Fyctia
Chapitre 8.1
Il est dit dans les Saintes Ecritures que le Seigneur Loren a quitté les Terres fragmentées du Nord accompagné d’une poignée de ses hommes, il y a plus de 1500 ans. Pourquoi quelle raison ? Nul ne le sait précisément et la réponse varie selon l’humeur de l’érudit du Temple à qui vous poserez la question. Tout ce que l’on sait, c’est qu’ils ont débarqué sur le continent et se sont proclamé maîtres de cette terre si riche et si fertile, où les cultures sont plus aisées que dans les contrées glacées du Nord. Par le fer et par le sang, ils ont vaincu et chassé notre peuple, comme la brise du matin efface les dessins sur le sable. La Sadraa n’est pas seulement l’exode des Nassin vers le désert ; c’est aussi le sentiment de désespoir qui accompagne notre défaite, un désespoir qui est encore aujourd’hui notre malédiction.
Extrait des mémoires d’Aenid, livre premier.
La plupart des vassaux de Déménor avaient honoré son invitation de leur présence. L’occasion était trop belle. Les banquets à la cour de Loth n’étaient pas rares, mais la présence du Prince Royal était une aubaine que peu voulaient manquer. Son Excellence faisait rarement halte à Loth. Rares étaient ceux qui avaient eu l’occasion de le croiser. Des rumeurs circulaient cependant, dépeignant un homme froid et cruel, peu enclin à nouer des alliances si loin de la capitale. Mais les hommes de Loth leur accordaient peu de crédits et ne croyaient que ce qu’ils pouvaient constater de leurs yeux.
La fête avait commencé depuis une heure à peine. Tiago était déjà ivre. Il échangeait des paroles crues avec les hommes de sa garde. Quelques seigneurs, des vassaux de Déménor, étaient venus à lui, mais il les avait froidement congédiés. Les autres abandonnèrent vite l’idée d’échanger la moindre parole avec le Prince et se contentaient de lui jeter de temps à autre des regards désapprobateurs.
Luther pénétra dans la salle banquet, Arthus à ses trousses. Il balaya la salle de son regard assuré. Ici, il était chez lui. Certains vassaux le reconnurent et le saluèrent avec chaleur. Luther leur rendit leur salut et se dirigea vers l’estrade où Tiago était déjà attablé. Ce dernier picorait dans les plats servis avec un dégout non dissimulé. Il ne remarqua la présence de Luther que lorsque ce dernier s’adressa à lui :
— Puis je … ?
— Oui, prend place, répondit-il sans le regarder. Il lui tourna le dos et reporta son attention sur Yvan, qui lui exposait de sa voix rauque et monocorde les détails sanglants de son dernier combat en duel.
Luther s’assit. Une servante lui servit un verre de vin et lui apporta des couverts en argent. Son estomac gronda : il était affamé. Il se servit sans tarder dans les plats de viandes et de légumes rôtis. Il engloutissait sa troisième portion de viande lorsque son oncle Déménor fit son entrée.
Il semblait toujours affaibli, mais ton teint avait pris des couleurs. Ses cheveux gris avaient été soigneusement peignés en arrière, dévoilant un front haut et pâle. Il portait sa tenue de cérémonie : une éclatante tunique de velours vert ornée d’une ceinture en or. Les armoiries de la famille Nuir, un aigle survolant une cime enneigée, étaient bien visibles sur la broche qui retenait sa lourde cape sombre. Il se déplaçait avec lenteur et Luther réprima l’envie de se précipiter vers lui pour l’assister. Mais il savait que son oncle n’apprécierait pas un tel aveu de sa faiblesse. L’assistance se leva comme un seul homme et le salua avec respect. Tiago et sa garde le toisèrent sans bouger. Les lèvres fines de Tiago se retroussèrent de mépris.
Sans se formaliser, Déménor s’approcha de son neveu :
— Mes respects votre Excellence, dit-il en se mettant à genoux. Pardonnez-moi, ma santé défaillante m’a empêché de vous accueillir dignement à votre arrivée.
Tiago leva un sourcil. D’un geste vague de la main, il autorisa son oncle à se lever. Le cœur de Luther se serra lorsqu’il vit Déménor s’agripper à la nappe pour aider ses jambes enflées.
— Vous semblez avoir retrouvé un semblant de rigueur, mon oncle. J’en suis fort aise.
Son ton froid s’accordait mal avec ses paroles qui se voulaient chaleureuses.
— Votre Altesse Royale est trop bonne.
Déménor se tourna alors vers Luther :
—Luther, cher enfant ! Sois le bienvenu parmi nous. Une fois de plus, tu es revenu victorieux. Tu fais mon orgueil et ma fierté. Sois assuré de bénéficier de mon hospitalité aussi longtemps que nécessaire.
Les applaudissements des hommes furent assourdissants. Luther sentit une chaleur se répandre dans sa poitrine, tandis qu’une ombre inquiétante envahissait le regard perçant de Tiago qui se raidissait à côté de lui.
— Cela ne sera pas nécessaire, dit Tiago d’un ton cassant. Nous partirons bientôt de ce, … lieu. Dès que possible.
Déménor s’inclina dans sa direction, imperturbable.
— Comme il plaira à son Excellence.
Il s’installa ensuite à la droite de Luther et leva son verre de vin. Tous l’imitèrent, et scandèrent :
— Gloire à Loren, gloire au Royaume d’Amundir et gloire aux chevaliers de Sa Majesté !
Ils burent leurs coupes d’une traite. Après une brève hésitation, Luther les imita. Son oncle jouait un jeu dangereux. Exclure le Prince de ses louanges de façon aussi évidente et en présence de ses vassaux était une insulte jetée à son visage. Son cœur cogna dans sa poitrine. Jamais les relations entre lui et son frère n’avaient été aussi tendues. La conduite de Déménor était comme une pique plantée dans une plaie suintante. Luther commençait à redouter la réaction de leur mère, à son retour. Il déglutit avec peine. Son repas qu’il avait englouti avec appétit quelques instants plus tôt pesait lourd dans son estomac. Lorsque Tiago réaliserait qu’il lui avait dérobé son divertissement du jour … Cependant, au-delà de la peur, Luther ressentait une satisfaction profonde, un éclat de jouissance fugace, comme un enfant qui parvient à érafler la main de son adversaire au cours d’une partie de bras de fer qu’il ne peut gagner.
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CirceTheWitch
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cedemro
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LuizEsc
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A l'Encre de mon Sang
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clecle
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Gottesmann Pascal
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