Fyctia
Chapitre 8.4
Luther lui lança un regard d’encouragement. Il finit par avouer :
— Nous sommes chargés de récupérer le bétail des Nassin, une fois que leur clan été exterminé.
— Le bétail ?
Luther était estomaqué. Rod se dépêcha d’expliquer.
—Nous profitons de la vulnérabilité des clans. Le plus souvent, on ne trouve que quelques vaches ou moutons qui trainent ici et là. Mais parfois, on tombe sur de bonnes affaires. Une fois, j’ai récupéré un élevage entier de chevaux pur-sang. Ils valaient une fortune. Leur propriétaire aura été tué dans l’une de tes expéditions.
Il y avait un mélange de fierté et de joie dans son visage. Luther, lui, ressentait de l’amertume. Les activités exercées par la confrérie étaient aussi illégales qu’immorales. Cependant lui-même traquait et réduisait ces gens en esclavage depuis plus de cinq ans. Il n’était pas en position de critiquer les agissements de Roderick. Lisant la désapprobation dans son regard, Rod eut l’air inquiet.
— Ne te méprends pas Luther. Nous sommes obligés de payer une taxe importante à la couronne à chaque revente.
— Ne t’inquiète pas, Rod. Si tu as des ennuis avec Sa Majesté, ce ne sera pas à cause de moi.
Rod retrouva instantanément sa bonne humeur.
— Je savais que tu étais resté un chic type. Pourquoi ne viendrais-tu pas diner chez moi ? Ma femme et mes filles en seraient abasourdies. Elles ne m’ont jamais voulu me croire quand je leur racontais que j’avais été le frère d’arme d’un prince ! Mais je crains que ma modeste demeure ne sied pas à un seigneur de ton rang.
— Rien ne m’interdit de rendre une visite informelle à un vieil ami.
Un large sourire se dessina sur le visage de Rod, fendant presque son visage en deux.
— A la bonne heure ! Je suis honoré, très honoré ! Tu seras reçu comme un roi !
— Je ne suis pas un Roi, Rod, pas même un prince. Mais si ta femme est bonne cuisinière et que tu as du bon vin, qui suis-je pour refuser un tel traitement !
Ils s’esclaffèrent de concert. Un groupe de musiciens était apparu au cours de la soirée, et certains hommes entrainaient les servantes dans des danses endiablées. Tout se produisait sous les yeux à la fois amusés et attentifs de Déménor qui veillait à éviter le moindre dérapage. Mais l’humeur générale était à la fête. Luther croisa le regard de son oncle et ils levèrent leur coupe à l’unisson, échangeant un clin d’œil.
— Tiens tiens, qui voilà ! murmura soudain Rod, en regardant derrière l’épaule de Luther.
Armand se dirigeait vers eux en titubant.
— Vos retrouvailles me font chaud au cœur, messieurs ! Je craignais que ce bon Roderick ne trouve jamais le courage de venir vous aborder !
— C’est faux ! se révolta Rod. Je cherchais seulement le moment idéal. Je ne suis nullement intimidé par le nouveau statut de Luther. Pour moi, il sera toujours le garçon aux fesses rougies par le fouet de Luis !
Armand se retint de rire à grand peine. Il constata que Luther et Rod ne se privèrent pas, et il se joignit à eux.
— Tu parles ! Les tiennes l’étaient deux fois plus que les miennes ! Je me souviens bien que tu prenais ton petit déjeuner debout pour soulager ton postérieur endolori !
— Mon Seigneur parle d’expérience ! ironisa Rod. La douleur de son propre postérieur l’a empêché de monter à cheval une semaine durant !
— Tu exagères, une journée à peine !
Armand suivait leur échange d’un air amusé.
— Heureusement qu’il n’y a pas de dame présente. De chastes oreilles pourraient être incommodées par tous ces postérieurs dont il est question !
—Les femmes que j’ai connues n’ont pas si froid aux yeux, répliqua Rod.
— Ah oui ? Je serais curieux de savoir de quelles femmes tu parles ! se moqua Luther.
— Je ne parle pas des femmes dans les bordels. A peine avez-vous eu le temps de leur faire votre affaire qu’il faut allonger la monnaie et déguerpir, pour laisser place au client suivant. Non, je parlais des femmes du Sud. Si belles, avec leur peau dorée et leur cheveux sombres. Et quel tempérament ! De vraies lionnes, difficiles à dompter. Mais lorsqu’un homme chanceux y parvient …
Il avait l’air rêveur tout à coup. Luther fut pris d’un doute.
— Ta femme… elle vient du Sud ?
— Oui avoua-t-il. Je l’ai achetée à un marchand d’esclaves il y a plusieurs années. Je voulais en faire une servante. Mais finalement, je l’ai épousée. Nous avons trois filles, et je suis comblé.
Luther le regarda, horrifié.
— Rod, il est formellement interdit à un homme du continent de prendre une femme parmi les esclaves Nassin. La loi du Temple est très stricte.
— Ce que vous décrivez mon Seigneur est la loi qui prévaut dans la capitale, intervint Armand. Les choses ici sont bien différentes. Loth est une ville proche des territoires du Sud. Avant les guerres de purifications de la Reine, nous entretenions de bonnes relations commerciales. Depuis, les choses ont changé. Mais ici les peuples du Sud n’ont pas si mauvaise presse. Les mariages mixtes, bien que rares, sont tolérés. Nous veillons simplement à ce que les promis soient libérés de leur contrat de servitude et convertis à la foi de notre Seigneur Loren, béni soit-il.
Luther demeura pensif. A Myr, les Nassin étaient considérés comme du bétail. Si une telle union se produisait, elle ne manquerait pas de susciter dégout et moqueries. Dans le pire des cas, les tribunaux du Temple s’en mêleraient et l’excommunication du contrevenant lui assurerait de purger une peine supplémentaire dans l’au-delà.
Il frissonna. Visiblement, ce pauvre Rod ne se rendait pas compte de la gravité de sa situation. Il se demanda de quelle manière Tiago réagirait en apprenant les activités illicites et le mariage contre nature de son ami. Il prit aussitôt la parole.
— Rod, surtout pas un mot de tout ceci lorsque tu te trouves à proximité de son Excellence. Il ne partage pas ta vision des choses, de toute évidence.
— Sois sans crainte. Je ne suis pas assez fou pour imposer à Son Excellence avec les détails insignifiants de ma vie. Je suis moins qu’un cafard à ses yeux. D’ailleurs, regarde, il est parti.
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