Fyctia
Chapitre 7.5
La voix joyeuse d’Armand détonna dans l’atmosphère tendue. Sans en tenir compte, il se dirigea vers les esclaves. Le jeune garçon recula avec prudence, et se cacha derrière les deux femmes.
— Tu dois être Raina, la guérisseuse, observa Armand. Et toi, la jeune Aenid. Très enchanté, vraiment. Ah, te voilà, mon jeune garçon. Nous avons besoin de ton nom.
Le garçon leva son beau visage effrayé en direction d’Armand et le considéra avec étonnement. Puis, devant l’humeur joyeuse et le sourire pétillant que ce dernier lui adressait, il esquissa à son tour un sourire timide.
— Je … je m’appelle Iaonid, répondit-il d’une voix hésitante.
— Nous y voilà ! s’exclama Armand d’un ton triomphal. Tout est en ordre. Seigneur Lorient, veuillez apposer votre seau ici, et … ici.
Luther sentait le regard brulant de Aenid sur sa nuque tandis qu’il suivait les instructions d’Armand. Au bout de quelques instants, ce dernier poussa un soupir de satisfaction.
— Très bien. Il faut à présent faire parvenir ces documents au Seigneur Eloi d’Ambusse, juriste du palais. Je le connais bien, il ne fera aucune difficulté.
—Finissons-en, lâcha Luther.
A ces mots, Arthus saisit le tisonnier. Luther défit sa cape et lui tendit son insigne royal. Il le fixa habilement à l’extrémité de la tige en fer et remis l’ensemble dans le feu. Aenid et Raina se raidirent.
— Mon Seigneur, que signifie… balbutia Aenid.
Luther la regarda.
— Je suis votre maître à présent, dit-il avec douceur.
— Il ne manque qu’une seule chose, précisa Armand. Une simple formalité, quoiqu’un peu douloureuse.
Aenid serra la main de son frère dans la sienne. Raina s’avança la première et releva sa manche sur son bras grêle à la peau brulée par le soleil. Arthus y apposa le fer rougi par le feu. Un grésillement se fit entendre, et une atroce odeur de chair brûlée envahit l’air. Iaonid eut un haut le cœur, et Aenid fronça le nez. Elle lâcha la main de son frère et s’avança à son tour. Luther la regarda défaire la bretelle de sa robe. Le tissu libéra le haut de son épaule droite, et il aperçut la partie supérieure de son sein. Arthus répéta l’opération. Elle grimaça de douleur.
Iaonid posa quelques difficultés et les deux femmes durent le maintenir afin qu’Arthus puisse achever sa besogne. Quelques larmes coulèrent sur ses joues, mais les deux femmes le consolèrent rapidement.
Quand tout fut terminé, Luther congédia l’homme de loi et Arthus, qui fut chargé de raccompagner les esclaves. Lorsque Aenid se dirigea à son tour vers la porte, Luther la saisit impulsivement par le bras.
— Attends une seconde.
Ils se retrouvèrent seuls. Luther observa les initiales de son nom gravées à jamais sur la chair. Les yeux d’Aenid brillaient. La douleur qui lui avait paru supportable au moment où le fer avait été appliqué contre sa peau irradiait à présent à l’ensemble de son bras.
Luther fit quelques pas dans sa direction et effleura d’une main sa peau dénudée. Elle tressaillit. Il recula d’un pas.
— Pardonne-moi cette douleur. C’était le seul moyen.
Aenid déglutit sans répondre. Elle se contenta de baisser les yeux.
— Tu retourneras auprès de ta grand-mère et de ton frère ce soir, ordonna-t-il avec douceur. Je t’interdis d’entrer dans la chambre de qui que ce soit. As-tu compris ?
Elle leva les yeux vers lui et hocha la tête.
— Votre frère, demanda-t-elle. Sait-il ce que vous avez fait ?
Il eut un léger sourire en coin.
— Il l’ignore, et sera très fâché lorsqu’il l’apprendra.
— Mon Seigneur, je vous suis reconnaissante. Les filles qui revenaient de sa tente étaient parfois défigurées.
Elle frissonna. Elle sembla sur le point d’ajouter quelque chose avant de se raviser. Luther l’encouragea.
— Tu peux parler librement.
— Je ne savais qu’il pouvait exister tant de cruauté en ce monde.
Elle baissa les yeux, craignant sa réaction.
— Tiago est un monstre de cruauté. J’en ai été témoin à de nombreuses reprises, maudissant mon impuissance. Mais cette fois…
Il se rapprocha un peu.
— Cette fois, murmura-t-il, je ne pouvais pas rester les bras croisés.
— Vous êtes très différent de votre frère mon Seigneur.
— C’est vrai, nous n’avons rien en commun.
Elle l’observa en silence pendant un moment.
— Je ne peux m’empêcher de me demander. Vous êtes fils de Roi, et pourtant, vous n’êtes pas Prince.
Luther la fixa. Elle prit peur.
— Je ne voulais pas vous offenser. Je suis simplement curieuse.
— Je ne suis pas fâché.
Il secoua la tête avant d’expliquer :
— L’usage est que le premier enfant du Roi hérite du titre de Prince Royal. Je ne suis que le fils cadet.
— Je n’ai pas entendu vos hommes utiliser un titre lorsqu’ils s’adressent à vous.
— Je n’en possède pas. Sa Majesté n’a pas jugé utile de m’en donner un.
— Oh !
Elle rougit à nouveau, puis se reprit.
— Je veux dire… je trouve cela injuste pour vous.
Jamais Luther n’avait eu pareille conversation à la cour. Personne ne lui avait jamais témoigné la moindre compassion. Sa situation pitoyable n’avait provoqué chez ses pairs que des moqueries et un mépris à peine caché. On l’avait affublé de cet odieux surnom, le chien, dès qu’il avait pris les armes. Et voilà que cette fille, cette petite fille de rien, qui le connaissait à peine, et qu’il avait enlevée, fait fouetter, emmenée loin de chez elle pour la condamner à une vie de servitude, bouleversait tout par ces quelques mots qui lui faisaient l’effet d’une pluie d’automne après une vie de sécheresse. Il l’examina tandis qu’elle essayait de remettre la bretelle de sa robe avec maladresse.
— Attend, je vais t’aider.
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CirceTheWitch
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