Fyctia
Chapitre 6.2
— Tu as raison Jared, dit Luther. Nous arriverons avant la tombée de la nuit.
Les plaines désertiques du Sud étaient loin derrière eux. La végétation aux alentours était devenue plus abondante. L’air était moins sec et la température avait chuté. Luther pouvait apercevoir les fortifications de la cité. Le château était construit à flanc de montagne. Il était réputé imprenable. Tout autour, les douves profondes étaient remplies d’une eau noire. On racontait qu’une créature ignoble, sortie droit des enfers, y vivait. Les enfants de Loth se couchaient docilement chaque soir, effrayés par la perspective d’être emportés dans les douves par ces mêmes créatures. En grandissant, ils se rendaient compte qu’il ne s’agissait que de gros poissons, nourris par les déchets alimentaires provenant des cuisines.
Luther aperçut au loin un groupe d’hommes immobiles et à cheval, postés devant l’entrée de la cité. Derrière eux, la lourde porte en fer était hermétiquement close. Luther savait que derrière les murs épais se nichait une cité bruyante et pleine de vie.
Il partit au galop à leur rencontre. Ses officiers lui emboitèrent le pas.
Luther reconnut Grégori, son ancien maître d’arme. Lorsqu’il fut assez prêt, il croisa son regard brillant d’excitation. Son large sourire révélait des dents en mauvais état. Luther l’avait connu trapu et musclé ; il avait engraissé depuis.
— Luther de Lorient ! Voilà bien longtemps que tu n’avais pas paru devant moi. Comment te portes tu ?
Sa rude voix était adoucie par une affection évidente. Il le détailla de la tête aux pieds.
— Plusieurs années ont passé, mon garçon. Parbleu, je me souviens à peine du jeune garçon qui prenait sa raclée quotidienne au camp d’entrainement.
— Grégori de Sotto, répondit Luther en souriant, le temps où tu pouvais espérer me surpasser au combat est loin derrière nous désormais !
Les hommes s’esclaffèrent de bon cœur.
—Ta réputation te précède, Luther ! s’exclama Grégori avec fierté. Elle t’honore, mais elle m’honore aussi, car je fus ton maître d’arme. Soyez les bienvenus, toi et tes hommes.
Luther plaça son cheval de façon à chevaucher aux côtés de Grégori. Il se pencha vers lui.
— Comment se porte mon oncle ?
Grégori fronça les sourcils.
— Mal, j’en ai peur. Voilà plusieurs jours qu’il est cloué au lit par une mauvaise toux. Les médecins se relaient à son chevet. Mais je crains qu’il ne reste plus grand espoir. il est ravi de revoir ton visage avant de s’éteindre.
Quelque chose gonfla dans la gorge de Luther, l'empêchant de déglutir.
— Je pensais avoir plus de temps, parvint-il à dire.
—Les médecins disent que son cœur est épuisé. Il n’en a plus pour longtemps. Il souhaite te parler dès ton arrivée.
— Bien, murmura-t-il, sans que Grégori ne l'entende.
Ils entrèrent dans la cité par la lourde porte en fer qui s’était ouverte dans un grincement assourdissant. Le soleil était bas dans le ciel, et sa lumière chaude faisait briller les bâtisses en pierre qui les entouraient. A travers les fenêtres, des femmes penchées feignaient d’étendre leur linge tout en leur jetant des regards furtifs. D’autres, le visage fardé et la poitrine nue, gloussaient de manière explicite. Les rues étaient encore pleines malgré l’heure tardive. Les négociations allaient bon train et les marchands se dépêchaient de conclure leurs affaires avant la nuit tombée. Au passage des esclaves qui marchaient, les mains enchainées et les têtes baissées, les marchands eurent quelques regards intéressés. Rares étaient les marchands autorisés à acheter ou à vendre des esclaves. Ce commerce particulier, très lucratif, était étroitement contrôlé par la Reine. Seuls quelques marchands devaient acheter à prix d’or ce privilège.
Ils durent traverser une bonne partie de la ville avant d’arriver aux portes du château de Loth. Son architecture était simple, mais robuste, conçue pour résister aux assauts ennemis. Plusieurs meurtrières étaient creusées dans la pierre sombre et les remparts étaient gardés jour et nuit. La grande et lourde porte était fortifiée de métal, et il fallait plusieurs hommes robustes pour l’ouvrir.
Sur ordre de Grégori qui commandait la garnison du château, elle s’ouvrit. Ils pénétrèrent dans la cour. Les animaux de ferme se promenait en liberté au milieu des visiteurs. On pouvait sentir l’odeur de foin en provenance des écuries, situées à proximité. Luther imagina le nez plissé de dégout de Tiago, habitué au fumet délicat des jardins fleuris du palais. Son frère n’avait pas daigné sortir de sa chaise à porteur pour saluer leurs hôtes. Un affront, dont Grégori ne sembla pas se formaliser.
Ce dernier ordonna au valet qui s’était avancé vers eux.
— Fais conduire les chevaux aux écuries, et fais préparer des chambres.
— Nous avons 500 esclaves, l’informa Luther. Ou peuvent il passer la nuit ?
— Nous avons préparé le nécessaire, répondit Grégori. Ils seront enfermés près des écuries. Mes hommes se chargeront de les surveiller, afin que tes chevaliers se reposent.
— La traversée des montagnes sera rude… soupira Luther.
Il se sentit soudain vidé de toute énergie. Il apostropha Yvan et lui fit savoir que son maitre logerait dans la chambre de l’aile Nord. Puis, il s’adressa à Grégori.
— A présent, conduis-moi à mon oncle.
Ils pénétrèrent dans le château. Rien n’avait changé depuis son départ. L’intérieur était peu éclairé et la décoration était sommaire. Quelques tapisseries élimées ornaient les murs. La plupart représentaient des membres de la famille royale s’illustrant dans des scènes de combat enjolivées par l’imagination de l’artiste. Sur l’une d’entre elle, on pouvait apercevoir un homme, auréolé de lumière, levant son épée et affrontant à lui seul une armée de barbares sanguinaires.
— Béni soit Loren de Lorient, gloire à son nom, commenta Grégori avec respect.
Il connaissait la légende qui entourait le prophète Loren. L’homme, originaire des Terre Fragmentées, avait unifié le continent dans le sang, et avait contraint la population autochtone à se déplacer plus au sud, dans les plaines et le désert inhospitalier. Il avait ensuite reçu la parole divine, et avait fondé le Temple, qui incarnait toujours l’autorité religieuse dans la capitale. Le fait que Loren soit son ancêtre direct ne lui avait jamais procuré la moindre fierté. Il avait toujours considéré que la gloire n’était pas héréditaire, et qu’un homme ne dispose que de sa propre vie pour démontrer ce dont il est capable. Il sourit avec amertume. Il était improbable que son propre portait orne un jour une quelconque tapisserie.
Grégori le conduisit devant la chambre de son oncle et frappa à la porte. Un domestique ouvrit la porte et baissa la tête avec révérence.
—Luther est arrivé, dit Grégori.
Le serviteur s’écarta pour le laisser passer. Luther fit un signe amical à Grégori et pénétra dans la chambre.
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