Fyctia
Chapitre 6.1
Le Temple exerce un contrôle absolu sur les continentaux. Les préceptes stricts de la religion leur sont enseignés dès le plus jeune âge par une assemblée de prêtres rigides et ascétiques. Ces pauvres âmes ne peuvent dévier de la voie qui leur est tracée par leur sage prophète, le vénéré Loren. Et cependant, que d’années ont coulé depuis son avènement, et que de changements ont été apportés par les années !
Extrait du journal d’Aenid, livre premier.
Après quelques jours de marche, les cimes enneigées des montagnes étaient apparues à l’horizon. Les hommes souriaient enfin, la ville était toute proche. Ils se réjouissaient de pouvoir jouir d’un bain, de nourriture chaude et de la compagnie des femmes de petite vertu. Luther partageait leur sentiment. Il était d’excellente humeur. Loth était son foyer. L’humeur massacrante affichée par son frère le réjouissait d’autant plus. Ce dernier n’avait jamais apprécié la compagnie de leur oncle Déménor. Tout à Loth déplaisait au prince : son château fortifié, les décorations modestes des pièces de vie et la nourriture simple et rassasiante dépourvue d’épices rares et coûteuses, rien ne trouvait grâce à ses yeux. Il avait donc donné des ordres clairs : l’expédition ne resterait à Loth que le temps nécessaire au ravitaillement des troupes. Il fallait se rendre au palais dès que possible, Sa Majesté s’impatientait.
Depuis la conversation qu’ils avaient partagée, la relation entre les deux frères s’était détériorée, et son frère lui vouait un mépris exacerbé. Il préparait quelque chose. A chaque fois que Luther pénétrait dans sa tente, ce dernier semblait plongé dans d’intenses réflexions. Luther l’avait surpris à plusieurs reprises en train de rédiger de longs messages destinés à leur mère, qu’il cachait soigneusement en sa présence. Il l’évitait comme la peste.
Les deux frères n'avaient pas été proches depuis leur enfance. La mort de leur père et la préférence affichée de leur mère pour son frère aîné avaient fait d’eux des étrangers l’un pour l’autre. Sa mère et Tiago ne lui permettraient jamais de s’écarter de la voie qu’ils avaient tracé pour lui. Un vulgaire esclavagiste. Tant qu’il était utile, sa présence était tolérée. Mais après ? A cette angoissante question, il n’avait pas de réponse.
Que peuvent-ils faire ? pensait-t-il.
La Reine ne pouvait condamner son propre fils à la mort. Il serait exilé, dans le pire des cas. La perspective ne l’enchantait guère, mais mieux valait un exil qu’une vie passée dans les territoires arides et inhospitaliers du Sud.
Il soupira. Il était las de guerroyer contre des ennemis imaginaires. La propagande dans la capitale dépeignait les Nassin comme des sauvages, réputés sanguinaires et sans pitié. On racontait qu’ils pratiquaient des sacrifices humains et qu’ils étaient cannibales. La première fois que Luther avait croisé un clan des plaines, il s’était imaginé avec effroi devoir assister à d’abominables rites. Il avait constaté que les Nassins n’étaient pour la plupart que de pacifiques nomades qui élevaient du bétail. Ils étaient bons cavaliers, leurs chevaux étaient souvent considérés comme de véritables membres du clan. Les Goumis du désert cependant lui avaient donné du fil à retordre. Ces cavaliers à la peau noire vivaient au cœur du Désert Rouge, dans des cités qu’il n’avait jamais visitées. Ils étaient adroits, et maniaient le Serpi comme personne. Il avait été impressionné devant ces hommes drapés de blanc, chevauchant d’imposants destriers, et hurlant dans cette langue si gutturale et abrupte, le Rimi. La seule étrangeté qui avait étonné Luther, c’est la polygamie pratiquée par certains chefs de clan. Ils paradaient leurs femmes drapées de la tête au pied comme des objets de valeur. En général, ces hommes gras et suant à grosses gouttes étaient plus enclins à négocier, et lui cédaient une partie de leur peuple contre une bourse pleine d’or. Mais la plupart du temps, les clans étaient offensés par sa proposition. Il lançait alors son armée à l’assaut, brûlant et détruisant les foyers des familles qui n’avait rien demandé.
Luther voyait de plus en plus la colère dans les yeux des hommes qu’il capturait et trainait de force jusqu’à la capitale. Il avait jugulé les rares tentatives de rébellion en exécutant les meneurs. Mais pendant combien de temps un peuple peut-il accepter un tel traitement ? Luther craignait qu’un jour une révolte sanglante ne mette fin à la paix du continent.
Il repensa à Aenid, et tourna la tête pour tenter de l’apercevoir. Derrière lui, une longue procession s’étalait à perte de vue. Il ne la vit nulle part. La vieille femme sentit son regard et leva les yeux vers lui. Elle les baissa tout en maugréant quelque chose à voix basse.
La voix de Jared le tira brusquement de ses pensées.
— Commandant, nous sommes sur le territoire du Seigneur de Loth.
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