Fyctia
Chapitre 6.3
Un immense lit à baldaquin occupait la quasi-totalité de la pièce. Une odeur âcre lui emplit le nez. D’épais rideau de velours rouge occultait les fenêtres, rendant l’atmosphère étouffante. Plusieurs tableaux ornaient les murs. Luther aperçut un portrait de la femme de Déménor, Lénore, morte plusieurs années auparavant en donnant naissance à un enfant mort-né. Son regard chaleureux lui rappela de doux souvenirs.
Un toussotement le tira de ses pensées. Luther s’approcha de l’homme qui était allongé dans le lit. Il était considérablement affaibli. Son teint était pâle, il avait maigri, et des cernes violettes entouraient son regard clair. Sous ses mèches de cheveux blancs, perlaient des gouttes de sueur. Ses lèvres avaient une teinte bleuâtre. Le cœur de Luther se serra. L’homme parla le premier d’une voix étouffée :
— Luther, je suis si heureux de te voir.
Luther saisit les mains glacées de son oncle et les serra dans les siennes. Une profonde pitié le saisit à la vue de ce corps jadis si fort, qui semblait à présent plus fragile qu’un parchemin de piètre qualité.
— Mon oncle, que disent les médecins ?
— Il n’y a plus d’espoir, murmura Déménor.
Sa voix était si faible que Luther dut se pencher un peu plus pour comprendre ses paroles.
Déménor se redressa avec peine et affirma sa voix.
— Pardonne-moi de t’avoir fait venir sans te laisser prendre le moindre repos, mais une affaire urgente requiert notre attention.
—Je vous écoute.
—J’ai reçu un message de Sa Majesté. A propos de la succession de la terre de Loth.
Le cœur de Luther manqua un battement.
— Si tôt ? demanda-t-il.
— Comme tu le sais, déclara Déménor, je n’ai pas d’enfant de mon sang. Mes biens reviennent donc de droit à la Couronne.
Luther savait déjà tout cela. Il se demanda où son oncle voulait en venir.
— Sa Majesté m’a informé de sa volonté de faire de toi le Seigneur de Loth, conformément à ma volonté. A une seule condition cependant.
— Quelle est cette condition ?
— Que tu mènes une guerre contre les Nassin. Que tu les extermines jusqu’au dernier.
— Les Nassin ne représentent aucune menace, répliqua-t-il. Nous sommes les oppresseurs, et ils sont nos victimes.
— Aux yeux de Sa Majesté, la seule existence de ce peuple barbare constitue une menace.
— Je ne survivrai pas à une guerre contre les Nassin, expliqua Luther avec fièvre. Combattre les clans isolés des plaines est une chose, mais affronter les redoutables Goumis du désert en est une autre. Il n’existe aucune carte précise de cet immense territoire. Certains disent que les Nassin ont érigé des villes imprenables creusées dans les falaises. Nous ne savons même pas combien ils sont en réalité. Des dizaines de milliers ? Peut-être plus encore. Je refuse d’entrainer mes hommes dans une affrontement aussi mortel qu’inutile.
Son oncle le considéra un moment, avant de parler à nouveau.
— Je vois que tu parles selon ton cœur. Je ne connais peu les Nassin, et je ne l’ai ai jamais vus menacer ma cité.
—Que se passera-t-il si je refuse ? demanda Luther.
— Cette décision te placera dans une position dangereuse, mon garçon.
Il ferma les yeux un moment, puis fut pris d’une quinte de toux qui dura plusieurs minutes. Luther le regarda avec impuissance. Lorsque Déménor reprit la parole, sa voix était plus rauque mais aussi plus ferme.
— Je t’ai aimé comme un fils, Luther. Tant que je suis en vie, tu es ici chez toi, et mes hommes te seront loyaux. Cependant, à ma mort, rien ne garantit qu’ils te resteront fidèles. J’ai fait rédiger un testament il y a quelques jours. Ton nom y figure. Mais sans le consentement de Sa Majesté, ce document n’a pas de valeur.
Luther secoua la tête.
— Alors, il n’y a pas d’issue, dit-il. Peu importe ma décision, une mort certaine m’attend. Soit par la main des Nassin, soit par ma propre mère qui me condamnera pour trahison.
— Il existe une autre voie. Plus dangereuse, certes, mais salutaire...
— De quoi parlez-vous mon oncle ?
Déménor le considéra comme pour tenter de déterminer s’il était prêt à entendre ses paroles. Luther était à la fois intrigué et effrayé par son attitude mystérieuse.
— Mes informateurs m’ont rapporté des rumeurs. Plusieurs conseillers de la reine souhaitent voir son règne s’achever. Ils seraient ravis si tu montrais un quelconque intérêt à t’emparer du trône.
— Peu importe ce que ces gens pensent. Leur avis change au gré du vent et du cours de l’or. Mon frère est l’héritier légitime.
— Tu te trompes.
Déménor avait les yeux brillants. Il regardait Luther avec crainte, comme s’il redoutait par avance sa réaction.
— Tu te trompes, répéta-t-il. Ton frère Tiago n’est pas le fils naturel du Roi Magnus.
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CirceTheWitch
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Le Mas de Gaïa
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