Fyctia
Chapitre 8.2
Déménor commença à manger d’un bon appétit.
— Cette sorcière du Sud m’a redonné le souffle de vie, dit-il, la bouche pleine. Je me sens revigoré jusque dans mes entrailles.
Une jeune servante venait de lui servir un nouveau verre de vin et Déménor lui jeta un regard brillant :
— Ah ! si j’avais vingt ans de moins…
Luther éclata de rire.
— Si vous aviez vingt ans de moins, tante Lénore vous étriperait sur le champ.
Les yeux de Déménor exprimèrent alors une grande douceur.
— Chère Lénore… La pensée que je la rejoindrais bientôt au royaume de morts adoucit mon cœur à l’approche de la fin.
Luther ne répondit rien. Il repensa à sa tante, une femme charmante qui l’avait couvert d’affection. Une affection dont sa mère n’avait jamais fait preuve à son égard. Il se demanda si quelqu’un le pleurerait à sa mort. Ses hommes le regretteraient sans doute, mais il s’en suivrait un affrontement terrible pour déterminer son successeur au commandement. Sa propre famille feindrait de porter le deuil mais personne à la cour ne serait dupe. Il n’avait jamais inspiré de sentiment d’amour à qui que ce soit au monde, hormis Déménor et Lénore. Lénore était morte, et bientôt, Déménor ne serait plus. Il comprit soudain qu’il partageait peut-être les derniers moments en sa compagnie. L’émotion lui étreignit le cœur.
Il héla une servante en levant son verre pour tenter de cacher son trouble. Une fille épaisse vêtue de gris aperçut son geste et bouscula une jeune servante pour l’inciter à se presser dans sa direction. Il sursauta lorsqu’il reconnut Aenid. Elle avait coiffé ses cheveux sur le côté. Les mèches tombaient en cascade pour cacher la brûlure sur son épaule. Elle portait la même robe de lin gris que les autres servantes, mais à ses yeux, elle lui allait mieux qu’à toutes les autres. Il ne voyait plus qu’elle, tandis qu’elle le servait sans le regarder. Il remarqua ses mains qui tremblaient, et son regard fuyant, si différent de celui qu’elle avait posé sur lui lors de leur première rencontre. Elle n’était plus que l’ombre d’elle-même.
Lui ne pouvait détacher son regard d’elle, y compris lorsqu’elle s’éloigna et disparut de son champ de vision. Il surprit les yeux brillants de Tiago dirigés vers l’endroit où elle s’était trouvée quelques instants auparavant. Un sourire mauvais étira les lèvres de son frère. Surmontant une vague nausée, Luther s’adressa à son oncle :
— N’avez-vous pas convié le prêtre ?
— Je l’ai invité, grommela Déménor, la bouche pleine de viande et de vin. Mais ce vieil ermite refuse de quitter son prieuré. Il estime que festoyer parmi les vulgaires mortels que nous sommes l’éloigne de Dieu. Il ne viendra pas. Tant pis ! Je n’apprécie guère sa compagnie.
— Je dois m’entretenir avec lui. Je dois lui demander de bénir notre expédition avant la traversée des montagnes.
Il adressa un regard éloquent à Déménor qui comprit aussitôt le sous-entendu.
— Je vais t’arranger une entrevue. Après tout, je paie ses livres hors de prix et ses soutanes, il ne peut rien me refuser.
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MIMYGEIGNARDE
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