Fyctia
Chapitre 8.5
Luther examina le siège désormais vide de son frère. Il se demanda quelle mouche avait piquée Tiago pour qu’il quitte la réception aussi tôt. Il aperçut alors Yvan traverser la salle du banquet en trainant une femme par le bras. Luther les suivit du regard. La fille se débattait et Yvan, agacé, se retourna pour lui asséner un violent coup sur la joue. Elle vacilla. Il avait gardé son armure d’acier et le sang de la fille tachait son gantier en métal. Yvan jura et la saisit avec violence. Elle se montra plus docile. Juste avant de sortir de la salle de banquet, elle leva les yeux, cherchant désespérément de l’aide. C’est alors que Luther la reconnut.
Il jura et se précipita à leurs trousses. Il les rattrapa et dépassa Yvan qui s’immobilisa à sa vue. Luther saisit la poignée de son épée.
— Lâche la, ordonna-t-il d’un ton menaçant.
Yvan était un géant. Le voir d’aussi près était impressionnant. Il semblait fait entièrement de muscles et d’os. Son armure accentuait la puissance de son corps. Yvan s’était illustré à maintes reprises au cours de nombreux duels dans la capitale. Luther avait pu y admirer de quelle manière il taillait en pièce son adversaire. Il était lui-même l’un des meilleurs hommes d’armes du continent, et Yvan faisait partie de ceux qu’il n’était pas sûr de vaincre. Malgré tout, Luther continua de le fixer d’un air sévère. Yvan s’inclina et parla d’une voix trainante.
— M’Seigneur, pardonnez-moi de n’pouvoir vous obliger. J’ai reçu un ordre très strict de son Excellence. C’est une esclave, et non une servante de Déménor. V’pouvez le vérifier à son air de métèque. V’n’avez rien à dire, j’en ai peur.
Pensant le débat clos, Yvan contourna Luther et traina à nouveau la fille derrière lui. Aenid lui jeta un regard suppliant. Sa joue était rouge, et sa pommette était fendue par une large plaie de la taille d’un pouce. Luther sentit la colère monter en lui. Il s’interposa.
—Cette esclave est à moi, et tu viens de lui faire subir des dommages qui risquent de faire baisser sa valeur.
Yvan cligna les yeux à plusieurs reprises, confus. Il répliqua :
— M’Seigneur, d’quoi parlez-vous ? L’partage du butin de guerre n’a pas eu lieu, et vous n’pouvez prétendre à posséder quoi que ce soit sans l’accord de sa Majesté.
— Son Excellence a donné son accord et tout est en règle. Elle a été marquée. Vérifie par toi-même.
Un doute brilla dans les yeux d’Yvan. Il relâcha sa prise. Aenid en profita pour retirer son bras et se placer derrière Luther. Ce dernier baissa l’encolure de sa robe pour révéler la marque rouge sur son bras.
Yvan s’approcha. L’obscurité du couloir rendait difficile l’examen. Une servante apparut, transportant une lampe à huile. Yvan se rendit alors compte qu’il avait commis une erreur monumentale.
— M’Seigneur, j’vous prie de bien vouloir me pardonner. J’n’avais aucune idée que cette misérable était votre propriété. J’dois avoir mal compris les instructions d’Son Excellence.
Il s’inclina et s’éloigna d’un pas rapide. Aenid tremblait de manière incontrôlable. Luther remonta le tissu de sa robe.
— Tu as froid ? Tiens.
Il défit sa cape et l’étendit sur les frêles épaules. Elle lui jeta un regard perdu. Il prit son menton et leva son visage. Il examina sa blessure.
— Cette brute ne t’a pas épargnée, mais ce n’est pas trop grave. Dans quelques jours, il n’y aura plus rien.
Il vit ses yeux se remplir de larmes. Elle était sous le choc. Il eut envie de la serrer dans ses bras et de lui chuchoter des paroles réconfortantes. Il était en train d’y songer sérieusement lorsqu’il entendit la voix d’Armand derrière lui.
— Que s’est-il passé ? Cette brute d’Yvan a violenté une servante du château ? C’est bien chevaleresque de votre part d’avoir volé à son secours, mon Seigneur. Oh !
Il se tut, reconnaissant Aenid. Derrière lui, Roderick avait l’air ahuri. Armand prit les mains tremblantes de la jeune fille dans les siennes avec douceur.
— N’ayez crainte, mon enfant. Ce malotru n’a aucun droit sur vous. Il devra même payer des dédommagements à votre maître pour vous avoir battue sans son consentement. Je vais m’assurer de rédiger le constat d’abus de bien sur le champ.
Il avait un regard sévère, et ajouta :
— Le seigneur Déménor ne tolère pas qu’on brutalise les femmes sous son toit. Je peux vous assurer que cela ne se reproduira pas.
Ces mots eurent l’effet inverse sur Aenid qui dégagea ses mains et jeta la cape comme si elle l’avait brulée. Elle s’enfuit en étouffant un sanglot. Les trois hommes se dévisagèrent, pantelants. Ce fut Roderick qui brisa le silence.
— C’est une captive du Sud ?
— Oui, répondit Luther d’une voix blanche.
— C’est incroyable qu’Yvan, simple soldat de la garde, se permette d’attenter physiquement à l’une de tes captives. Ne devrais-tu pas prendre des mesures ?
— L’ordre vient de son Excellence. Yvan ne faisait qu’obéir à ses ordres.
Les deux hommes le dévisagèrent.
— Si je puis me permettre, pourquoi ne pas obliger votre frère en lui offrant une de vos captives ? Cela pourrait contribuer à améliorer grandement vos relations.
La suggestion d’Armand l’agaça. Il en avait plus qu' assez. Il subissait les railleries et les moqueries de son frère depuis bien trop longtemps. Il avait été contraint de renier son rang pour s’exiler à Loth où il avait contre toute attente trouvé une famille aimante et disposée à faire de lui son héritier. Malgré cela, et malgré sa volonté affichée de se retirer de la vie politique de Myr, malgré ses cinq longues années à guerroyer pour le compte de Sa Majesté, il ne récoltait que des affronts. Ployer une nouvelle fois le genou était au-delà de ses forces. Il ne pouvait supporter l’idée que son frère touche Aenid d’une quelconque manière. Il ramassa sa cape par terre et prit congé sans un mot.
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cedemro
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Mary Lev
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WildFlower
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LuizEsc
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A l'Encre de mon Sang
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Gottesmann Pascal
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Marie Andree
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