se réveiller d’un long sommeil. La réalité le heurtait de plein fouet. Il vivait les évènements en clignant des yeux comme un homme aveuglé par le soleil après une longue obscurité, cherchant ses repères à tâtons. Il redevenait maitre de ses sens peu à peu, comme après une longue ivresse, dans un monde qu’il ne reconnaissait plus.
La révélation de son oncle avait précipité sa vie dans les abîmes, et l’obligeait désormais à faire face au jeu trouble et vicié de la vie politique de Myr. Un jeu mortel.
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cedemro
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mariecolley
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A l'Encre de mon Sang
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